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audacieuse sera cependant d'ordinaire punie de mort. C'est la règle. Toutefois certaines espèces éprouvent de réelles sympathies réciproques, une sincère myrmécophilie. Il en est même qui vont jusqu'à ramener dans leur propre nid de jeunes reines tout à fait étrangères. Ces femelles introduites vivent en parfaite intelligence avec les reines de leurs hôtes. Les deux générations évoluent parallèlement, et alors on voit se développer, dans une patrie commune, deux peuples indépendants, en parfaite entente, une Société des Nations en miniature ! L'on crée des alliances défensives sérieuses. Telle espèce guerrière, constituée de vigoureux soldats, sera la gardienne fidèle et sûre des petites ouvrières d'une espèce plus faible, qui, au fond du nid commun, vaqueront cordialement aux soins du double ménage.

4° Il arrive même parfois que la paix naisse de la guerre. Une jeune reine entre dans un nid, elle y tue les reines indigènes ou les chasse. Elle s'adjuge, sans plus, le souverain pouvoir. Les bénévoles sujets l'adoptent c'est l'adoption amicale avec assassinat. C'est une des façons d'usurper la couronne.

5o En voici une autre, qui se complique de régicide. Les neutres vont jusqu'à tuer leur propre reine, pour la remplacer par la jeune reine intruse d'une autre espèce, dont elles se sont éprises. Peu à peu les ouvrières régicides meurent, et, au bout de deux ou trois ans, le nid ne compte plus que des individus nés de la femelle régnante. La fourmilière a changé d'espèce.

6o Enfin un dernier cas peut se présenter : l'intrusion violente avec carnage en grand. La jeune reine sait qu'elle s'imposera d'autant plus facilement qu'elle se trouvera en face d'ouvrières plus jeunes. Elle tue donc les reines, elle tue tous les vieux serviteurs, elle tue tout ce qui a des pattes, tous les insectes parfaits; puis, repue de crimes, elle attend que les derniers rejetons

de la reine assassinée achèvent leur métamorphose dans leurs cocons, en sortent et la servent aveuglément, avec amour filial.

Telle est la gamme des modalités qu'offre, dans le monde des fourmis, l'adoption d'une nouvelle reine. On y reconnaît des traits de ressemblance avec l'histoire des hommes, et ce n'est, hélas ! pas à l'honneur de ces derniers !

Mais, outre ces procédés plus ou moins licites que peut employer une jeune reine décidée à régner, il en est une qui est tout à son éloge et qui témoigne d'une abnégation et d'une ténacité invraisemblable dans la lutte pour la vie.

Jusqu'ici il a été question de fondations avec le concours de neutres. Mais lorsque le hasard ne favorise pas la jeune reine tombée du ciel et ne lui fait pas rencontrer de neutres? La voici donc, seule, réfugiée dans la première cavité venue; elle l'agrandit et même s'y enferme vivante et solitaire pour y fonder, par ses propres moyens, une colonie nouvelle. La jeune reine se conduira alors à peu près comme les Belanogasters observés par M. Roubaud au Congo (1). « Les femelles fécondées deviennent des fondatrices solitaires d'un nid nouveau, elles construisent, puis pondent et nourrissent seules leurs larves à la manière des reines fondatrices des nids de Polistes ou de Vespa ; fréquemment il y a association, dans le début, entre femelles issues du même nid. »

Ce genre de propagation, vu son importance, ne pouvait passer inaperçu. Dans de très brèves communications, quelques entomologistes l'ont touché (2).

(1) C. R. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, t. CLI, 1910.

(2) Forel, Origine d'une fourmilière de Camponotus ligniperdus. Ann. DE LA SOC. ENT. DE BELG., 1902, pp. 180-182 et 294-296.

Je regrette de n'avoir pu consulter Janet: Observations sur les fourmis. BULL. DE LA Soc. ZooL. DE FRANCE, 1891, pp. 168-171; 1904, pp. 33-35.

Une bonne fortune nous a permis de suivre de près, dans ce genre de fondation solitaire, des Lasius Flavus. Ces fourmis, comme on le sait, nichent sous terre dans les endroits humides; elles ne sortent presque jamais du nid, dans lequel elles élèvent des pucerons sur des racines.

La REVUE SCIENTIFIQUE (1) rapporte qu'à Bruxelles, le 15 août 1901, vers quatre heures de l'après-midi, << une pluie de fourmis ailées s'est abattue sur la ville; dans certaines rues, des milliers de ces insectes couvraient le trottoir ». Le 11 juillet 1917, le même fait se reproduisit. De la place Rouppe à la place Poelaert, le sol était jonché de femelles ailées. On les voyait cherchant entre les pavés la terre molle pour s'y blottir.

Ce jour-là l'état de l'atmosphère ne manifestait rien de particulier. Le ciel était clair, sans signe d'orage, la chaleur normale. A quatre heures, à la sortie des classes, un élève accourt chez moi : « Il y a par toute la cour comme de grosses fourmis ». L'occasion était belle. J'avais sous la main de jeunes et bienveillants collaborateurs je pourrais recueillir en peu de temps de très nombreux sujets d'expérience.

Quelques instants après, disséminés par la cour en briques de l'Ancien Collège Saint Michel, courbés en Z, les épaules aux genoux, la main gauche à hauteur de la tempe, le pouce obturant le goulot du flacon, dont je les avais munis, mes élèves attrapent, tâchent d'attraper les bestioles, qui fuient sémillantes et dignes, faisant moirer le lustre des segments abdomi

Emery: Sur l'origine des fourmilières. C. R. DU VIme CONG. INT. de Zool., 1904, pp. 459-461. Southcombe: Formation of a new nest by Lasius niger. TRANS. ENT. Soc., London, 1907, pp. LXXV-LXXVII, 1, C. R. AC. Sc., T. 151, 1910, p. 554.

(1) REVUE SCIENTIFIQUE, 1902, p. 533.

naux. Elles glissaient dans les doigts, se coulaient dans les manches, disparaissaient dans les blouses. Les bambins s'en amusaient beaucoup. Moi, j'étais inquiet sur le sort de mes pauvrettes. Certains de mes jeunes chasseurs les saisissaient avec tant de fermeté qu'ils faisaient de leur flacon un caveau funéraire.

Malgré tout, la chasse terminée, après avoir rejeté les malmenées et les impotentes, je possédais environ deux cents reines intactes.

Mais dans quel logis les enfermer? Imaginez une sorte de baquet en plâtre ayant la forme d'un petit in-octavo de trois cents pages. Je l'avais coulé de façon qu'il présentât une cavité parfaitement lisse et plane profonde de 3 cm. Un verre de 13 x 18 la recouvrait. Ce verre-couvercle débordait dans tous les sens de deux mm. et était maintenu de trois côtés, dans un bourrelet de plâtre, formant cadre. Le verre avait ainsi une stabilité suffisante ct, en le faisant glisser, on pouvait ouvrir le nid en cas de nécessité.

Dans la partie rectangulaire, non recouverte par le verre, j'avais creusé une petite cavité ellipsoïdale qui, remplie quotidiennement d'eau, assurait au nid par infiltration, grâce à la porosité du plâtre, le degré normal d'humidité.

C'est dans ce nid, rempli au préalable à mi-hauteur de terre jaune, que je parquai mes captives. Apeurées, elles grouillaient les unes sur les autres, entassées dans un coin, comme, sur un navire en partance, les émigrants polonais.

Le lendemain on s'était séparé. Quelques reines, faisant bande à part, s'étaient terrées, isolées dans un angle. Une trentaine occupaient l'angle opposé et avaient un peu remué le sol. Le gros de la troupe était resté près de la sortie, répandu tout le long du bord du nid. Les unes sur les autres, les vives reines « fourmillaient », se disputaient, tâchaient de se glisser entre les corps de leurs compagnes et de fuir la lumière.

Au milieu du nid, sur le dos, les trois paires de pattes raidies, avaient été rassemblés les cadavres.

Le 13 juillet, après avoir préparé deux autres nids en plâtre, propres et moites, remplis à demi de sable blanc, j'y introduisis mes prisonnières, en respectant les groupes qu'elles avaient formés elles-mêmes.

J'avais ainsi sept groupes, dont cinq, composés de celles qui étaient trop fières pour se soumettre à l'esclavage, se fondirent peu à peu. Deux mois plus tard, le 16 septembre, il me restait encore dans ces groupes cinquante-quatre fourmis. Mais beaucoup d'entre elles, ayant assisté, stupéfiées, à ces grandes hécatombes, découragées, abattues, sans espoir comme sans mouvement, s'abandonnèrent à la mort implacable et fatale. Chaque matin, on enterrait quelques cadavres, on se serrait, on se sentait mourir.

Cependant deux groupes avaient pris une toute autre tournure. Ils étaient logés dans un nid en plâtre profond de 4 mm seulement, ce qui permettait d'observer de très près les habitants et leur rendait impossible la confection d'une galerie souterraine où ils auraient pu se dissimuler. Ce nid mesurait 13 cm sur 20. En lui résidait l'espérance. Il renfermait un groupe de six fourmis et un groupe de trois. Pour éviter toute confusion dans l'exposé, il sera dorénavant exclusivement question du groupe de six.

Les vaillantes reines avaient décidé qu'il fallait vivre. Sitôt dans leur nouveau nid, les voici à l'œuvre; se coulant le corps dans le sable, pesant de tout leur poids, elles oscillaient de leur corselet ovalaire et de leurs pattes, comme un navire par mer calme. Le sable mis en mouvement s'effaçait; une cupule se formait; on touchait le plâtre du fond. Puis ces reines se firent ouvrières : malaxant quelques grains entre les mandibules, elles se mirent à construire posément et petit à petit, un léger remblai en faucille, semi

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