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même à Paris; l'historien Jean Villani passa chez nous une partie de sa jeunesse et fit peut-être la campagne de Flandre avec Philippe le Bel. Dans tous ces écrivains on a trouvé des gallicismes. Autant que jamais, la France était donc en montre et séduisait les étrangers qui lui en voulaient d'être séduits.

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Les Italiens, du reste, avaient quelque raison de nous en vouloir nous avions envoyé des troupes à Florence, à Naples et confisqué la papauté; Dante nous devait son exil et ne nous le pardonna jamais. Aussi comme il nous rappelait volontiers nos revers: Roncevaux, les Vêpres siciliennes; comme il se plaisait à croire que Hugues Capet était fils d'un boucher! Nous étions pour lui des lions féroces, des géants apocalyptiques, des faquins presque aussi vaniteux que les Siennois; nous avions décapité Conradin, empoisonné saint Thomas, crevé avec l'arme de Judas le ventre de Florence. Non moins véhément, Pétrarque nous rappelait que nous avions été battus par Camille au Capitole et dans les Gaules par Jules César. Qui sommes-nous en face des Italiens? Qui pouvons-nous opposer à Cicéron, à Horace, à Virgile (Pétrarque n'ajoutait pas à Dante)? Rien que le fracas de la rue du Fouarre (fragosus Straminum vicus). Il n'y a pas un savant qui soit Français. Paris est une corbeille où l'on a réuni les beaux fruits de tout pays; les meilleurs élèves de son école sont étrangers: Pierre Lombard, Thomas d'Aquin, Bonaventure et tant d'autres. Mais les Parisiens illustres, où sont-ils ? Que vaut ce petit peuple finassant, pétulant, gouailleur, cette gens argutula, promptula, facetula, ignorant la vraie gravité, la moralité réelle? Rome est déchue, c'est sa gloire; il n'y a que les grandes choses qui puissent encourir la déchéance. Mais Avignon ne tombera pas, d'où tomberait

elle? Comment pourrait décroître ce qui n'est rien (1)? Ainsi parlait Pétrarque; le poète devint plus juste pour nous après nos malheurs. Quand il eut vu la France ravagée par les Anglais : « Où est Paris maintenant ? s'écria-t-il... C'était pourtant une grande chose. Où sont maintenant ces armées d'écoliers, cette chaleur pour l'étude, cette opulence des citoyens, cette fête universelle? Au lieu de phiosophie, au lieu d'éloquence, partout des sentinelles, des machines de siège qui frappent les murs!» Il écrivait à Jean le Bon: « Tu as supporté tes malheurs d'un cœur si invinciblement royal, que la fortune en a rougi. » Et il ajoutait que la France devait remonter à sa hauteur et se relever au premier rang après un si grand naufrage (2).

Toutefois, littérairement, la France était épuisée : elle se répétait, s'endormait. A Dante, à Pétrarque elle ne put guère opposer dans ce siècle que Jean de Meung, Guillaume de Machault, Eustache Deschamps et Christine de Pisan, cette dernière Italienne. En revanche nous eûmes Jean Froissart, le plus brillant, le plus pittoresque, le plus amusant, le plus amusé des chroniqueurs, l'homme qui savait si bien interroger, si bien écouter et retenir, et qui recueillit ainsi les matériaux de « la haute et noble histoire » qu'il continua tant qu'il vécut, par la grâce de Dieu. « D'autant plus y suis, et plus y laboure, et plus elle me plaît, tout de même que le gentil chevalier et écuyer qui aime ses armes, en persévérant et continuant, s'y nourrit et s'y accomplit, ainsi en travaillant et opérant sur cette matière, je m'habilite et délite (je me rends habile et je

(1) Unde enim caderet atque decresceret quæ est nihil?

(2) Proinde neminem tam obtusi pectoris esse reor, qui non intel ligat vos adhuc summum obtinere locum, regnumque primum omnium et maximum, licet fessum, e tanto naufragio enatasse.

me réjouis). » Fut-il vraiment trop naïf et trop jeune pour la véritable histoire, c'est-à-dire pour l'examen un peu partial, un peu crédule, « toujours à la fenêtre », ne regardant pas assez derrière les faits ou par-dessous ? Cela se peut, puisque tout le monde le dit, mais qu'importe? Et si ces beaux contes ne tiennent pas devant la critique, c'est grand dommage, car ils mériteraient bien d'être arrivés! Après la bataille de Poitiers où le roi de France fut pris, on en vint « faire présent » au prince de Galles qui s'inclina très bas en accueillant le prisonnier et lui offrit de sa main vins et épices « en signe de très grand amour ». Grand festin le soir : « le prince fit asseoir le roi de France et son fils... à une table très haute et bien couverte, et tous les autres barons et chevaliers aux autres tables. Et toujours servoit le prince au devant de la table du roi, et par toutes les autres tables le plus humblement qu'il pouvoit ; et il ne se voulut asseoir à la table du roi pour prière que le roi lui en pût faire, mais disoit toujours qu'il n'étoit pas encore de telle valeur qu'il lui appartînt de s'asseoir à la table d'un si haut prince et d'un si vaillant homme comme étoit la personne du roi et comme il l'avoit montré en cette journée. Mais toujours il s'agenouilloit par devant lui et lui disoit : « Bien cher Sire, ne veuillez pas faire trop << maigre chère de ce que Dieu n'a voulu aujourd'hui « consentir à votre vouloir, car certainement monseigneur << mon père vous fera tout honneur et amitié qu'il pourra, « et s'accordera à vous si raisonnablement que vous demeu<< rerez bons amis ensemble à toujours. Et m'est avis que « vous avez grand raison de vous éjouir, bien que l'af«faire ne soit tournée à votre gré, car vous avez aujour«d'hui conquis le haut nom de prouesse et avez passé << tous les mieux faisants de notre côté. Je ne le dis point,

<< sachez le bien, cher Sire, pour vous railler, car tous ceux « de notre parti qui ont vu les uns et les autres se sont par << pleine science à cela accordés, et tous vous en donnent « le prix et chapelet d'honneur si vous le voulez porter. » A ce moment un murmure d'approbation se fit entendre, et tous, François et Anglois, se disoient entre eux que le prince avoit très noblement parlé, et ils célébroient son éloge, et disaient qu'en lui il y avoit et il y auroit encore un gentil seigneur dans l'avenir s'il pouvoit longuement durer et vivre, et en cette fortune persévérer. »

Cela est beau comme Dante. En ce temps-là, la poésie était dans les choses, non dans les œuvres d'art. Il suffisait de répéter naïvement ce qui s'était dit à Poitiers pour atteindre à la plus haute éloquence. Quant aux faiseurs de vers, ils n'avaient plus rien à chanter et tâchaient de se renouveler par des restaurations tardives, en rétablissant des cours d'amour et en instituant les jeux floraux. Vains efforts, les troubadours avaient émigré. Même pour Dante, qui en ceci voyait plus clair qu'on ne l'a cru, il n'y avait plus de Provence qu'en Espagne.

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III.

Là, dès le douzième siècle, à la cour de Barcelone, cette poésie avait pu fleurir les Albigeois y cherchèrent un refuge; Pierre II d'Aragon combattit et mourut pour eux. Ils se répandirent en Catalogne et en Aragon, allèrent jusqu'à Sarragosse, mais n'y vécurent point en sûreté ; leur bible limousine y fut interdite. Dans ces provinces les troubadours trouvèrent un dialecte pareil au leur, plus serré seulement, plus rude: le catalan, qui au quatorzième siè

cle était manié par des poètes, des penseurs, des historiens (Febrer, Lulli, Muntaner, etc). Lorsqu'on eut l'idée de rétablir à Toulouse les jeux floraux, les Espagnols y concoururent et un des leurs, Raymond Vidal, docteur du gai savoir, remporta la violette d'or. En 1390, un « Consistoire de la gaie science» fut établi à Barcelone; en 1428, la « Divine Comédie » trouva un traducteur catalan. Après quoi cette Espagne provençale eut des poètes qui, dans leur dialecte, persistèrent à imiter les Italiens, notamment un pétrarquiste de talent, sensible et moral, Ausias Marchs, mais cette floraison artificielle ne pouvait durer le dialecte se perdit dans le castillan, comme le pays dans la Castille (1).

Car la Castille devenait l'Espagne, et, de ce ramassis de peuplades qui s'étaient ruées les unes sur les autres dans la péninsule vingt fois envahie : Ibères, Celtes, Phéniciens, Carthaginois, Romains, Francs, Vandales, Alains, Suèves, Visigoths, Arabes, surgissait une nation, la plus fortement trempée qui fût alors. Les Sarrasins, maîtres du pays tout entier, y avaient établi leur religion envahissante, leur civilisation supérieure, une puissance formidable que Charlemagne n'avait pu briser. Notre Augustin Thierry a raconté comment les chrétiens résistèrent. « Resserrés dans un coin de terre devenu pour eux toute la patrie, Goths et Romains, vainqueurs et vaincus, étrangers et indigènes, maîtres et esclaves, tous unis dans le même malheur, oublièrent leurs vieilles haines, leur vieil éloignement, leurs vieilles distinctions: il n'y eut plus qu'un nom, qu'une loi, qu'un État, qu'un langage; tous

(1) F.-R. CAMBOULIN, Essai sur l'histoire de la littérature catalane (1858). ENRICO CARDONA, Dell' antica letteratura catalana.

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