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Sacchetti se fit sans prétention une renommée qui dure. Vrai Florentin, celui-ci : né en 1330 ou peu après, commerçant d'abord, puis prieur, ambassadeur, podestat en diverses villes d'Italie, il eut à s'occuper des lois somptuaires et à combattre l'ambition de Galeas Visconti. Dans cette vie voyageuse il vit beaucoup de choses et beaucoup de gens, apprit quantité d'anecdotes et en écrivit trois cents dans ses heures de loisir, peut-être à Bibbiena où il fut podestat. Ces nouvelles n'ont rien de romanesque elles rapportent des faits curieux, des traits de mœurs, les bons tours et les bons mots du temps; elles vont aux champs, à la ville, à la cour, à l'église, causent des rois, rient des prêtres, recueillent sur les peintres, les poètes, notamment sur Dante, des souvenirs qui resteront. La pointe grivoise y est aussi, plus rare pourtant, moins cherchée que dans Boccace. Sacchetti est à lire il nous donne la même monnaie de l'histoire et ajoute beaucoup à l'œuvre de Villani: on vit chez lui la vie de chaque jour, en Toscane et ailleurs, à la fin du quatorzième siècle. Il conte bien, à la bonne et ne s'inquiète pas d'imiter Cicéron. Un rien lui suffit pour égayer le public d'alors qui avait le rire facile : la moindre facétie du bouffon Gonnella ou de Basso della Penna qui tenait auberge à Ferrare. Un jour ce Basso, las de vendre l'hospitalité, veut l'offrir et invite beaucoup d'amis à manger avec lui, le soir même. Les amis arrivent, la nappe est mise, il y a des verres sur la table, mais il n'y a pas de vin. Les conviés ont soif, on va se plaindre au maître. Basso s’avance et dit : « Messieurs, je crois que vous devez vous rappeler l'invitation qu'on vous a faite de ma part. Je vous ai fait inviter à manger avec moi, non à boire, parce que je n'ai pas de vin à vous donner, ni qui soit bon

pour vous. Ceux donc qui veulent boire n'ont qu'à faire chercher du vin soit chez eux soit ailleurs, où il leur plaira. » C'est toute la nouvelle, la vingtième du recueil, et l'auteur ajoute : « Ici encore Basso s'est montré bon logicien, mais ce ne fut pas une logique profitable, si ce n'est qu'il épargna son vin à ce souper. Mais s'il voulait épargner en tout, c'eût été une meilleure logique de n'avoir pas invité ces gens qui lui auraient ainsi épargné même les vivres. Mais c'était un si plaisant homme, qu'il dépensa volontiers son argent pour jouer ce tour là (1). » Que faut-il de plus à Sacchetti? Un « fait divers » orné d'une épigramme sans humeur qui sert de leçon, et écrit au courant de la plume dans une langue moins étudiée, mais plus sincère que celle de Boccace: ce n'est point une liqueur fine, mais un bon vin du cru qui égaie et ne grise pas.

Franco Sacchetti jeta ses contes au public un peu pèle-mêle, au caprice de sa mémoire, et ne s'inquiéta pas de les relier pour en faire un monument. Plus ambitieux peut-être et désirant s'approcher de Boccace, un autre contemporain qui vivait vers l'an 1380, Jean de Florence (Giovanni Fiorentino), réunit, sous le titre énigmatique de Pecorone, cinquante nouvelles qu'un moine et une

(1) Signori, io credo che voi vi dovete ricordare dell' invito che vi fu fatto per mia parte. Io vi feci invitare a mangiar meco, e non a bere; perocchè io non ho vino che io vi desse nè che fosse buono da voie però chi vuol bere si mandi per le vino a casa sua, o dove più li piace... Il Basso, loico anche qui, ma questa non fu loica utile ; se non che si risparmiò il vino a questo convito. Ma se volea risparmiare in tutto, era migliore loica a non gli avere convitati; che averebbe risparmiato aneo le vivande. Ma e' fu tanta la sua piacevolezza che volle e fu contento che gli costasse, per usar questo atto.

nonne, amoureux l'un de l'autre, assis ensemble au parloir du couvent, se racontent en vingt-cinq jours. Récits souvent bizarres, en particulier quand il nous donnent l'origine fantastique de Rome ou de Florence, curieux pourtant lorsqu'ils nous rapportent ce que savait l'auteur, par exemple les discussions théologiques du temps, la fameuse querelle entre maître Alain et maître Pierre. Ce qui distingue tous ces auteurs, c'est la fraîcheur et la pureté de leur toscan: de l'eau de source. Aussi revienton toujours à eux, même aujourd'hui, quand on veut purger, retremper la langue, lui ôter la vase et les paillettes étrangères, retrouver la grâce naïve du meilleur temps. Le quatorzième siècle est regardé comme l'âge d'or de l'italien; ses écrivains, appelés les trécentistes (trecentisti), passent pour les maîtres du parler net et franc sans alliage; leurs écrits sont restés comme « textes de langue » et constituent les évangiles des puristes les mots, les tours qu'on n'y trouve pas sont entachés d'hérésie et repoussés comme apocryphes: hors de cette église primitive, pas de salut. Un heureux concours de circonstances a permis que ce dialecte du bon siècle se fût conservé jusqu'à nos jours dans tel quartier, dans tel faubourg de Florence, chez les gens du peuple, et là, loin de croupir en mare archaïque, la source toujours vive n'a cessé de jaillir. Les écrivains de Naples, de Milan, Manzoni en tête, y sont allés puiser pour rafraîchir et purifier leurs lèvres provinciales. Heureux pays où les halles et la banlieue ont fait sans parti pris la besogne des académiciens!

Voilà pourquoi l'on étudie encore avec tant de soin les moindres ouvrages des trécentistes, même ceux des ascètes, même le « Miroir de la vraie pénitence » de Jacques Pas

savant (Jacopo Passavanti) si énergiquement rigide. Voilà pourquoi les lettres de Catherine de Sienne sont lues et relues avec tant d'amour. Sainte fille dont la courte vie (1347-1380) fut une perpétuelle extase: la légende veut que la langue, le style, la pensée, la théologie lui fussent venues tout à coup dans une vision. Ne sachant pas écrire, elle adressait aux princes et aux papes des lettres dictées avec une câlinerie chaste, une onction naïve et ce charme de candeur qui a tant de séduction dans les dévotes peintures de Beato Angelico. C'est ainsi que cette Jeanne d'Arc sans épée devint médiatrice entre Florence et Rome, entre Rome et Venise et fit ce que Pétrarque, avec son génie et sa puissance, n'avait pu faire : elle força doucement le pape de quitter Avignon. «Ne venez pas à Rome, lui écrivait-elle, avec une troupe de gens armés! On ne rendra point sa beauté à l'Église par le couteau, ni par la guerre, mais par la paix. Avec la main de l'amour serrez la verge de la justice. » Elle écrivait encore : « Hélas, père, d'aucune façon, plus de guerre! » mais au lieu de « père » elle disait babbo: un mot plus tendre et familier, plus filial.

II.

Ainsi l'Italie débutait à la fois dans tous les genres où elle excellait du premier coup; cependant les trois grands

(1)... E non veniate a Roma con sforzo di gente. Non sarà renduta alla Chiesa la bellezza sua col coltello, nè con crudeltà, nè con guerra, ma con la pace. Con la mano dell' amore stringete la verga della giustizia. - Ohimė, babbo, non più guerra per qualunque modo!

T. I.

11

écrivains qu'elle produisit ne firent que lentement leur chemin en Europe. L'italien était un dialecte nouveau venu qu'on ne connaissait pas : Pétrarque traduisit en latin, pour la répandre, la « Griselde » de son ami Boccace. Le premier traducteur français du « Décaméron, » Laurens de Premierfaict exécuta son travail sur une version latine écrite exprès pour lui par un frère mineur d'Arezzo. La France dominait toujours, vivant sur sa renommée; le grand succès du siècle fut encore le Roman de la Rose, dont Pétrarque se moquait tout en l'imitant. Le lyrique Italien n'aimait pas ces froides et vaines allégories où (1) l'auteur semble rêver encore en racontant son rêve. Beauté, Courtoisie, Bel-Accueil n'en furent pas moins personnifiés dans le Trionfo della Castità: on protestait contre la mode et on la suivait tout de même. Paris demeurait la grande école (nutrix studiorum, disait Pétrarque) où les Italiens venaient s'instruire et même enseigner, notamment Masile de Padoue et Robert des Bardi de Florence, le premier recteur, le second chancelier de notre université. En 1333, les Lombards y fondèrent « la maison des pauvres Italiens », leur collège. Jacopone de Todi, le poète au délire religieux, se plaignait que Paris eût détruit Assises (2), la douce école de saint François. Tous vinrent boire l'eau de Seine; Cecco d'Ascoli séjourna, dit-on, à la cour d'Avignon où il fut médecin d'un pape; Guido Cavalcanti, Cino de Pistoie vécurent à Toulouse, le second étudia

(1) Somniat iste tamen dum somnia visa renarrat.

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