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I. LA GUERRE DES GAZ

Par les actes de La Haye, du 19 juillet 1899, toutes les nations européennes s'étaient interdit l'emploi de projectiles ayant « pour but unique de répandre des gaz asphyxiants ou délétères ».

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Mais, de même que pour la neutralité de la Belgique, ce n'était pour les Allemands qu'un « chiffon de papier » En avril 1915, des nuages vert-jaunâtres furent envoyés par nos ennemis sur les troupes anglaises, françaises et belges. La première attaque par les gaz eut lieu non loin d'Ypres, entre Bixschote et Langemarck. Les Allemands espéraient ainsi arriver par surprise à percer nos lignes : ils n'y réussirent pas, quoique ayant fait de nombreuses victimes d'après eux, environ six mille soldats britanniques furent tués dans cette attaque.

Depuis cette époque, les agressions par les gaz ont été presque continuelles. Elles ont eu lieu avec des corps très divers, souvent plus ou moins mélangés les uns aux autres : tout le domaine de la chimie organique avait été exploré par l'ennemi, car il tenait absolument à nous surprendre. L'envoi des gaz délétères avait lieu de deux manières : par nappes lancées sur un front considérable au moyen de projecteurs, tels que des siphons de chlore liquéfié analogues aux cylindres d'acide carbonique utilisés dans les débits de bière; mais le plus souvent au moyen d'obus chargés de substances nocives qui étaient dispersées par l'éclatement des obus munis d'explosifs. L'envoi de nappes de gaz délétères était subordonné à la situation météorologique : il exigeait un vent favorable: si le vent changeait, il en résultait la perte des pionniers chargés de lancer les gaz. Aussi l'emploi d'obus a-t-il été le plus fréquent.

On s'est également servi de projectiles d'artillerie de tranchées (Minen) remplis de corps nocifs ils avaient l'avantage de présenter une grande capacité. En employant simultanément un nombre important de ces engins dirigés sur un même objectif, on arrivait à réaliser à la fois l'effet de surprise et une forte concentration de gaz, susceptible de causer de grandes pertes à l'ennemi.

Les troupes alliées furent au premier moment désorientées par cette guerre nouvelle. Mais on arriva assez rapidement à reconnaître les corps délétères employés, à s'en préserver, et enfin à en fabriquer de manière à rendre avec usure à l'ennemi le mal qu'il nous avait fait.

Ce sera l'honneur de la France et de ses alliés, dans ces circonstances critiques, de n'avoir fait qu'appliquer le principe de la légitime défense. Je me rappelle toujours la séance de la Commission supérieure de l'Académie des Sciences pour la chimie où l'on émit l'avis qu'il fallait produire les mêmes corps que les Allemands employaient, mais n'en prendre d'autres plus dangereux, tels que l'acide cyanhydrique ou les produits arsenicaux, que lorsqu'ils les auraient eux-mêmes employés. On se trouvait obligé de résoudre des problèmes tout à fait nouveaux et de les résoudre d'urgence, car dans cet ordre d'idées rien n'avait été préparé par les alliés. Problèmes d'autant plus difficiles que la France et l'Angleterre possédaient beaucoup moins de chimistes que l'Allemagne et que la plupart d'entre eux avaient été mobilisés par exemple, M. Grignard, un de nos chimistes les plus éminents, dut être rappelé de Brest où il servait comme caporal infirmier.

Détermination des corps nocifs. La première difficulté était de recueillir les gaz envoyés par l'ennemi. Pour les nappes, on se servit d'aspirateurs. Pour les obus, ce qui était le cas le plus fréquent, on profita des obus non éclatés et l'on préleva leur contenu.

Les pharmaciens et médecins militaires sur le front, avec divers auxiliaires, se chargèrent de cette tâche difficile, souvent dangereuse.

Il fut décidé, d'après l'avis de la Commission de l'Académie des Sciences, que les échantillons seraient tous envoyés au laboratoire municipal de Paris dirigé par M. Kling et là, divisés en plusieurs parties destinées aux études chimiques, physiologiques et thérapeutiques. La détermination de la nature chimique fut confiée simultanément à deux laboratoires indépendants et tout à fait distincts qui se contrôlaient l'un l'autre; c'est qu'en effet plusieurs des corps nocifs étaient très peu employés et très peu connus, et presque personne ne les avait maniés.

On arriva ainsi à reconnaître une trentaine de corps successivement et quelquefois simultanément employés. D'abord le chlore, ayant servi pour les premières attaques. Il était naturel qu'il fût choisi, car depuis longtemps on vendait en Allemagne le chlore liquéfié dans des cylindres en fer en France, quand nous en avions besoin, nous le faisions venir d'Allemagne. Presque en même temps que le chlore :

bromure de benzyle (C,H, CH,Br);

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bromacétone (CH ̧ — CO — CH,Br), suffocant et lacrymogène;

chloroformiate de chlorométhyle (CICO2 — CH2CI); chlorosulfate de méthyle (SO,H— CH2CI);

ces deux corps suffocants;

bromo-méthyl-éthyl- cétone CH,—CO —CHBr (CH3) mais plus souvent le phosgène ou oxychlorure de carbone COCI, (collongite) que les Allemands fabriquaient également avant la guerre dans des cylindres métalliques à cause de son usage pour quelques synthèses industrielles de chimie organique : ce corps extrêmement dangereux était souvent employé en dissolution. A partir de 1917, d'autres corps furent envoyés,

non seulement suffocants, mais souvent sternutatoires, et enfin, en 1918, tout à fait toxiques :

chloropicrine C'Cl (NO2), sorte de chloroforme nitré ;

produits arsenicaux, tels que la dichloroéthylarsine et le cyanure de diphenylarsine.

Mais surtout l'ypérite, la terrible ypérite, employée à partir de juillet 1917 corps que presque aucun chimiste n'avait manié, sulfure d'éthyle dichlorė

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à la fois suffocant, lacrymogène et vésicant.

Nos chimistes ne mirent que six jours à la caractériser. Ce qui la rendait terrible, c'était son manque d'odeur et l'absence de douleurs immédiates, mais des brûlures se produisant au bout de 4 à 10 heures, puis des démangeaisons et des suffocations: il en résultait souvent de la bronchite et de la broncho-pneumonie ; les tissus étaient traversés par l'ypérite; si elle atteignait le sol ou les tranchées, elle y restait adhérente, exerçant son action sur les hommes qui venaient s'y asseoir, même huit jours après.

Un secrétariat interallié fut créé en décembre 1917 pour coordonner toutes les études chimiques; le délégué de la Belgique était le Capitaine Renard.

Modes de protection. Les gaz délétères étant reconnus, on chercha tout de suite à protéger nos troupes contre leurs effets. Le mode de protection alla en se développant et en se perfectionnant d'après l'expérience et suivant la nature des gaz lancés par l'ennemi.

Dans les premiers temps, c'était surtout du chlore qu'il fallait se préserver. On donna aux combattants, dans les premiers moments, de l'ammoniaque, puis des tampons imprégnés d'hyposulfite de soude mêlé de carbonate ces tampons se posaient sur le nez et sur la bouche.

Quand vinrent les nuages de phosgène (oxychlorure de carbone), on prit des tampons imprégnés de sulfanilate de soude avec urotropine.

Contre l'acide cyanhydrique, on adopta l'acétate de nickel.

Finalement, en présence de la diversité des corps agressifs, on employa des masques avec deux ouvertures correspondant aux deux yeux et faisant corps avec le masque, en les fermant par une sorte de celluloïde transparent, la cellophane, acétate particulier de

cellulose.

Ces masques étaient polyvalents, c'est-à-dire pouvaient s'appliquer à des corps différents. Leur partie essentielle était une série de gazes trempées dans un réactif chimique approprié et par lesquelles était forcé de passer l'air inspiré. On en vint à superposer jusqu'à treize gazes dans un masque. Entre plusieurs d'entre elles, on plaçait de petits granules d'un charbon particulier, choisi après de longues études et préparé par un chauffage vers 650° en vase clos: c'est surtout pour l'ypérite que ce charbon était efficace comme absorbant des gaz.

La forme des masques varia. A la fin, on préféra un masque fermant complètement le visage, attaché solidement sur la tête par des rubans et muni à la partie inférieure d'une sorte de muselière contenant les étoffes préservatrices à travers lesquelles on respirait.

Naturellement tout le monde dut se faire couper la barbe. Au premier avertissement, les soldats devaient mettre leur masque. Ils pouvaient le garder plusieurs heures sans entraver leurs exercices habituels.

Pour leur donner confiance et les habituer aux odeurs dont ils pourraient avoir à souffrir, on les avait préalablement fait entrer avec leurs masques dans une salle contenant en proportion soigneusement dosée un gaz délétère tel que le chlore.

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