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DE

L'ASSOMPTION DE LA TRÈS SAINTE VIERGE

V

Dans toute démonstration, il importe, en premier lieu, de bien définir les termes employés, et de délimiter exactement le terrain, sur lequel on porte ses recherches; c'est une des conditions essentielles pour arriver à la pleine lumière. Or, il s'agit présentement de montrer que la doctrine de l'Assomption de la Très Sainte Vierge repose sur l'autorité de Dieu lui-même, soit qu'il l'ait révélée explicitement ou implicitement, soit que les Apôtres l'aient enseignée comme un fait doctrinal. Que faut-il donc entendre par ce terme d'Assomption? Autrement dit, à quel objet voulons-nous attribuer, ou plutôt reconnaître, le caractère divin, sinon dans son origine, au moins dans sa transmission? On le comprend aisément, il ne saurait être question ici d'autre chose que de la substance même du fait, dégagé de toutes les circonstances adventices, peut-être vraies, peut-être fausses, que des récits, dont l'exactitude est difficile, pour ne pas dire impossible à prouver, nous rapportent sur la mort et la résurrection anticipée de NotreDame. Le privilège de Marie consiste essentiellement dans la glorification de son corps réuni à son âme bienheureuse; le reste s'y ajoute par voie de conséquence ou de convenance, ou même de simple possibilité. Il serait donc aussi inutile que difficile de vouloir déterminer la valeur de certains détails, dont nous trouvons la première mention écrite dans des œuvres apocryphes ou chez des hérétiques. Le théologien ne doit retenir qu'une seule chose de ces récits plus ou moins circonstanciés ; c'est la tradition de l'Assomption corporelle de la T. S. Vierge, tradition fondée sur une base dogmatique indiscutable, et qui se présente en premier

lieu comme une vérité d'ordre doctrinal et non pas simplement, ni même également, comme un fait externe.

Quoique tenue pour certaine, la croyance à l'Assomption ne paraissait pas jouir de toute la faveur qu'elle mérite au point de vue théologique, jusqu'au moment où la définition dogmatique de l'Immaculée Conception est venue répandre une nouvelle lumière sur les prérogatives de la Mère de Dieu. Plusieurs ne voulaient y voir qu'un événement extérieur, miraculeux sans doute, mais constaté à la manière ordinaire par des témoins véridiques, et dont la connaissance nous aurait été transmise selon la loi commune et humaine. La convenance intrinsèque passait au second plan, et, dans ce système, tout reposait en définitive sur la véracité, au moins substantielle, du récit de la mort et de la résurrection de Marie; de là, la nécessité de prouver historiquement l'exactitude de ce récit s'imposait sous peine de voir disparaître le fondement même de la croyance, On faisait fausse route; car, si la tradition fournit un élément indispensable pour la solution du problème qui nous occupe, ce n'est point d'histoire qu'il s'agit, mais de théologie. Sans doute, dans le cas présent, la première fournit à la seconde un appui, dont celle-ci ne saurait se passer; mais les historiens éprouveraient peut-être quelque embarras pour nous dire d'une manière absolument concluante sur quelle autorité repose la certitude de l'Assomption de la T. S. Vierge. En répondant que c'est sur l'autorité de l'Église, on ne fait que reculer la question, qui se présente d'elle-même : Où l'Église a-t-elle puisé cette connaissance infaillible de la glorification totale de Marie? Qui lui certifie que Notre-Dame est présente au ciel en corps et en âme? Car l'Église croit et enseigne authentiquement que la divine Mère du Sauveur n'a point à attendre, comme les autres bienheureux, le moment de la résurrection générale pour jouir de toute la béatitude promise aux élus. Or, elle ne peut se tromper, et puisqu'elle croit à l'existence de ce privilège et qu'elle l'enseigne aux fidèles, nous sommes donc en présence d'une vérité qui fait partie de la révélation, ou qui en découle nécessairement, ou encore qui a été démontrée par les moyens naturels et qui fait partie de l'enseignement catholique à cause des liens qui la rattachent au dogme; il n'y a pas d'autre hypothèse possible.

Jusqu'ici, la question n'avait pas été posée sous cette forme très

simple; peut-être même n'y avait-on pas assez réfléchi, malgré son importance. Les récits des livres apocryphes jetaient comme un certain discrédit sur cette glorieuse prérogative de la Vierge, qui s'harmonise si bien avec les grâces ineffables dont le Seigneur l'a enrichie. On admettait la croyance, et par crainte de détails faux et ridicules, rapportés par des ouvrages plus ou moins véridiques, on n'osait pas rechercher sur quelle base l'Église infaillible appuie sa conviction. Répétons-le, qui donne à l'Église l'assurance de la certitude de l'Assomption de Marie? En d'autres termes, qui a appris ce fait à l'Église? Qui nous garantit son enseignement sur ce point? Quel est le caractère de cette doctrine? Il ne s'agit donc plus seulement de prouver l'existence de l'Assomption, mais de montrer à quel ordre de vérités elle appartient. Les deux questions sont différentes, quoique intimement unies, et il importe de les distinguer pour maintenir nos recherches sur le vrai terrain, comme aussi pour arriver plus sûrement au but; on y parviendra en marchant à la lumière des principes fournis par la théologie, d'une part, et par la philosophie de l'autre, en ce qui concerne la certitude historique et la légitimité de la tradition orale. Il n'est donc point nécessaire à notre dessein d'entreprendre un examen approfondi des affirmations du pseudo-Méliton, du récit attribué à Juvénal, évêque de Jérusalem, et de toute la littérature apocryphe qui fleurit, avant même le concile d'Ephèse, sur la mort et la résurrection de la Sainte Vierge : l'étude des diverses circonstances, qui viennent s'ajouter à la substance même du fait de l'assomption, serait plus nuisible qu'utile. Par conséquent, nous ne rechercherons point jusqu'à quel âge a vécu Notre-Dame, ni en quel endroit se trouve son tombeau, ni combien de temps son corps est resté dans le sépulcre, ni si la résurrection a eu lieu dans le ciel ou sur la terre; nous nous occuperons exclusivement de la présence au séjour de la gloire, de la Très Sainte Vierge, en corps et en âme ; c'est seulement sur ce point que porte le débat. Il ne faut pas perdre de vue cette idée précise, si l'on veut suivre notre argumentation, dans laquelle n'entrera rien de ce qui ne va pas directement au but.

Afin de prévenir une objection, il est bon de dire que si, conformément à la croyance de l'Église, nous supposons la réalité de la mort de Notre-Dame, la glorification corporelle de Marie n'exige

pourtant pas la mort comme condition nécessaire, et que les raisonnements, qui seront exposés dans cette étude, garderaient toute leur valeur, même dans le cas où la sainte Vierge ne serait pas morte; car alors il n'y aurait plus lieu de parler de sa résurrection, mais seulement de la présence au ciel, de son corps vivant et glorieux, et ce sont précisément les termes du problème, dans lequel nous nous demandons si cette doctrine est révélée. Toutefois, parce que Notre-Dame a passé par la mort, à l'exemple de son Divin Fils, il faut bien parler de son retour à la vie corporelle. En effet, malgré les hésitations de saint Épiphane, l'Église a toujours enseigné par la voix de la liturgie et par celle des Pères que l'incomparable Mère de Dieu a connu, par expérience, la séparation de l'âme avec le corps. Ne suffit-il pas de rappeler les prières si explicites des anciens sacramentaires, le terme de Dormition employé surtout par les Grecs, et principalement la secrète, qui se trouve dans le missel romain au jour de la fête de l'Assomption Subveniat, Domine, plebi tuæ Dei genitricis oratio, quam etsi pro conditione carnis migrasse cognoscimus...? D'ailleurs, le dogme de l'Immaculée Conception n'entraîne point pour la sainte Vierge l'immortalité bienheureuse non précédée de la mort, non mediante morte. Dans l'état de justice originelle, l'absence du péché ne rendait point, à elle seule, l'homme immortel; cet effet était dû surtout à une providence spéciale de la part de Dieu, à la protection des anges et au fruit de l'arbre de vie. La justice originelle était véritablement la cause de l'immortalité de l'homme avant sa chute, en raison des moyens extérieurs qu'elle lui valait, et même en raison de la parfaite harmonie de toutes ses facultés ; mais elle ne la produisait pas physiquement; elle ne le pouvait même pas. Comme l'enseigne saint Thomas, Adam en l'état d'innocence avait un corps passible et mortel, qu'il pouvait préserver de tout accident par sa propre vigilance et que Dieu protégeait d'une manière spéciale; il devait même, sous peine de péché, recourir à la nourriture ordinaire pour réparer et conserver ses forces, et le fruit de l'arbre de vie le défendait contre les atteintes de la vieillesse (1). Il

(1) « Ad quartum dicendum quod corpus hominis in statu innocentiæ poterat præservari, ne pateretur læsionem ab aliquo duro, partim quidem per propriam rationem, per quam poterat nociva vitare, partim etiam per divinam providentiam, quæ sic ipsum tuebatur, ut nihil ei occurreret ex improviso a quo læderetur. » Sum. Th., I p., q. 97, a. 2.

suit de là non seulement que l'homme est et a toujours été mortel en vertu de sa nature, mais encore que la mort n'est point l'effet nécessaire de la seule faute originelle; autrement, il faudrait conclure du fait de la mort à l'existence du péché originel chez NotreSeigneur, ce qui serait un blasphème monstrueux. Et, si l'Immaculée-Conception supprimait pour la sainte Vierge la possibilité peinale de mourir, parce que, de fait, c'est le péché qui a introduit la mort dans le monde, selon la parole de saint Paul (2), pourquoi n'en va-t-il pas de même de toutes les autres défectuosités causées par la chute d'Adam? Pourquoi Marie a-t-elle pu, comme son Divin Fils, se soumettre volontairement aux douleurs, qui ont fait d'elle la reine des martyrs? En tant que conséquences de la faute primitive, toutes les suites du péché originel sont dans le même cas; il n'y a pas de relation plus nécessaire entre la désobéissance du premier homme et la mort qu'entre cette même faute et la fatigue physique par exemple, ou la tristesse, ou toute autre souffrance. Tous ces châtiments ont été infligés par Dieu à l'homme prévaricateur, au même instant et pour la même faute : « In sudore vultus tui vesceris pane, donec revertaris in terram de qua sumptus es; quia pulvis es et in pulverem reverteris (3). » Or, NotreDame a souffert, la prophétie du vieillard Siméon le prouve; associée à l'œuvre du rachat de l'humanité et véritablement corédemptrice, elle eut de la nature humaine les défectuosités que demandait son rôle et qui ne répugnaient pas à sa dignité; mais elle ne les a pas contractées, parce qu'elle n'en avait pas en elle la cause, c'est-à-dire le péché. Donc la bienheureuse Vierge a pu mourir, quoique immaculée et sainte au delà de toute expression dès le le premier moment de son existence; et, comme le croit et l'affirme l'Eglise, elle est morte réellement pour des motifs analogues à ceux qui ont porté Notre-Seigneur à mourir. Le caractère de son trépas sauvegarde et complète ses prérogatives; car il ne faut voir ni une expiation indispensable, ni une peine personnelle, ni

y

« Ad tertium dicendum quod si homo sibi non subveniret de cibo, peccaret sicut peccavit sumendo vetitum cibum. » Ibid., a. 3.

«Ne totaliter consumeretur, necesse erat per assumptionem cibi homini subveniri. » Ibid., ad 1. - «Sequitur decrementum et finaliter dissolutio corporis. Et contra hunc defectum subveniebatur homini per lignum vitæ. » Ibid., a. 4, c.

(2) « Per peccatum mors. » Rom., v, 12.

(3) Gen., II, 19.

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