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et sauver la chrétienté. Ah! sans doute on craint quelquefois que cette imagination si riche ne soit pas maîtresse d'elle-même ; mais on a bientôt de quoi se rassurer...

Le poème de l'Arioste est une vaste symphonie exécutée par un orchestre immense. Par moments les violons et les cuivres se taisent, on n'entend plus que le frémissement léger des cordes d'une guitare où se promène une main nonchalante; un flageolet lui répond, et le soupir langoureux d'un hautbois. Mais tout à coup retentit la fanfare des clairons, tout l'orchestre assoupi se réveille et il en sort un tourbillon d'harmonie qui monte jusqu'au ciel... L'Arioste est le plus grand harmoniste de la poésie moderne, l'Arioste est le Mozart de la poésie...

L'Arioste possédait la baguette de Percinet. Il lui suffit de frapper un coup et aussitôt, du nord, du midi, de l'Islande, des Orcades, du Cathay, du cercle même de la lune, qui par mer, qui par terre, qui chevauchant les nuées, tous ils accourent, ces chevaliers vagabonds, pour se ranger sous les drapeaux de leur empereur. Ce grand empereur, Charlemagne, est le centre vivant du poème et il rallie incessamment autour de lui les dispersions infinies de cette romantique épopée.

On pourrait objecter que le protagoniste ne paraît guère dans la pièce et n'y fait pas beaucoup parler de lui. Il n'en est pas moins vrai qu'au rebours de Pulci, et même de Boiardo, l'Arioste donne toujours au vieil empereur une attitude très grave et très noble. N'y eût-il que ce fait pour prouver le sérieux du poème, il mériterait toute l'attention des critiques et des esthéticiens. Arrêtons-nous sur cette considération, et appuyons-la par une citation bien caractéristique (1):

(1)

Charle, attendant les luttes meurtrières,

Avait partout ordonné des prières,

Ed egli tra Baroni e Paladini

Principi ed Oratori, al maggior tempio

Et tout chrétien, comme font les mourants, Communia. Charle donna l'exemple :

Suivi des preux, des sages et des grands,

Il dit, joignant ses deux mains dans le temple : «Si j'ai failli, que mes torts, Dieu puissant, Ne tombent pas sur mon peuple innocent.

« Pour mes erreurs si tu veux qu'il pâtisse,
Diffère au moins l'arrêt de ta justice!
Pour nous punir ne choisis pas, Seigneur,
Nos ennemis, les tiens, les infidèles,
Qui, réjouis de notre déshonneur
Et nous croyant abrités sous tes ailes,
Diront après que le peuple chrétien

Périt, malgré son Dieu qui ne peut rien !

« Pour le péché d'un seul des milliers d'autres Déserteraient la foi de tes apôtres ;

Bientôt Babel et ses temples maudits
Se dresseraient dans ta Rome qui tombe...

Con molta religione alli divini

Atti intervenne, ne dié agli altri esempio.
Con le man giunte, e gli occhi al ciel supini,
Disse Signor, ben ch' io sia iniquo ed empio,

Non voglia tua bontà, per mio fallire,
Che'l tuo popol fedele abbia a patire.

E se gli è tuo voler ch'egli patisca,

E ch'abbia il nostro error degni supplici,
Almen la punizion si differisca,

Si, che per man non sia de' tuoi nemici;
Ché quando lor d' uccider noi sortisca,
Che nome avemo pur d'esser tuo' amici,
I Pagani diran che nulla puoi,
Che perir lasci i partigiani tuoi.

E per un che ti sia fatto ribelle,
Cento ti si faran per tutto il mondo;
Tal che la legge falsa di Babelle
Caccierà la tua fede e porrà al fondo.

Seigneur, défends ton peuple! Il a jadis

Des chiens qui la souillaient purgé ta tombe;
Il a souvent de sa force entouré

Ta sainte Église et son prêtre sacré.

« Je sais que nul ne peut par son mérite
Laver sa faute et le mal qui t'irrite,

Que nul ne peut espérer de pardon,

Tant ici-bas notre âme est pécheresse;

Mais ton amour, mais ta grâce est un don

Qui vient d'en haut, nous sauve et nous redresse,
Et, connaissant ta pitié, notre foi,
Seigneur, ne peut désespérer de toi. »

L'Arioste, comme la plupart des poètes de cour, crut bien faire en attaquant la Réforme ou plutôt l'Hérésie, mais après avoir lu cette prière de Charlemagne, ne croirait-on pas que le poète avait entendu la forte voix de Luther?

Difendi queste genti, che son quelle

Che'l tuo sepulcro hanno purgato e mondo
Da' brutti cani, e la tua Santa Chiesa
Con li Vicari tuoi spesso difesa.

So che i meriti nostri atti non sono
Al satisfare il debito d' un' oncia;
Nè dovemo sperar da te perdono,
Se riguardiamo a nostra vita sconcia :
Ma se vi aggiugni di tua grazia il dono,
Nostra ragion fia ragguagliata e concia;
Nè del tuo ajuto disperar possiamo,
Qualor di tua pietà ci ricordiamo.

CHAPITRE VIII.

LE SIÈCLE DE MICHEL-ANGE.

I. Michel-Ange et Jules II.

II. Michel-Ange et Léon X.

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La cour de Rome : les bouffons et La cour d'Urbin: Castiglione, Bibbiena.

-

Louis Alamanni.

Le

Les poètes latins: Vida, Sannazar, Fracastor. Berni.-L'Arétin. - François Ier et les artistes.

III. Charles-Quint et les lettrés. L'Espagne italienne. - Commencement du drame espagnol : la « Célestine ».

IV. Commencement de la tragédie classique : la «Sophronisbe ». — Les comiques italiens et leurs imitateurs français.

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- La « comédie

La «Mandragore » de Machia

Les veuves poètes. — Machiavel patriote et

VI. Les deux renaissances: Michel-Ange et Raphaël.
Ange et Dante.

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I.

Fut-ce le siècle de Léon X? Fut-ce le siècle de Jules II? La critique, de nos jours, hésite entre ces deux papes : elle les compare, les mesure et les pèse, se demandant lequel a le plus fait pour les arts. Celui qui a le plus fait pour les arts fut Michel-Ange, sculpteur, peintre, architecte, poète, né sous Sixte IV et mort sous Pie IV, il

:

put voir treize papes s'asseoir l'un après l'autre sur le trône pontifical; il survécut à ses aînés et à ses cadets à Bramante, à Léonard, au Giorgion, à Raphaël, à André del Sarte, au Corrège et même à Jules Romain, élève de Raphaël; il remplit de ses chefs-d'œuvre les églises de Florence et de Rome, les glorieuses chapelles du Vatican; il construisit un Panthéon pour couronner la basilique de Saint-Pierre et, sous une inspiration tardive, il écrivit des vers qu'on lit encore avec attendrissement. Sa longue vie dura jusqu'en 1564, l'année où naquit Shakespeare, où l'art émigra dans le nord.

Né en 1475, en même temps que Léon X, un an après l'Arioste, Michel-Ange enfant débuta entre Politien et Pic de la Mirandole, dans les jardins de Laurent de Médicis. Il y copia des antiques et peu après étudia l'anatomie dans un couvent; en même temps, avec plus de passion que Machiavel, il écoutait prêcher Savonarole. En 1499, âgé de vingt-quatre ans, il avait déjà exposé à Rome son groupe douloureux de la Pietà. Deux ans après, à Florence, il attaquait un énorme bloc de marbre dont aucun sculpteur, n'avait su rien tirer, et il en fit ce David géant (il Gigante) qui jusqu'à nos jours s'est tenu debout devant la porte du Palais-Vieux, comme en sentinelle. Quand cette statue « émerveilla la stupeur » (on ne trouvait pas alors cette expression trop bouffie), Michel-Ange n'avait encore que vingt-six ans. Un seul artiste, son aîné d'un quart de siècle, pouvait lui disputer la palme Léonard de Vinci, l'un des hommes les plus merveilleux de ce temps et de tous les temps: peintre, sculpteur, orfèvre, ingénieur, mécanicien, naturaliste, aimant la musique et les chevaux, écrivain à ses heures et donnant en style précis de sages conseils aux peintres enfants, frutti

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