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occupés sans cesse à activer les approvisionnements; qu'on avait tous les jours 72 mille bouches à nourrir, et que cette consommation extraordinaire mettait l'administration dans limpossibilité absolue de faire aucune réserve de farines et de biscuits pour les expéditions projetées.

Quelle était donc la cause de cette pénurie sans exemple, qui a tout paralysé? Je la trouve principalement dans la fatale sortie de l'armée navale de 35 vaisseaux, partie de Brest le 10 nivôse, an III, sous le commandement du vice-amiral Villaret, et sous la direction du représentant du peuple Trehouart. Les désastres que cette armée a essuyés sur l'océan, désastres qui l'ont forcée de rentrer totalement désemparée, n'ont plus permis au gouvernement de faire sortir de Vaisseaux pour protéger les arrivages de subsistances et autres approvisionnements. Une population maritime immense est restée oisive dans le port, consommant infructueusement le peu de denrées qu'on pouvait se procurer, dans les envirous, à force d'argent et d'efforts. Sous ce rapport, et sous plusieurs autres, la sortie de notre armée navale, au 10 nivôse, est un des évènements maritimes

les plus funestes qui ayent, jusqu'à présent, caractérisé notre guerre de mer. J'en dois dire un mot pour la vérité de l'histoire, et l'utile leçon de l'expérience.

Les fautes du 13 prairial ne nous avaient pas rendus sages. On imagina de faire sortir dans le milieu de l'hiver, et de l'hiver le plus âpre, l'armée qui était mouillée dans la rade de Brest, au nombre de 30 à 35 vaisseaux. On doit dire que plusieurs de ces vaisseaux avaient leurs mâts jumelés depuis le combat du 13 prairial, et que plusieurs autres faisaient de l'eau ou étaient hors d'état d'aller à la mer. On assure même que la plupart des vaisseaux n'avaient pas été délestés, ni visités depuis deux ans, c'est-à-dire, depuis l'origine du gouvernement révolutionnaire et les nominations faites aux différentes places du port à cette époque fameuse. (1) J'écrivis à d'Albarade une lettre que je communiquai à quelques capitaines, qui étaient comme moi en arrestation, et malades à Brest, à l'hospice militaire. Je lui marquais : » Si l'armée

met en mer, vous perdrez des vaisseaux; » toute votre armée rentrera délabrée; vous

(1) Un ex-moine, frère de l'accusateur près le tribunal révoJutionnaire, était inspecteur-général du port.

» n'avez rien dans les magasins pour la

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réparer; vous n'aurez point d'armée au printemps; les ennemis insulteront nos côtes impurément, et la république sera com» promise.» Point de réponse. A cette époque, le nommé Duras, secrétaire des représentants en mission près les Côtes de Brest, ordonne de transférer à Paris le vice-amiral Morard de Galles, et moi, comme compliqués dans la prétendue conspiration de Quiberon, dont le comité de salut public voulait lui-même prendre connaissance; il reconnut notre parfaite innocence, après un mûr examen.

Me trouvant à Paris, jinsistai vivement auprès de ce même comité pour que l'armée ne sortit pas, et le représentant Bréard me dit qu'on avait envoyé un courier pour empêcher l'armée de mettre à la voile; mais la commission de marine n'ayant point expédié promptement le courier, et le courier ayant employé onze jours à se rendre à Brest, dans un temps où cette route était parfaitement libre, les ordres arrivèrent trop tard et l'armée était partie depuis 24 heures. Quelques personnes disent que le courier arriva avant le départ de l'armée; mais qu'on passa sous silence les ordres qu'il avait apportés. Il n'est pas

permis de croire une pareille assertion. Quoi qu'il en soit, l'armée partit; on lui fit signal d'appareiller imprudemment au commencement d'un coup de vent. Le Républicain, vaisseau à trois ponts, fit naufrage au milieu du goulet. Le Redoutable pensa aussi périr. Le capitaine Moncousu, homme instruit, qui le commandait, pensa aussi périr, et fut obligé d'abandonner sa chaloupe et ses ancres pour sauver le vaisseau, en faisant route. Il faut convenir que l'armée ne pouvait appareiller sous de plus sinistres auspices.

II y avait une belle opération à faire, puisqu'on voulait absolument sortir. Je l'indiquai, mais ́inutilement. Je proposai de conduire l'armée navale de la république à Lisbonne, de mouiller l'armée devant cette capitale, à une portée de fusil de la ville et du palais du roi; de la faire précéder par une frégate parlementaire, qui annoncerait que l'armée de la république ne vient pas pour nuire aux portugais, quoiqu'alliés et esclaves de l'Angleterre; mais qu'elle vient pour exiger que tous les magasins et vaisseaux anglais lui soient livrés sur-le-champ, sous peine de raser la ville de fond en comble. Cette opération procurait à la France 200 millions en numéraire ou en

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marchandises anglaises; l'Angleterre recevait un échec terrible, qui y causait et des banqueroutes et une désolation générale. Notre armée, sans être fatiguée de la mer, revenait à Brest, comblée de richesses, couverte de gloire, et la France étonnait encore l'Europe par un nouveau triomphe.

On alléguait pour motif secret de cette sortie que l'on voulait protéger le passage de 6 vaisseaux, qui allaient à Toulon renforcer l'armée de la méditerranée; mais on sera étonné d'apprendre que tout était si mal combiné, que les 6 vaisseaux destinés pour Toulon, bien loin d'aller à leur destination, ont été obligés de rentrer à Brest avec l'armée navale, parce que ces 6 vaisseaux, qui avaient six mois de vivres, ont été obligés de les partager entre plusieurs disseaux de l'armée, qui étaient sortis de Brest avec moins de 15 jours de vivres et de bois à brûler. Peut-on voir un désordre plus complet ! Enfin il arriva des évènements affreux : 3 beaux vaisseaux, le Neuf-Thermidor, le Scipion, le Superbe, de 80 et 74 canons, périrent en pleine mer et s'engloutirent dans l'aby me avec leurs apparaux, leur artillerie et une partie de leurs équipages. D'autres vaisseaux se

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