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LA VIE SCIENTIFIQUE

Bibliothèque du Congrès international de philosophie. Ier volume, in-8° carré, Philosophie générale et métaphysique (Paris, 1900, Armand Colin.) (Suite.) (1)

460 p.

90 Dr DURAND (de Gros). Psychologie de l'hypnotisme, p. 147-164. — Parmi les bienfaits, dans l'ordre scientifique, de la psychologie hypnotique, il en est un sur lequel l'auteur du présent mémoire attire l'attention la découverte énorme, due à l'hypnotisme, que l'organisme humain n'est pas le siège et l'instrument d'une âme unique, mais bien d'une innombrable légion d'individualités subjectives distinctes. Les faits observés, sur l'homme et d'autres animaux surtout, de motilité apparemment volontaire et intelligente (la grenouille décapitée qui s'efforce d'écarter avec ses pattes la pince de l'expérimentateur), avaient conduit les observateurs. psychologues à la théorie du pur automatisme des réflexes, et les expérimentateurs non psychologues à celle de la sensation, volition et même intelligence inconscientes (Cl. Bernard). Mais cette dernière hypothèse est entachée de contradiction dans les termes, et la première se prononce au mépris de l'apparence et de l'analogie. Or, dès 1855, l'auteur de ce mémoire avait proposé une solution, celle du polyzoïsme et du polypsychisme,sur laquelle des études continuées avec persévérance lui permettent d'insister en la proposant à nouveau: le polyzoïsme a d'ailleurs obtenu le visa de l'Académie des sciences, et le polypsychisme est aujourd'hui reconnu par tous les psychologues de l'hypnotisme dont l'opinion a quelque poids. Trêve de modestie scientifique ! Dans l'organisme animal il n'existe pas qu'une seule conscience, qu'un moi unique. « Chaque centre nerveux de l'axe céphalo-rachidien des vertébrés est la représentation et la reproduction phylogénique du ganglion cérébroïde constituant le cerveau propre de chacun des zoonites ou zoïdes, c'est-à-dire des animaux élémentaires dont la réunion constitue l'organisme total de l'Annelé par simple juxtaposition bout à bout. Nos centres nerveux subcérébraux sont donc eux-mêmes de véritables cerveaux, quoique subalternes, et en chacun d'eux réside, comme dans le cerveau supérieur, une individualité

(1) Voir la Revue du mois de mai, p. 172 et suiv.

psychique, un moi distinct, une conscience propre. » De la part des psychologues de poids, l'adhésion à cette doctrine est plus ou moins franche, et les meilleurs, au lieu d'avouer la multiplicité des âmes dans l'organisme humain, parlent de préférence d'une subconscience (Pierre Janet ou d'une conscience subliminale (Frédéric W. H. Myers, Cambridge. M. Durand de Gros) admet la raison d'être et l'utilité de ces termes parce qu'ils désignent collectivement les centres psychiques subalternes. Néanmoins on court un danger à se servir d'expressions si sommaires si l'on oublie qu'elles ne sont qu'une abréviation pour la commodité du discours, comme humanité et animalité, alors on est porté à prendre une pure abstraction pour un être réel et singulier. Et en ce cas, il arrive que la notion claire, distincte, du polypsychisme, reposant sur la physiologie, l'anatomie et la zoologie, fait place à l'idée vague et malsaine d'une conscience unique, à plusieurs couches, sans rapport précis avec la constitution du système nerveux. M. Durand (de Gros), interprétant les faits hypnotiques, développe sa théorie de la conscience. Le moi capital, que chacun appelle son moi, ne remplit que le rôle de chef d'orchestre dans le concert polypsychique, et la partie confiée aux exécutants a une importance telle que, dans l'ensemble des connaissances et souvenirs dont le moi personnel se persuade d'être l'auteur, elle est due, peut être, pour les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf millionièmes, aux moi subordonnés. Ceux-ci jouent d'abord le rôle de souffleurs et notre conscience ne soupçonne même pas qu'elle leur emprunte. De plus, ils agissent par eux-mêmes: fait du mot oublié par le moi, et suggéré par les moi subalternes. Ce n'est pas tout ils se mettent en rapport direct avec le monde extérieur par les organes des sens : le pianiste qui lit distraitement son cahier, en jouant, lit au moyen des sous-moi exécutants etc... Ainsi,la superconscience, reine de la ruche, est une reine fainéante, elle règne et ne gouverne pas rappel de certains faits classiques en hypnotisme, qui semblent à M. Durand établir clairement que la subconscience polypsychique a un champ d'action propre immense, où elle opère en dehors du moi supérieur, et même en révolte ouverte contre lui, contre sa volonté souveraine, quand par exemple elle obéit à la volonté du suggestionneur. Pareillement, on tire des faits hypnotiques cette théorie que l'organisme vivant est une machine conduite par plusieurs agents intelligents préposés à ce ministère. - On voit donc, par ce sommaire exposé, de combien l'hypnotisme a grandi le modeste domaine de la psychologie classique ; il lui a découvert un nouveau monde, et l'a dotée. d'une méthode expérimentale; enfin, outre la doctrine du polypsychisme, dont il l'a munie ou enrichie, il lui révèle des faits qu'on disait chimériques parce que cryptoïdes, et tout un nouvel ordre de propriétés et de

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puissances psychiques d'un caractère extraordinaire et d'une incalculable. portée. Ce chapitre de la psychologie est une science monstrueusement étrange, effroyablement énorme, et tout entière à constituer. Voici, d'après M. Durand (de Gros), les grandes lignes du plan d'études à instituer et du programme à suivre : 1° Quelle est la sensibilité propre et la mentalité de cette armée de coopérateurs de ma conscience? 2o Quels sont les rapports de nature et les relations fonctionnelles entre la superconscience et la subconscience ? 3o Les moi subordonnés, sensibles et passionnels, sontils susceptibles d'être affectés en bien ou en mal par le moi supérieur ? Et, dans l'affirmative, celui-ci n'a-t-il pas certaines obligations morales envers ses associés, de même que d'homme à homme? 4° La subconscience étant suggestrice de la plupart de nos idées, passions, résolutions etc..., n'assume-t-elle pas une part énorme de responsabilité morale dans la conduite humaine, et aussi la part de la superconscience n'est-elle pas fort réduite ? Il reste donc à créer une science nouvelle : la psychologie et la morale de la subconscience. L'hypnotisme l'a fait rencontrer il la fera fructifier. La discussion, en l'absence de l'auteur, n'a porté que sur l'exégèse et l'interprétation de la doctrine dont on vient de lire le résumé.

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10° DIMIER. Prolegomènes à l'esthétique. Cet intéressant mémoire, lu et discuté au Congrès, n'a pas été publié dans le présent volume.

11o E. CHARTIER, professeur au lycée de Rouen. L'éducation du Moi, p. 115-126. Il n'y a pas en l'homme deux êtres, le corps et l'âme : il y a deux manières d'étudier l'homme; on peut l'étudier comme corps et comme pensée. Le moi humain, comme corps, est l'objet de la psychologic physiologique et il y a bien lieu à ce point de vue de considérer son intelligence, sa sensibilité, sa volonté, en un mot, son âme, non point comme être, mais comme fonction du corps, formule et loi du corps; on a ainsi une théorie scientifique de la mémoire, du moi, et en général de l'âme humaine. Mais il y a autre chose, la conscience et la pensée : il y a des images pour moi, avant que je les décrive ou inscrive, et je puis me proposer d'étudier en elles-mêmes et pour elles-mêmes ces images, ce monde que j'appelle intérieur parce que je ne puis pénétrer dans celui que je suppose chez les iautres, et qui est pour moi l'extérieur et le tout de l'être. Ainsi, quand je dis que je m'observe intérieurement, je veux dire que j'étudie le tout de l'être comme constituant mon moi, et de la sorte, j'entre dans l'étude directe de l'Univers, non plus apparence, mais réalité : j'entre dans la métaphysique, où il ne se retrouve point de psychologie. Etudier le moi, c'est donc étudier tout comme constituant le moi, comme idée, sentiment, comme condition d'idée et de sentiment, c'est étudier comment toute idée implique toutes les idées ; c'est étudier la Pensée. Ainsi le moi corporel est circonscrit, limité; le moi pensant est identique à l'Univers.

Mais, en fait, le moi n'est pas cela, le moi existant, réel, n'est pas le moi véritable. Il y a un moi abstrait qui est une collection de souvenirs choisis, rangés dans un certain ordre, rapportés à un corps que je dis mien, et aussi une collection de projets choisis. Nous vivons séparés de nousmêmes et comme hors de nous-mêmes. Cela vient de ce que nous faisons de nos craintes et de nos espoirs la mesure de l'être. En étudiant l'image, le souvenir, la parole, comme on le fait dans l'analyse psychologique, on n'atteint qu'un moi pauvre et vide, un moi officiel, qui n'existe que par rapport à la société : c'est une situation sociale, mais il est séparé de l'être vivant et agissant qui, au lieu de vivre dans le temps et l'espace, doit vivre dans la nature. Il n'y a donc pas une étude psychologique du moi, sinon comme description d'une erreur commune, ce moi là étant abstraction qui n'est pas en vérité : mais il y a une éducation du moi qui consiste à le conduire de son apparence et fantôme à sa vraie nature, à faire d'une abstraction un être, à rendre le moi à lui-même et à la Nature.

D'abord, il faut comprendre que ce n'est pas par la douleur que mon corps est mien; on doit rappeler son corps à soi, et appuyer sa vie sur les aptitudes du corps, car mon corps n'est moi et ne relie le présent au passé que par ce qu'il sait faire. D'où le règlement de la vie physique par un métier manuel. L'action physique ainsi conçue rentre dans la vie morale par l'idée, et se relie non plus à des choses, mais à la pensée : elle n'existe plus, elle est. Les exercices autres que le métier manuel par lesquels notre corps conserve ses aptitudes, tels la force, l'adresse, le sang-froid, nous sont utiles en nous aidant à durer au milieu des choses et des hommes. La joie qu'on éprouve à les acquérir ou à les conserver vient de ce que nous sommes, de ce que nous relions l'âme au corps, de ce que nous nous rattachons à la vie. Il nous faut aussi rentrer dans la Nature. Comment ? Par l'art qui doit entrer en nous autrement que par les mots qui le décrivent, mais immédiatement, nous agréant sans concept, et notre union avec lui est le modèle de notre union avec l'Univers. On explique mal la joie que procure l'art elle vient de ce que nous vivons avec l'objet et donc avec la Nature. Ceux qui veulent rendre compte de la joie esthétique par des raisons tirées des concepts la rendent stérile, au lieu de se laisser conduire par elle à la sagesse. On éprouve de la joie à vivre avec l'Univers, parce qu'alors on vit dans sa nature et dans sa vérité. Ce sentiment de la Nature est un de ceux qui nous disposent le mieux à la connaissance vraie. Enfin, le meilleur moyen de nous approcher de la vie divine est de vivre en fraternité avec les hommes: au commerce de leurs semblables tous épronvent de la joie. Ne l'expliquons ni par l'utilité, l'intérêt, le calcul ou la peur tout cela ne peut que séparer, comme si l'on haïssait; car alors je reste dans ma prison.

En résumé, il faut réaliser l'identité de la Nature et de l'esprit : et l'on y parvient en étudiant le monde comme pensée, par l'analyse réflexive. Le métier, l'exercice, l'amour du beau, le sentiment de la Nature et la fraternité humaine sont sources de joie et de la même joie car il n'y a de joie qu'à être, à condition de savoir s'y prendre. Ne serait-ce pas en ce sens que Jules Lagneau disait : « La philosophie n'est qu'une autre manière d'être observateur? »

12° E. HALÉVY, professeur à l'Ecole des Sciences politiques. De l'Association des idées, p. 219-235. L'homme pense. Et de là naît le problème philosophique suivant: existe-t-il dans la conscience humaine une donnée immédiate dotée de propriétés irréductibles qui serait la sensation, et, sentir, est-ce la fonction essentielle de l'être pensant? Ou bien les sensations sont-elles dépourvues, une à une, de nature et d'existence autonomes; ne sont-elles éprouvées qu'en rapport avec d'autres sensations avec lesquelles elles forment système, de sorte que la pensée consiste essentiellement dans la formation de ce système de relations? Tel est le conflit des philosophies rivales du sensualisme et de l'intellectualisme. Le sensualisme vient-il à se modifier, l'intellectualisme est contraint de se transformer et il ne progresse qu'à cette condition, et il a pour préface obligée la critique du système adverse. On sait que la plus récente formule du sensualisme est l'associationnisme psychologique, et qu'il y a deux postulats à la base de cette doctrine : d'une part, des états de conscience immédiats, des sensations, qui existent en soi; d'autre part, des lois d'association des images pour régir l'ordre d'apparition, dans les consciences individuelles, des phénomènes sensibles. M. Halévy, reprenant une méthode qu'il a essayée ailleurs, voudrait montrer que les deux principes postulés par les associationnistes sensualistes sont contradictoires, et en interprétant l'associationnisme, lui donner sa forme véritable, c'est-à-dire considérer les lois d'association, non plus comme réglant par le dehors l'apparition des phénomènes associés, mais comme constituant leur nature: ainsi le sensualisme se trouvera divisé contre lui-même.

Après une vive critique de certains aspects du sensualisme associationniste, l'auteur du mémoire oppose à l'hypothèse adverse sa thèse propre, savoir, que l'association détermine la nature des sensations associées, que toute sensation est une association d'éléments, que l'esprit est un principe d'association (loin que les sensations existent en soi, et puis soient réglées par le dehors par des lois qui gouvernent l'ordre de leur apparition, car sentir c'est déjà distinguer, comparer, juger en un mot, sentir c'est associer. Voici par quels arguments on peut établir cette proposition fondamentale : 1° Si la sensation est fonction de l'esprit, distincte de la fonction d'association, il doit être possible d'éprouver isolé

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