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de vengeance, avec quelle foi obstinée, avec quelle dévotion et quel attendrissement! Est-il des portes qui se fermeraient devant lui? des peuples qui lui refuseraient l'obéissance? des pièges qui lui seraient tendus? un seul Italien qui ne lui rendît hommage? Chacun est dégoûté de cette domination barbare. Que votre illustre maison accepte donc cette mission généreuse, avec l'ardeur et l'espérance qu'on met aux choses justes, afin que sous son drapeau la patrie soit ennoblie et que sous ses auspices les vers de Pétrarque deviennent une vérité :

«La vertu contre la fureur prendra les armes et le combat sera court, car l'antique valeur dans le cœur des Italiens n'est pas encore

morte. >>>

La fin justifie les moyens; c'est pourquoi l'éloquente péroraison a sauvé tout le discours aux yeux des patriotes. De là l'inscription du monument érigé à l'auteur dans le panthéon de Santa-Croce: Tanto nomini nullum par elogium, Nicolaus Machiavelli.

la Italia vegga, dopo tanto tempo, apparire un suo redentore, nè posso esprimere con quale amore ei fosse ricevuto in tutte quelle provincie, che hanno patito per queste illuvioni esterne, con qual sete di vendetta, con che ostinata fede, con che pietà, con che lacrime. Quali porte se gli serrerebbero? quali popoli gli negherebbero l' ubbidienza? quale insidia se gli opporrebbe? quale Italiano gli negherebbe l' ossequio? Ad ognuno puzza questo barbaro dominio. Pigli adunque la illustre casa vostra questo assunto con quell' anima e quella speranza che si pigliano le cose giuste; acciocchè sotto la sua insegna e questa patria ne sia nobilitata, e sotto i suoi auspicii si verifichi quel detto del Petrarca:

Virtù contro al furore

Prenderà l'arme e fia il combatter corto :

Chè l'antico valore

Negl' italici cor non è ancor morto.

IV.

Mais avant de valoir à son auteur un monument, le traité du « Prince » avait eu bien des aventures. Il circulait manuscrit dès l'an 1513: Casavecchia, Francesco Vettori l'avaient lu et admiré. On en garde à Florence une copie écrite par Bonaccorsi qui, dans une lettre annexée au manuscrit, priait Francesco Bellazzi de défendre vivement l'ouvrage contre tous ceux qui, « par malignité ou par envie... voudraient le mordre ou le lacérer. » On craignait donc dès lors d'âpres censures. Cependant en 1523, quatre ans avant la mort de Machiavel le « Prince » était effrontément plagié par un professeur de Sessa, nommé Nifo ou Niphus, dans un traité intitulé De regni peritia et dédié à l'empereur Charles-Quint. Ce qui prouve, dit M. Nourrisson (1) qui a le premier dénoncé le plagiat, que de pareilles doctrines couraient alors le monde. Machiavel ne fit qu'enseigner en maître ce que Niphus pensait lui-même, ce que pensaient à peu près tous les politiques de leur temps.

Le « Prince » fut imprimé à Rome en 1532, cum gratia et privilegio du pape Clément VII et d'autres souverains. On sait que Charles-Quint le lisait assidûment, que SixteQuint en rédigea un résumé de sa main pontificale, que Mustapha III le fit traduire en turc, que Catherine de Médicis y étudiait son métier, que Henri III et Henri IV le portaient sur eux quand ils furent tués par les nihilistes noirs. Cependant les protestations avaient déjà commencé depuis longtemps, d'abord à Florence. Les patriotes, opprimés par le retour des Médicis, crièrent à tue-tête :

(1) NOURRISSON, le Prince avant le Prince, et Machiavel (1874).

<« C'est la faute de Machiavel! » L'Église s'en mêla bientôt, car elle s'avisa, malgré le bref de Clément VII, que le feu secrétaire florentin l'avait énergiquement combattue. Celui qui donna l'assaut fut le cardinal Reginald Pole, dont voici la sentence: « Machiavel a écrit avec le doigt du diable; en conseillant les princes il n'a visé qu'à leur ruine, et sa vie n'a pu être que détestable comme ses écrits. >>

Suivirent les jésuites. Sous leur influence, l'auteur du << Prince » fut préalablement brûlé en effigie à Ingolstadt; après quoi ses œuvres furent mises à l'index par l'infaillibilité de Paul IV qui désavoua celle de Clément VII et qui fut approuvée par le concile de Trente. Plus tard il est vrai, on permit la réimpression de quelques livres expurgés, mais à condition que le nom de l'auteur n'y fût pas. Les jésuites décrétaient l'oubli, croyant disposer de la mémoire humaine. L'un d'eux, nommé Ribadeneira, exhorta le prince héréditaire d'Espagne à brûler tous les machiavélistes et à mettre lui-même le feu au bûcher.

Vinrent après les réformés qui, en ceci, jouèrent le jeu des jésuites. Innocent Gentillet appela Machiavel « ce chien impur» et affirma que c'était lui qui avait fait la Saint-Barthélemy. Plus rigoureux que Possevin, il crut terrasser l'adversaire en lui refusant même le talent, même le sens commun, « le jugement naturel, ferme et solide ». Jean Bodin, qui n'était pas protestant, mais qui oscillait entre le Moyen-Age et la Réforme, opposa au << Prince » un traité de Republica, dans lequel il rêvait de fonder la politique sur la morale chrétienne et de créer des souverains qui fussent des modèles de toutes les vertus. N'en rions pas il y a des chimères moins généreuses; ce pauvre Campanella, qui titubait entre la théocratie et le

communisme, et qui bâtissait entre deux cauchemars une << Cité du soleil », appelait Machiavel un bien méchant homme, «< inventeur de cette raison d'État qui consiste à substituer l'intérêt du prince à celui du peuple, et qui suit l'égoïsme au lieu de se conformer à la stricte justice, laquelle contemple l'éternelle et universelle raison! >> Campanella passa vingt-huit ans en prison et croyait à l'astrologie.

Machiavel eut donc contre lui, dans le siècle qui suivit sa mort, les jésuites, les réformés et les philosophes; pas tous cependant. Juste Lipse le regardait comme le premier de tous ceux qui avaient écrit sur la politique, non sans regretter pourtant que le Florentin n'eût pas conduit son prince dans le chemin de la vertu et de l'honneur. Quant à François Bacon, on connaît son verdict si souvent répété : « Rendons grâce à Machiavel et aux écrivains de son espèce d'avoir signalé ouvertement, sans dissimulation, ce que les hommes font habituellement, non ce qu'ils doiyent faire. » Un contemporain de Bacon, l'Italien Trajan Boccalini, dit à peu près la même chose. Il fait comparaître Machiavel devant Apollon; avant d'être condamné au feu, l'accusé veut se défendre. « Je ne sais, s'écrie-t-il, pourquoi l'on veut me brûler pour avoir écrit les actions ordinaires des souverains d'après les récits de toutes les histoires. S'ils ne sont pas punis de ce qu'ils font, dois-je l'être pour l'avoir dit? » Après cette défense, Machiavel est sur le point d'être acquitté, quand un fait nouveau est produit à sa charge. On l'a surpris, une nuit, occupé à mettre des dents de chien dans la bouche des moutons. Le troupeau ne pourra donc plus être mené par un seul homme, avec une verge et un sifflet. On comprend la moralité de la fable. Ce Boccalini fut assassiné à Venise par

des agents de l'Espagne, qui, dit-on, l'assommèrent ou l'étouffèrent sous des sacs de gravier.

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Une appréciation très curieuse est celle de Christine, reine de Suède, qui annota de sa main une traduction française du «Prince» publiée à Amsterdam. M. Villari nous donne dans son Appendice, plein de documents inédits, ces notes royales écrites dans notre langue, ou à beaucoup près, avec une orthographe passablement déréglée. Elle écrit souvent en marge: « Il n'a pas trop de tort. San doute. Que ceci est beau est vrai! Cela s'appel parler en grandt homme et ie m'i suscris à son sentiment. >> D'autres fois : « Il faut savoir thrionfer de l'envie sen faire mourir les envieux. Ce serait leur faire trop d'honneur. Il n'y a poin de grandeur ny de fortune qui mérite d'estre acheté aux prix des crimes, et on n'est jamais ny grands ny heureux à ce prix. - Méchante et indigne action. Quel horrer!» Mais tout en s'indignant, elle se déclarait pour la force, elle contredisait Tacite en écrivant Nunquam fida potentia nisi nimia; elle admettait qu'on fit le mal « par une nécessité indispensable, » elle ne trouvait pas mal dit >> ce mot de Machiavel : « Cela dépend du bon ou mauvais usage qu'on fait de la cruauté, » et elle ajoutait en marge: « Il y a sen doutte des maux qui ne se gérisse que par le sang et par le feu.» Toutefois, dans son opinion, en politique comme en chirurgie, les pitoyables chirurgins ne guérissent pas les plaies, ils tuent les malades. D'autre part, malgré sa conversion, l'auguste Suédoise montre peu de respect. pour les papes; elle ne concède la grandeur qu'à Alexandre VI. En politique, elle paraît être un Machiavel tempéré par le temps, adouci par le cœur et un peu gêné par la jupe.

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