Sayfadaki görseller
PDF
ePub

grand-maître des cérémonies; elle applaudit à la résolution de l'Assemblée qui, séance tenante, persista dans ses précédens arrêtés, proclama l'inviolabilité de ses membres, et déclara coupable de haute-trahison quiconque oserait y attenter. Dès lors, la révolution fut consommée ; mais dès lors aussi le trône fut compromis, et les esprits modérés commencèrent à voir des nuages dans l'avenir.

C'est une grande sagesse, dans quiconque exerce le pouvoir à l'entrée d'une révolution, de mesurer de suite l'étendue des concessions qu'exige l'opinion publique, de les exécuter sans réserves, et d'aller même, dès le premier moment, un peu au-delà de ce qu'on attend de lui : il n'est que ce moyen de rester maître des événemens. Devancez-vous l'opinion; vous la dirigez par la confiance : vous laissez-vous devancer par elle; elle vous traîne en esclave à sa suite.

Les événemens ne justifièrent que trop alors cette éternelle vérité. Après l'éclat de la séance royale, la cour se vit obligée de ployer, et de donner elle-même les mains à la réunion des ordres ; cette concession forcée accrut la puissance du parti populaire sans calmer ses défiances.

Président de l'Assemblée dans ces circonstances difficiles, Bailly sut allier la modération au courage. Après la réunion des ordres, il conserva quelque temps encore ses fonctions, et dans ces premiers momens la sagesse de sa conduite adoucit du moins, si elle ne put l'effacer, l'effet des prétentions jalouses et le ressentiment des intérêts blessés. Il présida l'Assemblée jusqu'au 2 juillet ; à l'expiration de ses fonctions, une députation de l'Assemblée lui porta les remercimens de ses collègues. Déjà cet hom

b

mage si flatteur avait été précédé d'autres hommages : l'Académie française, par l'organe de Marmontel, son secrétaire, avait adressé une lettre de félicitations au président de l'Assemblée nationale: l'Académie des belles-lettres avait fait plus encore; un arrêté pris par elle plaça le buste de Bailly dans la salle de ses séances. Cependant la cour, vaincue le 23 juin, songeait à renouveler le combat des troupes s'approchaient de Paris et de Versailles ; l'Assemblée avait, à plusieurs reprises, demandé leur éloignement sans pouvoir l'obtenir; un ministre cher au peuple, M. Necker, venait d'être exilé; on annonçait des mesures violentes, la dissolution de l'Assemblée, l'arrestation de plusieurs députés. Ces préparatifs menaçans amenèrent la journée du 14 juillet : la Bastille prise et rasée, la création instantanée d'une garde nationale, l'institution d'une municipalité dans la capitale du royaume, signalèrent dans cette journée le triomphe du parti populaire. Les nouveaux ministres n'avaient pas vu qu'en appelant la force militaire contre la représentation nationale, qu'en la réduisant ainsi à chercher à son tour un appui dans la force populaire, ils précipitaient eux-mêmes la France dans les voies irrégulières d'une révolution hostile et violente. Ce fut encore le trône qui paya cette erreur du ministère.

Le lendemain de cet événement, une députation de l'Assemblée nationale se rendit à l'Hôtel-de-Ville de Paris; Bailly et M. de La Fayette en faisaient partie : arrivés à l'Hôtel-de-Ville, une acclamation universelle décerna au premier le titre de maire de Paris, au second celui de commandant-général de la milice parisienne.

A peine sorti de ses premières fonctions, Bailly se trouva donc investi d'une fonction peut-être plus déli

cate et plus périlleuse encore. Assurer, dans un temps de famine, la subsistance d'une capitale insurgée; ré-pondre sur sa tête du succès de ses efforts; diriger une administration aussi vaste qu'importante, dont la marche, dont les attributions, dont les prérogatives étaient encore indéterminées; maintenir l'ordre public au milieu de l'effervescence universelle; suppléer par la persuasion aux moyens de répression dont l'usage pouvait entraîner les plus grands dangers, tels furent les devoirs qu'il s'imposa. L'histoire dira s'il a su les remplir.

Dès les premiers jours de son administration, tous ses momens furent consacrés à la subsistance de Paris. On verra, dans ses Mémoires, combien de travaux et d'alarmes il eut à dévorer pendant les quatre mois que dura la famine: il s'entoura des plus sages conseils, lutta, sans se décourager, contre des difficultés sans cesse renaissantes, et parvint, par des efforts inouïs, à sauver une population de huit cent mille ames des calamités qui la menaçaient.

Ce ne fut pas sans de nombreux dangers que le maire de Paris poursuivit le cours tutélaire de son administration. « Le peuple, qui calomnie toujours les gouverne» mens, quand ils ne lui révèlent pas le secret de leurs » opérations, dit un auteur contemporain, s'amoncelait >> aux portes de l'Hôtel-de-Ville, menaçant d'assassiner » son maire, s'il se présentait à ses regards. Dès ce >> moment, Bailly, qui croyait à la vertu parce qu'il en » avait lui-même, se rendit accessible à tout le monde, » sortait à pied et sans gardes, défiant ses assassins par » le spectacle de son visage calme, où son innocence » était empreinte, et sauva ainsi ses jours en conservant sa gloire. >>

b*

En même temps qu'il dévouait ses jours à la conservation de ses concitoyens, Bailly épuisait sa fortune personnelle par les dépenses qu'entraînait la place émi nente qu'il avait acceptée. Modeste pour lui-même, portant, dans l'exercice de l'autorité la plus étendue, la première simplicité de ses mœurs, il se montrait pourtant soigneux de sa dignité; il soutenait, par une représentation convenable, par de fréquentes libéralités, l'honneur de ses fonctions. Il n'oubliait pas non plus les sollicitudes de l'humanité, et ce fut pendant la durée de son administration qu'il composa, pour l'Assemblée nationale, un Discours sur les prisonniers, digne, par la philanthropie qui le caractérise, de l'auteur du Rapport sur les hôpitaux.

Bailly trouva long-temps, dans la reconnaissance publique, dans la popularité attachée à son nom, la récompense de ses sacrifices et de ses travaux. Cette récompense était digne de son cœur, et la sagesse ne lui avait pas appris à la dédaigner; mais, dans les temps de révolution, la popularité est fugitive. D'imprudentes résistances avaient donné à la révolution le caractère d'un combat; la faveur populaire avait dû, dès lors, s'attacher, non aux esprits les plus sages, mais aux esprits les plus ardens. Bailly éprouva le sort réservé aux hommes justes et modérés, placés entre des partis qui se combattent. Partisan des idées nouvelles, il devint odieux aux défenseurs de l'ordre ancien; défenseur de l'autorité royale, il devint suspect aux partisans trop passionnés de la révolution. Dès le 17 juillet, les premiers avaient poussé l'injustice jusqu'à lui reprocher, comme un outrage à la dignité royale, ces paroles adressées au descendant de Henri IV : « Il avait conquis son peuple; au

[ocr errors]

jourd'hui, c'est le peuple qui a reconquis son roi. » Dès le 22, il avait fait un vain essai de son ascendant sur ce peuple, en voulant dérober à la mort le malheureux Foulon, qui fut arraché de ses mains et massacré presque sous ses yeux. Cette scène effroyable l'avait frappé d'un pressentiment șinistre; et, dans les épanchemens de l'amitié, tandis que les témoignages d'amour et d'enthousiasme éclataient autour de lui, il s'entretenait de l'inconstance des sentimens populaires, et semblait; se préparer à la destinée qui l'attendait.

[ocr errors]

Toutefois Bailly n'avait pas toujours lutté sans succès contre l'effervescence révolutionnaire. L'un de ses biographes nous a transmis à ce sujet une anecdote assez piquante pour être conservée. A la fin d'octobre 1789, le peuple, attroupé sur la place de la maison commune, demandait du pain; des cris effrayans, pénétraient jusque dans la salle du conseil que présidait Bailly, Chacun tremblait; Dusaulx, vieillard yénérable, doué d'une belle figure et d'un organe sonore, se lève et propose d'aller se montrer au peuple. Il sort, monte sur une estrade élevée pour les proclamations, et là : Messieurs, dit-il, vous voyez devant vous le traduc teur de Juvenal...... A ce nom de Juvenal, tout le peuple de s'écrier: Qu'est-ce que ce Juvenal? un aristocrate, sans doute. A la lanterne M. Juvenal! à la lanterne celui qui vient nous en parler! C'est du pain qu'il nous faut; M. Juvénal nous en donnera-t-il ?* Le pauvre Dusaulx s'agite en vain pour se faire entendre ; les cris à la lanterne couvrent sa voix. Déjà l'on s'emparait de lui, quand Bailly se présente, et, d'un ton calme, dit à ces furieux: Dusaulx est mon ami, je le réclame. A ces simples paroles, tout se calme; le peu

« ÖncekiDevam »