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thécaire. En tous cas cet exercice de versification latine assouplit la main du poète et lui donna cette aisance gracieuse dans la liberté de l'allure, ce charme dans l'abondance qui manque à d'autres artistes italiens même de premier ordre et qui est le signe particulier de son talent. « Il est inutile de le nier : les langues romanes, même l'italienne, ont relativement aux deux langues de l'antiquité classique un peu de relâchement et de loquacité; quand elles s'abandonnent, elles ont les jointures faibles et cheminent d'un pas mal assuré, ou s'en vont toutes droites et raides (au moins quand elles parlent en vers); c'est seulement sous la discipline de leur mère qu'elles acquièrent cette dignité libre, cette élégante assurance qui est le signe le plus clair qu'on est bien né. » C'est ainsi qu'Horace et Catulle ont fourbi l'octave du poète, en la débarrassant de ces filaments et de ces excroissances qui embarrassent et étouffent plus d'une fois la poésie de Boiardo. Monti écrivait à ce propos : « L'étude du latin est le premier élément de notre langage poétique, » et il ajoutait « C'est par là que l'Arioste s'ouvrit, en imitant, une grande source de franches et mâles élégances qui parurent originales parce qu'il en céla l'imitation, et il sut extraire avec un merveilleux jugement, de la langue latine et de sa propre fantaisie, des manières de parler très belles et très neuves qu'on chercherait en vain chez les anciens. >>

II.

L'an 1503 marqua dans la vie du poète : ce fut alors qu'il quitta la langue morte pour la langue vivante et qu'il entreprit son œuvre capitale, le « Roland furieux ». Mais

avant de la pousser bien loin, il eut à subir les ordres et les caprices de la cour où il était entré comme valet, lui gentilhomme. De poète qu'il était, le cardinal le fit courrier et le contraignit à courir à cheval par les rochers et les précipices; en même temps, l'Arioste écrivait des comédies en prose, pour amuser les grands seigneurs. Estil vrai que dès son enfance il ait eu le goût du théâtre et que parfois, quand ses parents étaient sortis, il ait déguisé ses frères et sœurs pour leur faire jouer toute sorte de personnages? Si ces jeux d'enfants pouvaient être regardés comme des indices de vocation, il y aurait dans chaque maison un Molière en herbe. Est-il vrai encore qu'un certain jour, étant grondé par son père, il l'ait écouté longtemps avec attention sans répondre un mot. On lui demanda pourquoi il n'avait pas voulu se défendre; il répondit que, pendant la semonce, il songeait à une comédie, où il comptait placer une scène pareille qu'un père ferait à son fils. La scène existe en effet dans la Cassaria, c'est la seconde du cinquième acte. On en a voulu conclure que la pièce ayant été composée dans l'adolescence de l'Arioste, à l'âge où il était grondé par son père, c'est-à-dire vers 1490, elle précéda la Calandra de Bibbiena, et fut ainsi la première comédie originale du théâtre italien. Mais la critique aujourd'hui ne connaît que les dates des premières représentations; or on sait que la Calandra put être jouée à Urbin dès 1504, tandis que la Cassaria n'amusa la cour de Ferrare qu'en 1507, au mois de mars. Pigna dit d'ailleurs que l'Arioste écrivit d'abord ses pièces en prose, « ayant devant lui la Calandra de Bibbiena. » Ces questions de priorité ne tourmentent que les badauds; ce qui est plus important à noter, c'est que ni la Calandra, ni la Cassaria ne sont des pièces origina

les. Dans le prologue en vers, récité avant la représentation, l'Arioste annonçait une comédie nouvelle que jamais les Latins ni les Grecs n'avaient mise en scène, et il craignait que cette audace n'effrayât le public. Le plus grand nombre n'estime parfait que ce qu'ont dit les anciens...

E solo stima

Quel che gli antichi han detto esser perfetto.

Voilà un trait qui caractérise la Renaissance. L'auteur reconnaissait que le public, dans un certain sens, avait raison, que jamais prose ou rime vulgaire (italienne) ne peut être comparée à la prose et au vers antique; mais, disaitil, « les talents ne sont pourtant point différents de ce qu'ils furent, et l'on devient artiste aujourd'hui par où on le devenait autrefois. » Malgré cette observation pleine de sens, la témérité du novateur était bien timide. Il n'innovait (après Bibbiena du reste) qu'en écrivant d'abord sa pièce en prose et en ne la traduisant pas de Plaute ou de Térence, mais les personnagesl, es mœurs, l'intrigue, le titre même rappelant l'Asinaria, l'Aulularia, la Cistellaria, etc., etc., sont renouvelés des anciens, et l'on en peut dire autant des autres pièces de l'Arioste. La scène est à Ferrare au lieu d'être à Rome et les personnages ont des noms italiens, mais ce sont des masques de l'ancien théâtre; le père et le fils n'ont pas changé, la jeune fille n'a pas été réformée par le christianisme, l'esclave est devenu valet sans changer de rôle et, représentant la fourberie qui triomphe de la force, demeure la cheville ouvrière de l'action. De loin en loin quelque bon trait de satire, une allusion aux vices, aux ridicules du jour, un coup de fouet aux juges, aux gabelous, aux pèlerins,

aux dévotes, même aux princes, une forte égratignure où l'on sent la griffe du maître, mais voilà tout. L'Arioste, qui avait aimé d'après Catulle et Horace, riait d'après Plaute; quand plus tard il voulut mettre en vers son théâtre pour lui donner une valeur littéraire, il demeura copiste et tâcha d'introduire dans sa langue un mètre latin. Cependant, même dans ces essais manqués, la main s'assouplit de plus en plus, l'artiste s'appropria tous les styles. Il n'inventa pas la comédie originale que Machiavel devait improviser dans sa « Mandragore », mais il trouva chez Plaute et chez Térence des vivacités, des gaietés, des malices qui lui serviront plus tard quand il avancera dans son « Roland ». Ajoutons que cette adaptation de l'ancien théâtre à la scène italienne a un intérêt historique; en ceci l'Arioste aplanit un chemin qui sera suivi, le chemin qui va de Plaute à Molière. Pour s'en convaincre, il suffit de relire (dans une traduction presque littérale) une scène de la Lena. Le poète de Ferrare y introduit un valet, nommé Corbulon, qui cherche le moyen de venir en aide à Flavio, son jeune maître. Ce fils de famille a vendu son bonnet et son manteau pour se faire de l'argent ; il s'agit de lui trouver un manteau et un bonnet neufs: comment s'y prendre? Corbulon, qui a lu ses auteurs, dit au public :

Il faudrait ici, j'en conviens,

Un de ces esclaves anciens

Qu'on voyait, chez Plaute et Térence,

Reprendre avec tant d'assurance

Dans la sacoche du papa

L'argent qu'au fils on attrapa.

Mais quoi! pour n'être point esclave,

N'avoir pas nom Sosie ou Dave,

N'être pas Gėte ou Syrien,

(1)

Faut-il qu'on ne soit bon à rien?
Et, par quelque ruse opportune,
Ne puis-je tenter la fortune

Qui donne, a dit un vieux Romain,

Aux coups de tête un coup de main ?
Que faire pourtant? Mon vieux homme,
N'est pas si sot que ceux de Rome
Que les Chrémès ou les Simon

De Térence et de Plaute, non !

Mais tant mieux! Plus il est rebelle,
Plus ma victoire sera belle

Si je le prends dans mes filets...

Sus donc, sans tarder, tendons-les!

Je crois entendre mon vieux homme;
C'est comme au théâtre: on le nomme,
Il paraît (1).

Bisogneria d' un servo, quale fingere
Ho veduto talor nelle commedie,
Che questa somma con fraude e fallacia
Sapesse del borsel del vecchio mungere.
Deh, se ben io non son Davo nè Sosia,
Se ben non nacqui fra Geti o in Siria,
Non ho in questa testaccia anch' io malizia?
Non sapró ordire un giunto anch' io ch' a tessere
Abbia fortuna poi la qual propizia
(Come si dice) agli audaci suol essere ?
Ma che faró? che con un vecchio credulo
Non ho a far, qual a suo modo Terenzio
O Plauto suol Cremete o Simon fingere :
Ma quanto egli è più cauto, maggior gloria
Non è la mia, s' io lo piglio alla trappola ?
Jeri ando in nave a Sabbioncella, e aspettasi
Questa mattina : convien ch' io mi prepari
Di quel ch' ho a dir, come lo vegga. Or eccolo
Appunto questo è un tratto di commedia :
Il nominarlo, ed agli in capo giungere
Della contrada, è un un tempo medesimo.

(La Lena, acte III, scène I.)

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