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zalès; un autre écrivait en vers espagnols, mais avec des caractères arabes et d'après la version du Coran, l'histoire de Joseph. Enfin don Pedro Lopez de Ayala versifiait dans son Rimado de Palacio un traité sur les devoirs des princes et des grands dans le gouvernement de l'État, œuvre de sagesse et d'autorité, gravement didactique.

Ce Pedro de Ayala fut un des hommes considérables de son temps. Né en 1332, un an avant Froissart, il devait être victime d'événements que Froissart a racontés. Ayant quitté Pierre le Cruel pour s'attacher à Henri de Transtamare, il portait l'étendard de son prince à la bataille de Najero, et le prince Noir l'emmena prisonnier en Angleterre. Ayala revint en Espagne après la chute de Pierre et devint successivement grand chancelier de Henri II, de Jean Ier et de Henri III. En 1385, à la bataille d'Aljubarota, il tomba encore aux mains de l'ennemi, mais cette seconde captivité fut moins longue et moins dure que l'autre. Il passa tranquillement en Espagne les dernières années de sa vie et mourut en 1407 âgé de soixante-quinze ans. Ce fut, nous dit son neveu, un homme doux, aimable, plein de droiture et craignant Dieu; il lisait beaucoup et toute sorte de livres, même le « Décaméron ». Tite-Live qu'il traduisit et auquel il s'attacha, comme avaient fait, peu de temps avant lui, Pétrarque et Boccace, lui donna des qualités rares alors de narrateur et d'historien. Dans sa chronique où il rapporte les faits contemporains, il renonce aux romans, aux romances et raconte au lieu de s'échauffer, cherche à nous éclairer, non à nous éblouir, résume en discours, à l'exemple de son maître, les opinions, les sentiments des personnages qui cessent d'être des héros; il jette de vives lueurs sur les événements, leurs causes et leurs résultats; il a déjà la sagacité, l'impassibi

lité de l'homme politique. En racontant de sang-froid des actions atroces, il produit par l'exposé net et précis des choses un effet d'horreur qu'il n'aurait point obtenu par des interjections. Nous avons ici un témoin dont les yeux bien ouverts ne sont pas voilés par l'émotion, autre chose qu'un troubadour comme Froissart ou un simple homme d'affaires comme Villani; chez Ayala l'histoire est mûre.

IV.

Ainsi la littérature avançait dans le midi, mais elle déclinait dans le nord. En Allemagne, la poésie aristocratique des Minnesinger était déchue, la poésie bourgeoise des Meistersanger tardait à venir : il y eut un entretemps de fatigue et de silence. Le dernier des chevaliers troubadours, Ulrich de Lichtenstein, était mort en 1276 après une vie d'aventures qu'on ne prenait déjà plus au sérieux Roland tournait au don Quichotte. En 1317, les dames de Mayence portèrent au tombeau qu'on lui avait érigé dans la cathédrale un tendre chanteur, Henri de Meissen, surnommé Frauenlob, qui toute sa vie les avait enfumées d'encens. Ainsi se terminait en extravagances et en fadeurs une grande époque épique et lyrique. Les cours devenaient grossières aux poètes on y préférait les bouffons. La noblesse devenait brutale; les fils des grands barons méritaient la sanglante apostrophe de Barberousse :

Vos pères

Hardis parmi les forts, grands parmi les meilleurs,
Étaient des conquérants; vous êtes des voleurs !

Le clergé devenait ignorant : dès le treizième siècle, à Saint-Gall, on avait noté que pas un des religieux, pas même l'abbé, ne savait écrire. Cependant les trécentistes allemands qui laissèrent un nom furent encore des moines, dominicains presque tous. Dominicain, maître Eckart « à qui Dieu n'avait rien caché (1) » un mystique élevé à Paris au couvent de Saint-Jacques, un Schelling prématuré, d'un panthéisme aimable qui effraya pourtant l'Église; il dut abjurer ses erreurs. Dominicain, le Strasbourgeois Tauler qui, renonçant aux subtilités théologiques, se mit à prêcher dans la langue du peuple avec une onction qu'admirera Luther. Il chantait aussi, tendrement et familièrement, comme Jacopone de Todi, l'enfant Jésus et la sainte Vierge :

<< Marie a mis au monde de sa chair et son sang le doux enfant élu vraiment homme et vrai Dieu.

« Il est dans son berceau, le cher petit enfant, luisant comme un miroir; enfant, béni sois-tu !

« Et toi, mère de Dieu, sois bénie, ô Marie! Jésus est notre frère, le cher petit enfant !

« Je voudrais le baiser sur ses lèvres si douces, et fusséje malade, pour sûr je guérirais.

« Mère de Dieu, Marie, en ta gloire si grande, Jésus est notre frère, de là vient ta grandeur. Amen (2). »

(1)

(2)

Diz ist meister Eckehart

Dem Got nie niht verbare.

Maria hat geboren

Aus ihrem fleisch und blut

Das kindlein auszerkoren

Wahr mensch und wahren Gott.

Es liegt hie in der wiegen

Das liebe kindelein,

Tauler mourut à Strasbourg en 1361. Dominicain fut encore ce Henri Souso de Constance qui vénérait toutes les femmes, parce qu'elles rappelaient à son cœur la mère de Dieu. Dominicain, le Bernois Ulrich Boner qui dédia en 1330 aux magistrats de sa ville natale un recueil curieux, « la Pierre précieuse (Edelstein) », composé de ces fables qui faisaient alors le tour du monde : Boner les appelait des « exemples (Bispel) » comme Jean Manuel et Jean Ruyz. Il puisait aux mêmes sources où s'abreuva plus tard notre la Fontaine qu'il semble annoncer par certains traits, dans « le Chien et le Loup », par exemple. « Ah ça! l'ami, demande la bête des bois à la bête de la ville, d'où vient que ton cou soit tout râclé, tout pelé ? Est-ce que tu as perdu tes cheveux ? » Le chien répond : « Je vais t'expliquer la chose. Il faut que je porte un collier et que je reste attaché à une colonne; impossible de me promener; je souffre cela pour ma bonne chère. Nenni, cher compagnon, répond le loup bernois; je

Sein gsicht leucht wie ein spiegel :
Gelobet mustu sein!

Maria, Gottes mutter,

Gelobet mustu sein :

Jesus ist unser bruder,

Das liebe kindelein.

Mögt ich das kindlein küssen

An sein lieblichen mundt,

Und wer ich kranck, vor gwisse,

Ich würd darvon gesundt!

Maria, Gottes mutter,

Dein lob ist also breit !

Jesus ist unser bruder,

Gibt dir grosz würdigkeit. Amen!

n'entends pas être attaché du tout. Mon ventre ne m'est pas encore si cher, que je veuille jeter bas ma liberté : tu peux m'en croire Je ne donnerai pas mon franc vouloir contre tes bons morceaux. » Sur quoi le loup se sauva dans les bois (1).

Cela dit, maître loup s'enfuit et court encor,

dira la Fontaine. Par malheur, tout cela est encore écrit en vieux dialecte; la langue définitive est bien lente à venir. Quelquefois l'excellent Boner se contentait d'un bon mot pour composer tout un « exemple », notamment celui du « Prêtre et de l'Ane (von einem pfaffen und einem esel) » qui tient soixante vers (2). On a déjà remarqué que Mellin de Saint-Gelais, qui ne savait pourtant pas l'allemand, trouva, deux siècles après, le sujet de son goût; seulement il le traita d'une main plus preste :

(1)

Notre vicaire un jour de fête
Chantoit un Agnus gringotté,
Tant qu'il pouvoit, à pleine tête,
Pensant d'Annette être écouté.
Annette, de l'autre côté,

Plorait attentive à son chant.

Dont le vicaire, en s'approchant

Lui dit : Pourquoi plorez-vous, belle?

Neina, trût geselle min,

Dur niut vill ich gevangen sin.
Als liep ist mir noch nicht min bûch

Daz ich dur in well geben ûf

Min vrîheit das geloube mir ...
Ich will den vrigen willen mîn
Nicht geben um die spîse dîn. »
Sus lief der wolf ze walde.

(2) HEINRICH, Hist. de la littérature allemande, 1870.

T. I.

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