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CHAPITRE VI.

MACHIAVEL.

I. Machiavel sa vie, ses expériences, ses « Légations ».

II. Machiavel: ses œuvres.- François Guichardin.

III. Les « Discours sur Tite-Live » et le « Prince ».

IV. Machiavel et ses juges : les jésuites, les protestants, Bacon, Campanella, la reine Christine, le grand Frédéric, J.-J. Rousseau, Ranke, Macaulay, Pasquale Villari, etc.

V. Machiavel et Guichardin.

I.

Ces querelles n'inquiétèrent pas les Italiens: ils s'occupèrent peu ou point de la Réforme. Ils avaient alors (de 1500 à 1530) trois hommes supérieurs dans les lettres et dans les arts: le plus âgé, Machiavel, qui voyagea pourtant en Allemagne, n'y aperçut pas le mouvement religieux et n'en parla jamais; l'autre, Ludovic Arioste, en son Roland furieux, » flétrit en passant l'hérésie; le troisième, Michel-Ange, n'y inclina nullement quoi qu'en aient dit les réformés, et resta tout simplement le plus grand artiste de la Renaissance.

Machiavel (1), on l'a déjà vu, n'alla même pas jusqu'à

(1) PASQUALE VILLARI, Niccolo Machiavelli e i suoi tempi (1877

Savonarole. La première fois qu'il donna signe de vie en littérature (en 1498, il avait vingt-neuf ans), ce fut après une prédication du moine, dans une lettre où il se disait. étonné, non convaincu par celui qu'il devait appeler plus tard « un prophète désarmé ». Qu'avait fait jusque-là cet inconnu déjà mûr et guéri des chimères ? Nous n'en savons rien; il n'y a pas d'autobiographie dans ses ouvrages. Il avait dû, disent les critiques d'aujourd'hui, étudier, observer ceci ou cela, c'est très possible; mais, encore une fois, nous n'en savons rien. Son père (il en parle peu) était jurisconsulte et ne lui laissa pas de fortune; sa mère faisait des vers à la sainte Vierge : il n'en parle pas du tout. En 1498, une place de secrétaire étant vacante à la seconde chancellerie, Nicolas Machiavel s'inscrivit pour l'obtenir et l'obtint avec un traitement de 192 florins par an ce n'était guère. Il se mit à la besogne avec ardeur, ayant auprès de lui, un peu au-dessus, Marcel Virgile, bon humaniste, expert en sciences naturelles, qui parlait d'abondance même en latin. Machiavel, son cadet de cinq ans, dut apprendre beaucoup avec cet habile homme. Secrétaire des Dix, il fut bientôt employé à des missions plus ou moins importantes : à Forli, notamment, près de Catherine Sforce, une vaillante femme qui avait beaucoup d'esprit. Un jour ses six enfants avaient été retenus en otage; elle n'en continua pas moins de tenir tête à l'ennemi. On la menaça d'égorger ses enfants; elle répondit fièrement : « J'en ferai d'autres. » On dit que dans cette première mission Machiavel fut joué par Catherine; c'est assez probable, mais le fait n'est point assuré. On le vit ensuite au camp de Pise, puis auprès du roi de France, auquel il fut envové par la république en compagnie de Francesco Della Casa. Maigre légation;

les deux envoyés, qui devaient suivre le roi de ville en ville et se munir de valets et de chevaux, dépensaient plus d'argent que l'État ne leur en donnait, et ils n'étaient pas riches. Un courrier de cabinet coûtait alors les yeux de la tête. Ajoutons que le roi Louis XII, dont Florence demandait l'appui, n'était pas commode. « Les Français, écrivaient les envoyés, sont aveuglés par leur puissance; de plus, ils n'estiment que ceux qui sont armés et prêts à fournir des fonds. Ils voient que ces deux qualités vous manquent et vous appellent sire Néant (ser Nichilo), baptisant désunion votre impuissance et imputant la malhonnêteté de leur armée à votre mauvais gouvernement. >> Suivait un bon conseil : « Faites-vous, avec de l'argent, des amis en France, poussés par autre chose que par l'affection naturelle ainsi font tous ceux qui ont à traiter quelque affaire en cette cour. Et ceux qui font autrement se flattent de gagner le procès sans payer le procu

reur. >>

:

On le voit, Machiavel était à bonne école pour apprendre les affaires. Nous ne le suivrons pas dans toutes ses légations; tenons-nous à celles qui agirent le plus sur son esprit et sur ses idées. En 1502 il fut envoyé à Urbin avec l'évêque Soderini; ce fut là qu'il vit pour la première fois le Valentinois (il Valentino), c'est-à-dire César Borgia, fils du pape Alexandre VI. Aussitôt l'envoyé florentin crut avoir trouvé son homme et le déclara dans ses dépêches avec une étonnante conviction:

Ce seigneur, écrivit-il, a tant d'ardeur, qu'il n'est pas de grande chose qui ne lui paraisse petite. Soit pour la gloire, soit pour acquérir un État, il ne se repose jamais, ne connaît ni fatigue ni péril, arrive en un lieu avant qu'on sache d'où il est parti; se fait aimer de ses soldats; il a su attraper les meilleurs hommes d'Italie : lesquelles 20

T. I.

choses l'ont rendu victorieux et formidable; ajoutez que la fortune ne l'a jamais quitté (1).

Dès lors Machiavel se mit à raisonner ses observations; son premier ouvrage, sur la répression d'une révolte dans le Val di Chiana, contient déjà plusieurs de ses opinions nettement formulées. Il veut interroger l'histoire de Rome et lui demander conseil sur les affaires de son temps, « parce que les hommes sont toujours les mêmes et ont toujours les mêmes passions; ainsi, quand les événements sont identiques, les mêmes causes produisent les mêmes effets; donc les mêmes faits doivent suggérer les mêmes règles de conduite (2). »

:

Il y avait là sans doute une grave erreur, où il retomba toute sa vie et qui lui fut reprochée à bon droit par Guichardin c'est l'illusion de tous ceux qui attribuent de l'esprit à l'histoire. M. Villari observe finement que Machiavel, n'étant pas encore assez sûr de sa méthode pour tirer avec une rigueur scientifique des principes généraux de faits particuliers, mettait entre les uns et les autres l'antiquité qui devait former un lien artificiel, toutes les fois qu'elle était appelée à démontrer ce dont le raisonneur était déjà persuadé lui-même. Dans la suite de son

(1) Questo signore è tanto animoso che non è sí gran cosa che non li paia piccola, e per gloria e per acquistare stato mai si riposa, nè conosce fatica o pericolo: giugne prima in un luogo, che se ne possa intendere la partita donde si lieva; fassi ben volere à suoi soldati; ha cappati i migliori uomini d'Italia, le quali cose lo fanno vittorioso e formidabile, aggiunto, con una perpetua fortuna.

(2) ... Perchè gli uomini in sostanza sono sempre gli stessi ed hanno le medesime passioni: così quando le circostanze sono identiche, le medesisme cagioni portano i medesimi effetti, e quindi gli stessi fatti debbono suggerire le stesse regole di condotta.

mémoire Machiavel reprochait aux Florentins de n'avoir pas su se conduire avec les révoltés d'Arezzo (1):

«Si vous aviez suivi l'exemple des Romains, vous auriez dû vous attacher les Arétins ou les détruire. Mais vous ne leur avez fait aucun bien; au contraire, vous les avez tourmentés en les appelant à Florence, en les dépouillant de leurs honneurs, en vendant leurs biens, et, d'autre part, vous ne vous êtes point assurés contre eux, parce que vous n'avez pas abattu leurs murailles et vous avez laissé dans la ville les cinq sixièmes des habitants sans en envoyer d'autres qui leur tiennent le pied sur la gorge. Aussi Arezzo sera-t-elle toujours prête à se révolter de nouveau, ce qui n'est pas une chose de peu d'importance, parce que César Borgia est tout près de vous et cherche à se constituer un État fort en prenant aussi la Toscane. Or les Borgia ne procèdent pas avec des égards et par des voies moyennes. La cardinal Soderini qui les connaît beaucoup m'a dit que parmi les qualités de grand homme qu'on peut louer chez le pape et son fils, il y a celle-ci qu'ils sont connaisseurs de l'occasion et savent fort bien en user, ce qui est confirmé par l'expérience de ce qu'ils ont fait... D

Ici s'interrompt cet écrit instructif qui nous montre déjà formées et formulées, chez le diplomate de trente

(1) (Non si può approvaro la candotta da voi tenuta) cogli Aretini che si sono sempre libellati, voi non avete saputo nè beneficare, nè spegnere secondo l'esempio romano. Non avete infatti beneficato gli Aretini, ma gli avete tormentati col chiamarli a Firenze, toglier loro gli onori, vendere i loro possessi; nè ve ne siete assicurati, perchè avete lasciato in piedi le loro mura, lasciato in città i cinque sesti degli abitatori, non mandati altri che li tengano sotto. E così Arezzo sarà sempre pronto a ribellarsi di nuovo, il che non è cosa di poco momento, perchè Cesare Borgia è vicino, e cerca a formarsi uno stato forte col pigliarsi anche la Toscana. E i Borgia non vanno coi rispetti e colle vie di mezzo. Il cardinal Soderini, che li conobbe assai, più volte mi ha detto che fra le altre lodi di grande uomo che si posson dare al papa e al figlio vi questa, che sono conoscitori della occasione e la sappiano usare benissimo, il che viene confermato dalla esperienza di ciò che han fatto.

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