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THÉOLOGIE THOMISTE

D'APRÈS CAPRÉOLUS

LA TRINITÉ DES PERSONNES EN DIEU

L'on sera peut être surpris de nous voir aborder ce sujet immédiatement après la question de l'idée de Dieu en nous (1). Ce n'est pourtant pas sans dessein que nous rapprochons les deux questions. Elles sont unies par des liens très intimes. Et c'est, nous l'espérons, ce dont on se convaincra aisément, si l'on veut bien suivre avec nous la belle démonstration de Capréolus, qui n'est, sur ce point, comme en tous les autres, du reste, que le plus pur exposé de la doctrine de saint Thomas.

Si nous voulions donner ou même simplement esquisser un traité complet de la Trinité, deux questions se présenteraient devant nous: l'une, positive, et qui serait d'établir, sur l'autorité de l'Écriture entendue selon que l'Église nous y oblige, qu'il y a vraiment trois Personnes en Dieu; l'autre - et ce serait la question spéculative ou scolastique - où nous devrions étudier, dans le détail, toutes les notions philosophico-théologiques qui se rattachent à ce dogme. Nous ne traiterons ni l'une ni l'autre de ces deux questions. La première sort manifestement de notre cadre, si, comme le titre même de nos études l'indique, nous nous proposons uniquement d'exposer la doctrine de saint Thomas d'après Capréolus. Et je veux bien que, de ce chef, la seconde question fût pleinement de notre domaine. Mais elle serait si vaste et elle demanderait un si long temps qu'il y aurait témérité à la vouloir explorer dans des articles de revue. Nous nous bornerons à un seul point ou deux, plus particulièrement importants et qui peuvent jeter une plus vive lumière sur les autres parties de ce traité.

(1) Cf. Revue Thomiste, nov. 1900.

Et d'abord, que penser de l'affirmation même du mystère? Cette affirmation est-elle acceptable par la raison humaine? Pouvonsnous dire qu'elle ait un sens? Ne semble-t-il pas plutôt qu'elle sape et qu'elle renverse ce qu'il y a de plus fondamental dans notre raison: le principe même de contradiction? Dire que Dieu est trine, qu'il est un et trois, qu'il est une nature et trois personnes, qu'il y a trois personnes et un seul Dieu, n'est-ce pas se jouer de notre raison et lui porter un défi qu'il sera de son devoir de relever en niant purement et simplement la possibilité de ce mystère?

« C'est la difficulté qu'ont exploitée tous les hérétiques antitrinitaires, remarque le P. de Régnon (1). Ils invoquaient sans cesse le dogme de la « monarchie » divine, et par là ils entendaient l'unité de principe divin póv p». C'est aussi la difficulté, l'unique difficulté que font les incrédules de nos jours, pour jeter le discrédit et même le ridicule sur le premier et le plus essentiel de tous nos dogmes. « Tactique habile, observe encore le P. de Régnon; car, si l'objection saute aux yeux, la réponse exige une très subtile métaphysique. » Et l'on le verra bien, par la simple lecture de ce travail, où notre unique tâche sera précisément de formuler cette objection, avec Capréolus, et d'exposer, avec lui encore, la « très subtile » solution qu'en donne saint Thomas.

L'objection se présente à nous sous un double aspect. Il semble, d'abord, que le dogme catholique d'un seul Dieu en trois personnes est incompatible avec un principe reçu par tous et qui est l'évidence même; c'est à savoir que toutes réalités dont chacune est identique à une troisième, sont identiques entre elles. Or, dans le mystère de la Trinité, chacune des Personnes divines est identique à l'essence divine; et cependant elles ne sont pas identiques entre elles : le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu, et, tandis qu'il n'y a qu'un seul Dieu, qui est le Père, le Fils et le SaintEsprit, le Père et le Fils et le Saint-Esprit sont à ce point distincts. qu'ils ne sont plus un, mais trois. C'est proprement inintelligible. - D'autant, et c'est le second aspect de l'objection, que vous niez par là le principe même de contradiction. En affirmant, en effet, de

(1) Etudes de théologie positive sur la Sainte Trinité, par le P. de REGNON, S. J., 1re série, ch. 5.

l'essence divine qu'elle est le Père et qu'elle est le Fils, et en niant que le Père soit le Fils, vous affirmez tout ensemble que l'essence divine est l'essence divine et qu'elle n'est pas l'essence divine. - Donc, négation du principe de contradiction, et négation de ce qu'on peut appeler un principe d'identité, voilà ce qu'il faut admettre pour consentir au dogme catholique de la Trinité des Personnes en Dieu (1).

La conséquence serait pénible et humiliante, si elle était rigoureuse. Mais ne se pourrait-il pas qu'elle fût prématurée? Est-il certain, est-il démontré que le principe d'identité dont on parle, ou le principe de contradiction, soient en cause, et que l'affirmation du dogme catholique ne se puisse concilier avec eux? Saint Thomas montre le contraire.

I

Et que, d'abord, la vérité de cette formule: « Toutes réalités dont chacune est identique à une troisième, sont identiques entre elles »>, ne soit pas compromise par le dogme catholique, on n'aura pas de peine à le reconnaître, si l'on veut bien observer, avec Capréolus, que ce n'est pas seulement une explication, mais trois, que nous en donne saint Thomas. La première est empruntée à Aristote. Aristote, en effet, n'admet la rigueur de cette formule, en ce qu'elle conclut à l'identité de toutes les réalités identifiées à une troisième, que s'il s'agit, en ce dernier point, d'une identité absolue. Où sont plusieurs réalités dont chacune est identique à une troisième, toutes sont identiques entre elles; sans doute, mais à la condition expresse que chacune d'elles sera exactement, et sans réserve aucune, identique à cette dernière. Que si, seulement, il y a la plus petite différence, ne serait-ce qu'une différence de raison, le principe ne tiendrait plus, dans la pensée d'Aristote. Et l'on sait l'application fameuse qu'Aristote faisait lui-même de cette réserve. Il ne mettait pas en doute que l'action et la passion ne fussent une

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même réalité, un même mouvement. Mais comme l'action connotait, dans ce mouvement identique, un rapport distinct du rapport que la passion connotait, il en concluait, sans hésitation aucune, que la passion et l'action étaient réellement distinctes. Nous ne procédons pas autrement dans le mystère de la Trinité. Nous reconnaissons qu'il n'y a là qu'une réalité, qu'une seule essence, et que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont, tous trois, cette même essence et cette même réalité. Mais le Père connote, dans cette essence, un rapport qui n'est pas le rapport connoté par le Fils; et le Père et le Fils connotent un rapport qui n'est pas un rapport connoté par le Saint-Esprit. Nous en concluons que le Père, le Fils et le Saint-Esprit, bien qu'identiques, tous trois, à une même réalité, ne sont pourtant pas identiques entre eux, mais au contraire réellement distincts. Et, sans doute, nous avons quelque droit de le conclure, malgré le principe ou la formule qu'on nous objecte, si, malgré cette même formule, Aristote, qu'on ne peut guère raisonnablement accuser d'être de connivence avec nous dans l'explication du mystère de la Trinité, a cru pouvoir tirer une conclusion analogue.

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La première explication de la formule, ou plutôt de l'objection qu'on en voulait tirer, consiste donc à nier qu'elle s'applique au mystère de la Trinité. Une seconde explication serait de distinguer cette formule : toutes réalités identiques à une troisième sont identiques entre elles. Elle signifierait alors que chacune d'elles est cela même qui fait qu'elles sont identiques à une troisième. Or, il en est ainsi dans le mystère de la Trinité. C'est à l'essence divine que les trois Personnes sont identiques. Aussi bien, nous dirons que chacune d'elles est l'essence divine. Nous pourrions dire encore, et toujours selon le même fond de doctrine, mais avec une légère différence dans la manière de nous exprimer, que toutes réalités identiques à une troisième sont identiques entre elles, non pas totalement et d'une façon absolue, mais en cela seulement en quoi elles sont identiques à cette troisième; et parce que, dans le mystère de la Trinité, les Personnes divines sont identiques à l'essence divine, selon l'être divin et les attributs absolus, il s'ensuit qu'elles sont identiques entre elles selon ces mêmes attributs et selon l'être divin.

Au fond, les trois explications que nous venons de donner ont

ceci de commun qu'elles appuient sur la non-identité absolue de l'essence divine avec les Personnes; d'où l'on infère, ou que la formule d'identité ne s'applique pas à ce mystère, ou qu'elle s'applique en tel sens seulement et non pas en tel autre.

Ces diverses explications, la première surtout, ne devaient pas être agréées du continuel adversaire de saint Thomas, Auriol. Il a soulevé une difficulté qu'il nous plaît d'autant plus de reproduire, que tout esprit réfléchi pourrait bien, en s'y appliquant, la soulever à son tour, et qu'il faudra donc ne pas dédaigner, si l'on ne veut pas que la justification du mystère présentée par saint Thomas demeure nulle ou sans portée. Auriol ne va à rien moins qu'à découvrir dans l'explication donnée par saint Thomas, un reste ou un renouveau de sabellianisme. Sabellius, nul ne l'ignore, était tombé dans cette erreur, de penser et de dire qu'au fond les trois Personnes divines étaient la même chose, et que, si nous parlions du Père, du Fils et du Saint-Esprit, en Dieu, c'était une manière particulière et conventionnelle de désigner, sous trois noms divers, la même réalité. C'était du pur nominalisme. Et, sans doute, Auriol n'affirme pas que saint Thomas pense et dise ce que disait et ce que pensait Sabellius. Mais il se croit obligé de dénoncer que l'explication fournie par le saint Docteur aboutit, de fait, au même résultat.

Reprenons, si vous le voulez bien, l'objection d'identité et la réponse de saint Thomas. On dit : toutes réalités identiques à une troisième sont identiques entre elles; or, le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont identiques à l'essence divine; donc ils sont identiques entre eux. Et saint Thomas répond: toutes réalités identiques à une troisième sont identiques entre elles, lorsque ces réalités sont identiques à la troisième, sans réserve aucune; mais s'il y a une différence, si petite soit-elle, déjà nous n'aurons plus le droit de conclure à leur identité respective. Or le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont bien identiques à l'essence divine, mais non pas d'une identité absolue; car, si le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont la même réalité que l'essence divine, cependant la notion qui correspond aux mols « Père », « Fils » et « Saint-Esprit », n'est pas la même que celle qui correspond au mot «< essence ». Donc, il ne s'ensuit pas que le Père, le Fils et le Saint-Esprit soient identiques entre eux.

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