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Capet. La veuve Capet! que de douleurs dans ces deux mots! Bailly put, dès cette séance, pressentir le sort qui l'attendait. En présence des juges qui traitaient déjà l'accusée en coupable et lui-même en complice, il ne démentit point son noble caractère. Ferme devant le tribunal qui l'interrogeait, respectueux envers l'illustre accusée, il répondit avec autant de calme que de dignité à des questions qui n'étaient pas moins dirigées contre lui que contre Marie-Antoinette. Interpellé de déclarer s'il connaissait l'accusée, il s'inclina devant elle, et d'un ton pénétré : Ah! oui, dit-il, je connais Madame. La mort de la reine précéda le jugement de Bailly.

Rentré dans sa prison, Bailly écrivit une défense de sa conduite, intitulée : Bailly à ses concitoyens. Elle fut imprimée clandestinement; car aucun imprimeur n'osa y mettre son nom. Mais elle ne détourna point le coup suspendu sur sa tête (1).

Traduit à son tour à la barre du redoutable tribunal (2), Bailly subit deux interrogatoires. On lui renouvela les questions auxquelles il avait répondu lors du procès de la reine. Ses réponses furent vraies, fermes et précises. Aucun acte de faiblesse ne ternit la gloire de ses derniers momens. Il ne craignit pas d'avouer qu'il était royaliste constitutionnel, qu'il avait

(1) Cette pièce intéressante et très-peu connue se trouve imprimée à la fin de ce volume (note A—B). Un des biographes de Bailly paraît croire qu'elle a été composée pendant son propre procès, entre le premier et le second interrogatoire. Mais la lecture de l'écrit nous semble prouver qu'il a été rédigé avant que Bailly fût personnellement en ac

cusation.

(2) Le 20 brumaire an II ( 10 octobre 1793.)

servi le roi sans bassesse comme il l'avait loué sans flatterie. Il fut condamné à la mort.

Le jour du supplice arrivé, Bailly, les mains liées derrière le dos, est placé sur la fatale charrette. Elle part, à travers les imprécations d'une populace furieuse,. exaltée encore par des écrits sanguinaires (1). Le drapeau rouge était attaché derrière la voiture, qui s'acheminait lentement vers le Champ-de-Mars; car on avait voulu, par un raffinement de cruauté, que l'exécution eût lieu sur cette place même. Pendant le long trajet de la Conciergerie au Champ-de-Mars, Bailly, presque nu, glacé par la pluie froide qui tombait à torrens ; exposé aux insultes de la multitude qui le chargeait d'injures, qui lui lançait de la boue, qui cherchait à le frapper, et faisait souvent arrêter le cortége, pour prolonger l'agonie de la victime; n'ayant, dans cette foule immense, que ses bourreaux pour défenseurs; Bailly, le front calme, le regard tranquille, ne fit pas entendre une plainte. Après une heure et demie de marche, on arrive au lieu de l'exécution; Bailly descend; déjà on l'entraînait vers l'échafaud, lorsque plusieurs des assistans demandent qu'on brûle devant lui le drapeau rouge qui avait servi dans l'affaire du Champ-de-Mars. On apporte du feu, LA allume le drapeau, une main cruelle l'agite tout en flammé sous le visage de Bailly, à qui la douleur arrache pour la première fois un cri involontaire : la multitude applaudit. Pour la seconde fois il approchait de l'échafaud; tout-à-coup, quelqu'un s'écrie que la terre sacrée du Champ de la Fédération ne doit point être souillée par

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(1) Après la condamnation de Bailly, il parut un écrit destiné à la justifier. On le trouvera parmi les pièces à la fin du volume (note C).

le sang d'un tel scélérat; qu'il faut déplacer l'échafaud. Cette idée est accueillie par mille acclamations. L'échafaud, lentement démonté, transporté pièce à pièce dans un des fossés pratiqués sur le bord de la Seine, est relevé sous les yeux de Bailly, que l'on conduit à pied sur la chaussée pour le rendre témoin de cette sinistre opération. Là, pendant trois heures, il reste en butte aux outrages de la populace qui lui crache au visage, lui lance des pierres, le frappe' avec des bâtons. La pluie, qui continuait à tomber avec violence, inondait la tête nue de Bailly: il frissonnait. Tu trembles, Bailly ? lui dit un des satellites: Mon ami, c'est de froid, lui répond doucement l'auguste victime. Cependant la nature épuisée trahit son courage; il tombe évanoui. Revenu à lui, il s'adresse avec calme à ses bourreaux pour demander qu'on hâte son supplice. Cette prière, plusieurs fois renouvelée, est exaucée enfin. L'échafaud est relevé sur un monceau d'immondices: alors Bailly, rassemblant ses forces, se relève, monte à l'échafaud d'un pas ferme, et présente la tête au coup mortel.

Ainsi périt Sylvain Bailly, auteur de plusieurs ouvrages remarquables; membre de l'Académie des sciences, de l'Académie des belles-lettres et de l'Académie française; membre et président de la première de nos Assemblées nationales, et deux fois maire de Paris. Il avait vécu cinquante-sept ans.

Bailly était d'une taille élevée; ses traits étaient allongés, sa figure noble mais froide, son caractère sérieux, son ame douce et sensible. L'étude était son occupation favorite, la méditation son état habituel. Ses travaux lui procurèrent une aisance honorable; il dépensa dans son administration la plus grande partie de sa fortune, et

sortit pauvre de l'une des premières places de l'État. En l'an VII, son Essai sur les fables, inédit jusqu'alors, parut imprimé ; un exemplaire en fut offert en hommage au Corps législatif. Baudin des Ardennes, député, saisit cette occasion de payer à l'ouvrage et à l'auteur un juste tribut d'éloges : un autre député, Rewbel, déplora la calomnie qui l'avait conduit à l'échafaud. L'Essai sur les fables obtint d'imposans suffrages: il repose sur cette idée, exprimée déjà dans les précédens écrits de Bailly, que les premiers habitans de l'Olympe n'avaient été que des héros divinisés. L'astronome Lalande disait de cet ouvrage qu'il préférerait la gloire d'en être l'auteur à celle d'avoir été maire de Paris et président de l'Assemblée constituante.

Outre l'Essai sur les fables, Bailly a laissé quelques ouvrages posthumes d'une moindre importance. Ils ont été réunis et publiés dans un recueil imprimé en 1810.

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Les Mémoires laissés par Bailly ne sont pas le moins intéressant de ses ouvrages. L'auteur paraît les avoir écrits en 1792 il voulait y renfermer l'histoire entière de sa vie politique, c'est-à-dire, un espace de trente et un mois il n'eut pas le temps d'achever, et ces Mémoires n'ont point été poursuivis au-delà du 2 octobre 1789. Ils ne comprennent donc qu'un espace d'environ cinq mois et demi. Mais dans ce court espace, de grandes choses ont été faites: la révolution s'est fondée. Il est curieux d'observer, dans les Mémoires de Bailly, les commencemens de cette révolution mémorable. L'écrivain a tracé, jour par jour, et dans le plus grand détail, le récit des faits. Il les raconte avec candeur, et les juge avec autant de sagesse que d'impartialité. Il ne faut pas cependant s'attendre à rencontrer chez lui une connaissance appro

fondie des causes secrètes et des ressorts cachés de chaque événement. Bailly, trop pur pour être admis à la confidence des partis, n'a guère vu que la surface de la révolution : mais ce point de vue, qui nous présente les faits dans leurs caractères ostensibles et publics, n'est pas non plus sans intérêt. La plupart des Mémoires, sur les questions les plus importantes de la révolution, rapportent seulement ce qu'on a fait : Bailly examine ce qu'on a dú faire, et sa manière de voir est, en général, aussi judicieuse que modérée. Dans la dernière partie de cet ouvrage, l'écrivain a retracé, avec autant d'énergie que de vérité, l'effrayante position d'un corps d'administrateurs appelés, dans un temps de disette et dans un moment d'insurrection, à contenir, à préserver de la mort huit cent mille citoyens confiés à leur vigilance; certains, si les vivres manquent un seul jour, d'être immolés à l'aveugle colère du peuple, et quelquefois arrivant au milieu de la nuit sans être assurés de la subsistance du lendemain. Enfin, ces Mémoires sont peut-être la source où l'on apprend le mieux à connaître la période décrite par l'auteur, et, ce qui peut-être n'est pas d'un moindre prix, à connaître l'ame d'un homme vertueux et d'un grand citoyen.

ST. A. BERVille.

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