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Ha! messire Jean, ce dit-elle,

Je pleure un âne qui m'est mort,
Qui avoit la voix toute telle

Que vous, quand vous criez si fort.

Ce furent encore des dominicains qui représentèrent à Eisenach en 1322 le mystère des Vierges sages et des Vierges folles. Il y eut alors à Cologne et ailleurs une véritable école ascétique essayant de faire pour l'allemand ce que Passavant et Catherine de Sienne faisaient en ce même temps pour l'italien, le mettant à la portée du peuple. Cependant la bourgeoisie supplantait petit à petit la noblesse, les villes enveloppaient les châteaux, les universites effaçaient les cloîtres celle de Prague fut fondée en 1348, celle de Vienne en 1365, celle de Heidelberg en 1386, celle de Cologne en 1388, celle d'Erfurt en 1392; celles de Leipsic, de Rostock, de Greifswald, de Fribourg, de Bâle, d'Ingolstadt, Trèves, de Tubingue, de de Mayence, devaient suivre de près au siècle suivant. Des associations s'étaient déjà formées pour éclairer le peuple, l'instruction se répandait, la science allait devenir laïque, un premier souffle de réforme était dans l'air.

V.

En Angleterre plus encore qu'en Allemagne. C'est de là qu'après la barbarie étaient venues les premières lueurs du nouveau jour. Dès le huitième siècle l'île éloignée avait eu Bède le Vénérable qui domina son temps; l'école d'York, la plus ancienne de toutes; Alcuin qui fut le maître de Charlemagne et qui fit de ce barbare un latin. Au douzième siècle, l'Angleterre possédait déjà les écoles

d'Oxford et de Cambridge; au treizième, Alexandre de Hales, le docteur irréfragable, Duns Scot, le docteur subtil; Mathieu Paris dont la grande chronique (Historia major) parla si librement de l'Église romaine; Roger Bacon qui résuma toute la science de son temps et pressentit plus d'une fois celle de l'avenir. Au quatorzième siècle, tous les chemins étaient ouverts: Guillaume d'Occam, contemporain de Pétrarque, soutint vigoureusement le pouvoir civil contre le pouvoir religieux et se fit accuser d'hérésie parce qu'il était nominaliste. Walter Lollard enseignait le retour au ciel des démons qui en avaient été chassés injustement et l'éternelle damnation de saint Michel et des autres anges: il niait l'intercession des saints, l'utilité des sacrements, la légitimité du mariage qu'il regardait comme une prostitution jurée. Il se fit brûler à Cologne en 1322. Ses disciples, les lollards, coururent le monde, préparant les voies à Wiclef et même à Jean Huss.

Ici l'insurrection commence. L'Église n'est plus attaquée dans sa vénalité, dans sa corruption, comme elle pouvait l'être à la même époque par de vrais croyants: Dante, Pétrarque, Boccace, l'archiprêtre de Hita, le dominicain Ulric Boner, même par des saintes comme Catherine de Sienne. Le catholicisme est attaqué à la base : on ne veut plus l'émonder pour le faire pousser plus haut et le débarrasser des branches mortes, on veut le déraciner. Plus sage que Lollard et plus redoutable, Wiclef (ou Wycliffe) à la tête d'un collège d'Oxford, ne flétrit d'abord que l'inconduite et l'ignorance des moines mendiants; sa voix grossit de jour en jour, l'arène s'élargit : ce n'est bientôt plus à l'abus, c'est à l'Église même qu'il en veut, il soutient contre elle l'indépendance du pouvoir civil : c'est par là que commencent tous les schismes. Il s'appuie sur le sentiment na

tional pourquoi Rome aurait-elle en religion la prééminence? Après le sentiment national il caresse le sentiment populaire pourquoi le simple prêtre serait-il moins que le grand prélat? Le clergé ne doit plus posséder de biens temporels ne levons d'impôts qu'après les ventes de ses terres. Encore un pas et l'on osera toucher à l'arche sainte : les dogmes, les sacrements seront discutés. En même temps Wiclef livrait à Rome le plus dangereux des assauts : il traduisait, vulgarisait la bible. Cependant il ne périt pas sur un bûcher, comme Lollard; molesté plutôt que persécuté, soutenu d'ailleurs par un prince, il ne perdit dans la lutte que sa situation à Oxford, ne tomba que frappé d'apoplexie et ne s'éteignit qu'en 1384, le dernier jour de décembre, fête de Saint-Sylvestre auquel il ne croyait pas. On ne sévit que contre ses sectateurs et on ne brûla que son cadavre.

En même temps l'idiome anglais, rejeté dans le peuple, reprenait peu à peu le dessus. Le français avait régné jusqu'alors à la cour, même à l'école d'Oxford et à l'église, en 1317 encore Lewis Beaumont, évêque de Durham, n'entendait pas un mot d'anglais ni de latin. Edouard III, qui régna de 1327 à 1377, était fils d'une Française et rédigeait toutes ses dépêches en français. Le secrétaire de la reine était Froissart. Dans ce siècle, où des armées anglaises envahirent notre territoire, on vit se heurter deux noblesses de même langue et de même sang : à Crécy, à Poitiers, à Azincourt la guerre étrangère fut une guerre civile. L'ancien idiome lui-même avait été latinisé', non par la conquête romaine, mais par la conquête normande; ce n'était pas du latin corrompu, c'était du saxon francisé. Au quatorzième siècle, après la peste de 1348 qui sévit en Angleterre en 1349, il y eut comme un parti pris de

retourner à cette vieille langue : un acte du parlement, de 1362, ordonna qu'on parlât anglais en justice; cependant cet acte était encore rédigé en français. Les poètes suivirent le mouvement, quelques-uns avaient donné l'exemple. C'est en anglais que le prêtre Robert Langland écrivit la Vision de Piers Ploughman, allégorie un peu confuse, mais d'un sentiment énergique, flétrissant les vices du temps, surtout ceux du clergé. C'est en anglais, malgré le titre latin du poème (Confessio amantis) que John Gower rima mollement les petits vers de la confession d'un amant à un prêtre de Vénus. C'est encore en anglais que sir John Mandeville, qui était allé jusqu'en Chine, donna en 1356 le récit de ses voyages; il les avait pourtant écrits d'abord en latin et en français. C'est en écossais que John Barbour chanta dans un poème narratif de douze à treize mille vers, The Bruce, plein de vigueur, de sentiment, d'invention poétique, l'histoire du roi Robert. Cet écossais du Bruce était un anglais du nord fortement saxon, d'une énergie naïve. Mais un contemporain de Barbour et de Gower donna une si forte impulsion à la langue qu'elle fit un pas de géant : ce fut Geoffrey Chaucer.

VI.

Chaucer, né en 1328, mort en 1400, résuma en lui tout son siècle, en suivit toutes les pentes, en adopta tous les goûts, en imita toutes les littératures et alla du moyen âge à la renaissance, peut-être même à la réforme, en suivant le chemin des écoliers. Français d'origine, il naquit Anglais, vécut à la cour, devint le beau-frère d'un prince royal, fit la guerre en France où il demeura prisonnier et

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où il revint ambassadeur, eut des missions en Italie, entra au parlement, fut contrôleur à la douane, eut des hauts et des bas dans sa vie et mourut heureux. Il avait étudié le droit, peut-être la théologie sous Wiclef, sans doute encore les mathématiques et les sciences naturelles il avait lu Boëce qu'il traduisit élégamment, et les latins qu'on lisait alors: Juvénal, Stace, Lucain, surtout Virgile et Ovide. Homère ne lui fut connu que par des tiers. En 1367, il comptait parmi les officiers du roi Édouard qui le nommait dilectus vallettus noster. La même année l'Espagnol Ayala fut amené prisonnier en Angleterre : Chaucer put le connaître et connut sans doute aussi Froissart, secrétaire de la reine Philippe de Hainaut. A Padoue, on le sait, il vit un digne clerc nommé François Pétrarque. Enfin notre Eustache Deschamps (1) adressa une ballade à Chaucer qui fut ainsi en relation avec les écrivains les plus renommés de son temps.

En lisant ses ouvrages, on voit la poésie qui avait cours à la fin du siècle. Avant tout, par-dessus tout, notre Roman de la Rose, dont le « grand translateur » traduisit vers par vers la première partie, l'allégorie chevaleresque de Guillaume de Lorris. Il abrégea la seconde et il fit bien; Jean de Meung n'en fut pas moins son maître préféré, en polé

(1)

O Socrates plains de philosophie,

Sénèque en meurs et anglux en pratique,

Ovides grans en ta poeterie,

Briés en parler, saiges en rethorique,

Aigles très haultz, qui, par la theorique,

Enlumines le regne d'Eneas,

L'isle aux geans, ceulx de Bruth, et qui as

Semé les fleurs et planté le rosier

Aux ignorans de la langue Pandras,

Grand translateur, noble Geffroy Chaucier, etc.

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