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périence a guéris de l'admiration comme de l'indignation, et qui se tiennent en garde contre les idées absolues. Ils se concilient ainsi l'adhésion des esprits pratiques : en lisant les « Euvres inédites » de Guichardin, Cavour disait à un de ses amis « Voilà un homme qui connaissait les affaires; il les connaissait bien mieux que Machiavel. >>

Celui-ci, en revanche, avec ses libertés de langage, ses audaces et ses pétulances, le souffle et les ailes qui le portaient si haut, le large regard qui embrassait si bien les ensembles et voyait clair jusque dans les brumes de l'avenir, frappe et intrigue davantage les esprits absolus, les enfants et les philosophes. Son plus grand tort fut d'être un peu trop franc, ou pour mieux dire, d'outrer sa franchise, et, si nous osons nous servir d'une expression qu'il n'eût pas dédaignée, de mettre les pieds dans les plats. Il cria tout ce qu'il pensait avec une sincérité violente et agressive. S'il y eut quelqu'un qui dans ses livres et dans sa vie se montra tout le contraire de ce qu'on appelle ordinairement machiavélique, ce fut Machiavel.

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Ses satires.

III. L'homme peint par lui-même.

IV. Le poème chevaleresque avant l'Arioste. — Luigi Pulci et son

Morgante maggiore.

V. Boiardo et son Orlando innamorato.

VI. Le « Roland furieux ».

I.

Machiavel était Toscan et ne s'éloigna guère de Florence, mais la ville de Dante et de Politien n'était déjà plus le centre lumineux de l'Italie. Les arts brillaient surtout à Rome où s'établit Michel-Ange; la poésie, à Ferrare où vécut l'Arioste, le trouvère de la Renaissance, le plus exquis de son temps et peut-être de tous les temps.

Ferrare était pourtant la dernière venue dans les lettres; elle n'avait guère appris le latin qu'en 1429. Jusque-là, dans ce pays retardé, peu ou point de culture et d'éloquence; on n'y connaissait pas Cicéron, et celui qui pouvait nommer Salluste, César, Tite-Live passait pour un phénomène; on n'enseignait aux écoliers que les éléments. Guarin de Vérone y vint en 1429; cet humaniste fut l'instituteur du marquis Leonel, fils naturel de Nicolas III;

T. I.

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l'élève lisait Plutarque, improvisait des vers italiens et protégeait les lettres; le maître faisait de plus deux cours par jour, et tenait chez lui pension d'écoliers; les pauvres ne payaient rien. Le soir Guarin enseignait en core et sa maison était pleine. On venait de loin s'instruire à son école ; entre autres disciples étrangers, il eut le Hongrois Janus Pannonius et l'Anglais Robert Fleming. Sous un pareil maître et un pareil prince, l'érudition et même la poésie latine fleurirent si bien que Ferrare était devenue à la fin du siècle un centre important d'humanistes. Arioste enfant fit donc très probablement du latin. En fit-il beaucoup, fut-il à même de discuter avant l'adolescence avec des docteurs? On raconte cela volontiers de tous ceux qui ont acquis un grand nom dans les lettres. Mais l'Arioste lui-même dit tout le contraire; dans sa satire adressée au Bembe, il affirme qu'à vingt ans : « il aurait à peine entendu celui qui traduisit Esope. » Chez nous on va plus vite, on lit Phèdre en cinquième; il est vrai qu'on ne le comprend pas.

D'où vint ce retard dans l'instruction classique du poète? Nous le savons par lui-même : le coupable fut son père qui le poussa l'épieu aux reins dans l'étude du droit, et lui fit perdre cinq années « dans ces bavardages (in queste ciancie) ». Notons en passant qu'une foule de poètes italiens ont parlé de la jurisprudence avec acrimonie, Pétrarque en tête qui était pourtant sérieux et studieux. Enfin l'Arioste, après beaucoup de discussions,« fut mis en liberté » et eut le droit d'étudier « ses latins » (i latini miei) sous Grégoire de Spolète; on montre encore, dans la bibliothèque de Ferrare, la salle où il fit (peut-être) ses études et où l'on a recueilli ses reliques : les autographes, la chaise et le fameux encrier orné d'un petit Amour qui,

le doigt sur sa bouche, conseille la discrétion. Le poète suivit le conseil, vertu rare chez ses confrères.

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Avec Grégoire de Spolète, le jeune Ludovic fit des progrès miraculeux : très peu après il composa en hexamètres latins un éloge de la philosophie déjà bien remarquable; puis il devint amoureux en vers latins toujours comme c'était la mode alors. Ses odes à Philiroé sont étonnantes. En ce temps-là l'étranger envahissait l'Italie à quoi pensait donc ce jeune homme de vingt-deux ans? A l'amour seulement, et ce qui est encore plus significatif, à l'amour d'après Horace :

:

Rursus quid hostis prospiciat sibi,

Me nulla tangat cura, sub arbuto

Iacentem aquæ ad murmur cadentis... etc.

Louis XII conquiert le duché de Milan, qu'importe si, après avoir passé les Alpes

... quatiat Celticus Ausones ?

qu'importe de servir un roi gaulois ou latin,

Si sit quidem hinc atque hinc non leve servitium?

La critique moderne (1) cherche à justifier le poète de son indifférence; nous ne la condamnons pas, nous la constatons; c'est un trait qui peint le temps et l'homme. Il s'agit bien de Barbares, il s'agit de Philiroé, de Pasiphile, de Lydie, de Julie, de Glycère, ou plutôt d'Horace et de Catulle, quelquefois aussi de Pétrarque: quand le poète change de langue et d'imitation, il change aussi de sentiment; la même Megilla qu'il chante assez lestement en latin devient en italien une madone : c'est « une haute beauté

(1) CARDUCCI, Delle poesie latine edite e inedite di Ludovico Ariosto.

qui, de sa lumière bienheureuse, illustre et blanchit l'occident ». On le voit, le cœur n'est pour rien dans cette littérature. Il ne s'agit que de bien copier les maîtres, les anciens et les modernes : c'est l'artiste qui se fait la main. Il est regrettable que l'Arioste n'ait pas eu le temps d'étudier le grec; il aurait aimé d'une troisième manière. Mais il avait voulu apprendre d'abord « le parler de mes Latins, si bien, dit-il, qu'acquérant l'un, et différant l'autre (celui des Achéens) l'occasion s'enfuit indignée, car elle m'avait tendu ses cheveux et je n'avais pas su la saisir. »

Ces essais de poésie latine furent interrompus par un malheur domestique : le jeune Ludovic perdit son père et dut « quitter Marie pour Marthe », la seule chose nécessaire pour le pain quotidien : il eut deux sœurs à marier sans écorner l'héritage, des frères à élever, à éloigner du vice; il se tira de ces devoirs, disent les biographes, avec prudence et affection. Mais il fallait vivre; à cet effet, malgré les répugnances exprimées dans ses premiers écrits, il fit ce que tout le monde faisait en ce temps-là, il servit les princes. Sa première complaisance fut une poésie catullienne pour le mariage de don Alphonse avec Lucrèce Borgia (1502); il avait déjà vingt-huit ans. L'année suivante, il adressa aucardinal d'Este, devenu évêque de Ferrare, le fameux distique où il joue sur le nom d'Hippolyte et peut-être aussi sur la vertu douteuse du prélat :

Quis patre invicto gerit Hercule fortius arma?
Mystica quis casto castius Hippolyto?

Telle fut la période latine de l'Arioste. Des connaisseurs (Foscolo entre autres) louent très fort ces petits poèmes catulliens; d'autres y trouvent je ne sais quoi de dur et de forcé; c'est l'opinion de Panizzi le biblio

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