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C'est là ce que n'ont pas su ou n'ont pas voulu comprendre les jansénistes. Ne regardant la grâce suffisante que par son côté négatif, à savoir la non-production de l'acte bon, et attribuant à la grace cette non-production qui est, au contraire, la conséquence de l'opposition du libre arbitre à la grâce, ils en arrivèrent à considérer la grâce suffisante moins comme un bienfait que comme un châtiment; et ils émirent cette proposition justement condamnée (le 7 décembre 1690) par Alexandre VIII: Gratia sufficiens statui nostro non tam utilis quam perniciosa est, sic ut proinde possimus petere: A gratia sufficienti libera nos, Domine.

Combien fausse et [calomnieuse était cette imputation, on le comprendra mieux encore quand nous aurons exposé la nature intime de la grâce suffisante.

C'est la question que nous aborderons dans notre prochain article.

Fr. H. F. GUILLERMIN,

Doyen de la Faculté de Théologie à l'Institut catholique de Toulouse.

(A suivre.)

LE DÉCRET D'INNOCENT XI

CONTRE LE PROBABILISME

(Suite) (1)

III. LA FORME AUTHENTIQUE DU DÉCRET.

On se rappelle les circonstances dans lesquelles le décret du Saint-Office du 26 juin 1680 vit le jour. Innocent XI s'efforçait d'assainir la morale des casuistes et d'infirmer les théories probabilistes qui lui avaient causé les plus graves préjudices. A l'encontre des vues pontificales, le général de la Compagnie de Jésus, le P. Oliva, patronnait parmi ses subordonnés la théologie probabiliste et s'opposait à toute manifestation contraire. C'est ainsi que le Souverain Pontife avait eu connaissance des résistances faites aux tentatives de Thyrsus Gonzalez par son premier chef hiérarchique. Innocent XI, contrarié dans ses desseins, crut qu'il était de son devoir d'intervenir pour laisser le champ libre à l'action de Gonzalez et réprimer la politique du P. Oliva. Par son ordre, le Saint-Office porta, le 26 juin 1680, un décret qui faisait connaître aux intéressés la volonté pontificale touchant la ligne de conduite qu'ils auraient dorénavant à suivre en matière de probabilité. Une première résolution était prise à l'égard de Thyrsus Gonzalez, et une seconde relativement au P. Oliva.

En ce qui concerne Gonzalez, la Congrégation formula la déclaration suivante : « Après relation faite par le P. Laurea du contenu des lettres adressées par le P. Thyrsus Gonzalez, de la Société de Jésus, à notre Très Saint-Père le Pape, les Eminentissimes Cardinaux ont déclaré qu'il fallait écrire, par l'intermédiaire du Secrétaire d'État, au Nonce Apostolique d'Espagne, afin qu'il fasse

(1) Voir Revue Thomiste, pp. 460-481.

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savoir audit P. Thyrsus, que Sa Sainteté ayant reçu avec bienveillance et lu avec éloge ses lettres, Elle a ordonné que, librement et vaillamment, il prêche, enseigne et défende par la plume l'opinion plus probable; qu'il combatte aussi courageusement l'opinion de ceux qui affirment que dans le concours d'une opinion moins probable avec une plus probable, connue et jugée telle, il est permis de suivre la moins probable; qu'il l'assure enfin que tout ce qu'il fera ou écrira en faveur de l'opinion plus probable sera agréable à Sa Sainteté. »

On remarquera, à la lecture de ce décret, tout ce qu'il a de précis et de formel: Thyrsus doit attaquer vigoureusement le probabilisme et défendre avec une égale fermeté le probabiliorisme. Tout ce qu'il fera ou écrira à cette fin sera agréable à Sa Sainteté. Ces paroles de la Congrégation sont si fortes que le R. P. Brucker n'a pas osé les traduire en français dans les 23 pages qu'il a cependant consacrées au décret; parce que leur seule lecture, faite attentivement, aurait détruit toutes les considérations artificielles qu'il a laborieusement entassées.

Or cette partie du décret est indentique dans les trois versions. dont nous avons précédemment indiqué l'origine et qu'on trouvera dans le texte original, quelques pages plus loin. Elle est littérale. ment la même dans le décret communiqué à Thyrsus Gonzalez, dont le R. P. Brucker soutient l'authenticité, et dans les deux copies notariées fournies par le Saint-Office. Il n'y a donc pas d'ambages sur ce point, et cette partie du décret demeure hors de discussion, même dans son caractère agressif contre le probabilisme.

La partie du décret qui vise le P. Oliva souffre seule une difficulté. Le texte que nous connaissons par Thyrsus Gonzalez porte ceci :

« Qu'il soit enjoint, par ordre de Sa Sainteté, au Père Général de la Compagnie de Jésus, que non seulement il permette aux Pères de la Société d'écrire en faveur de l'opinion plus probable, et de combattre l'avis de ceux qui affirment qu'en cas de concours d'une opinion moins probable avec une autre plus probable, connue et jugée telle, il est licite de suivre la moins probable; mais encore qu'il [Oliva] fasse connaître aux Universités de la Société que la volonté de Sa Sainteté est que chacun, à son gré, écrive librement pour l'opinion plus probable et combatte l'opinion contraire pré

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citée; et qu'il leur ordonne de se soumettre absolument au commandement de Sa Sainteté. »

Ainsi, le décret concernant le P. Oliva, dans l'état où nous l'a transmis plus tard le P. Th. Gonzalez, renferme deux points identiques le P. Oliva doit permettre aux Jésuites en général de défendre le probabiliorisme et de réfuter le probabilisme, et il doit écrire aux Jésuites des Universités qu'ils peuvent faire, s'il leur plaît, la même chose. Le tout se termine par un ordre formel du Pape que les Jésuites aient à se soumettre rigoureusement à son commandement.

On remarquera aisément, en attendant que nous y revenions plus au long, l'illogisme de ce décret : les deux points indiqués ont un même objet et font double emploi; en outre le Pape termine par un ordre formel de se soumettre à sa volonté, alors que le décret ne contient aucun ordre, mais l'affirmation que les Jésuites sont libres d'être probabilioristes s'ils le veulent.

Dans le texte du décret communiqué officiellement à deux reprises par les notaires du Saint-Office la partie qui concerne le P. Oliva est ainsi conçue :

<«< Qu'il soit enjoint, par ordre de Sa Sainteté, au P. Général de la Compagnie de Jésus, qu'il ne permette en aucune façon aux Pères de la Société d'écrire en faveur de l'opinion moins probable et de combattre l'avis de ceux qui affirment que dans le cas de concours d'une opinion moins probable avec une autre plus probable, connue et jugée telle, il [n]'est [pas] licite de suivre la moins probable. » La suite est identique au texte communiqué à Thyrsus Gonzalez.

Dans cette forme du décret, le second point et l'ordre final sont identiques au texte connu par Gonzalez. Par contre, le premier point est très différent : il contient une défense absolue pour les Jésuites de défendre le probabilisme et d'attaquer le probabiliorisme. Cette forme du décret est manifestement plus cohérente : les deux points qui y sont signalés ne font pas double emploi, et l'ordre final n'est pas sans objet, puisque le premier point est une prohibition formelle et générale.

On observera la négation que nous avons placée entre crochets. Elle manque dans le texte original du Saint-Office; mais il est visible qu'elle est nécessaire pour éviter une contradiction gros

sière dans la même phrase et avec tout le sens général du décret. C'est pour faire disparaître cette anomalie que le décret de Ballerini a retouché légèrement la rédaction. A part cela il est conforme pour le fond avec le décret communiqué par les notaires du SaintOffice.

Une troisième partie, ou plutôt un appendice au décret, est constituée par la réponse que le P. Oliva donna à la communication qui lui fut faite par le Saint-Office, réponse enregistrée par la Congrégation à la date du 8 juillet. Elle est d'ailleurs identique dans les trois formes du décret et ainsi libellée : « L'ordre précédent de Sa Sainteté ayant été intimé par le R. P. Assesseur au P. Général de la Compagnie de Jésus, il a répondu qu'il obéirait en tout le plus tôt possible, bien que ni lui ni ses prédécesseurs n'aient jamais défendu d'écrire en faveur de l'opinion plus probable et de l'enseigner.

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On voit, par ce qui précède, la nature et la portée du décret du Saint-Office du 26 juin 1680. On peut se rendre compte aussi en quoi concordent ou diffèrent les trois rédactions du décret que nous possédons. Un seul point semble faire difficulté: Le SaintOffice, par la volonté d'Innocent XI, a-t-il donné ordre au P. Oliva de défendre aux Jésuites d'enseigner le probabilisme et de combattre le probabiliorisme, ainsi qu'on le lit dans le décret officiel communiqué par les notaires du Saint-Office et dans celui publié par Ballerini, ou bien s'est-il contenté d'exiger que tout Jésuite fût seulement libre d'attaquer le probabilisme et de défendre le probabiliorisme, ainsi que le porte la copie du décret mise en circulation par Gonzalez?

Tel est le nœud de la question. Encore qu'il n'y ait aucun doute possible sur la pensée et le sentiment pontifical dans cette question de la probabilité, il n'est cependant pas indifférent de savoir si le probabilisme tomba effectivement, par le décret du 26 juin, sous le coup d'une prohibition formelle en ce qui concerne la Compagnie de Jésus.

Ce que nous avons dit plus haut, touchant les modes de divulgation des trois formes du décret, nous a déjà conduit à établir que le texte communiqué officiellement par le Saint-Office l'emporte incontestablement par son autorité sur les deux autres. Nous allons maintenant démontrer, par la critique interne et comparée

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