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deur d'Angleterre le fait bâtonner par ses gens : l'Arétin baisse la tête et ne se venge pas, par humilité chrétienne. Enfin il mène une vie crapuleuse et ses sœurs le valent bien un jour qu'on raconte devant lui leurs galanteries, il se renverse sur sa chaise en éclatant de rire, se casse la tête sur le carreau, reçoit l'extrême-onction et meurt en disant « Je suis huilé, préservez-moi des rats (1). » Voilà l'homme. Lui en a-t-on prêté? On ne prête qu'aux riches; si les contemporains ont cru cela de lui, c'est qu'ils le trouvaient croyable : ce fait seul flétrit l'Arétin et son temps.

Eh bien, cet homme-là fut comblé non seulement d'argent, mais d'honneurs; les académies l'attiraient et le cajolaient, les écrivains lui dédiaient leurs livres, l'Arioste l'appelait fléau des princes et poète divin (2); le Titien, même Michel-Ange acceptaient sa protection et ses conseils, on lui décerna des médailles; un pape lui offrit un cadeau de mille couronnes d'or, le titre de chevalier de Saint-Pierre et songea, dit-on, à le faire cardinal. Enfin les deux grands rivaux, Charles-Quint et François Ier, qui se disputèrent l'empire, l'Italie, Érasme, se disputèrent aussi l'Arétin. L'un et l'autre lui avaient donné un collier d'or, Charles-Quint y ajouta une pension de deuxcents écus; François Ier eut alors le dessous et n'obtint plus de louanges; il s'en repentit vite et offrit quatre cents écus de pension, si l'on tenait seulement la balance égale entre lui et l'empereur. L'Arétin demanda que la pension lui fût assignée pour la vie; le brevet n'arriva point et

(1) Guardatemi da' topi or che son unto.

(2)

Ecco il flagello

De' principi, il divin Pietro Aretino.

Charles-Quint resta seul en faveur auprès du grand homme qui avait pourtant envoyé son portrait à François Ier : c'était le courtisan qui faisait le roi!

« Je

Rien de plus instructif que cette rivalité entre les deux princes. Le Habsbourg, qui mijotait sa gloire, câlinait les historiens et les artistes; il répétait à l'un d'eux un mot qui avait déjà servi pour d'autres : « Il y eut bien des empereurs au monde, il n'y a qu'un Titien. » CharlesQuint ne dédaignait pas de raconter à Paul Jove son expédition de Tunis et lui disait familièrement : vais vous tailler de la besogne en Provence. » Il soudoyait libéralement cette plume vénale qui recevait de l'argent de toutes mains; mais il ne put emmener personne avec lui, pas même l'Arétin qui se cacha, dit-on, pour ne pas aller en Allemagne. François Ier, le roi chevalier, fut plus d'une fois battu dans ce tournoi d'argent, mais il sut s'attacher Lascaris, Sadolet, Scaliger et attira chez lui, pour son collège de France, des professeurs italiens; Léonard de Vinci vint mourir près d'Amboise; André del Sarte, le Primatice et beaucoup d'autres ont laissé leur griffe à Fontainebleau. Le roi voulut « étouffer dans l'or » Benvenuto Cellini qu'il retint cinq ans en France (1540-1545) et disait de lui (c'est du moins Benvenuto qui l'affirme) (1): « J'ai dérobé à l'Italie l'homme le plus habile qui fût jamais. » François Ier savait l'Italie et l'italien; sa sœur, la reine de Navarre, nous laissa un Heptameron dont le titre même indiquait un copie du « Décaméron ». Elle disait dans sa préface: « Entre autres, je crois qu'il n'y a nulle de vous qui n'ait lu les « Cent Nouvelles » de

(1) Vita di Benvenuto Cellini, scritta da lui medesimo, un des livres les plus amusants du seizième siècle. Voir, sur le séjour de l'artiste à Fontainebleau, le livre III, chapitres VI-XII.

Jean Boccace nouvellement traduites de l'italien en français (par Antoine Lemaçon, conseiller du roi et très humble serviteur de la reine de Navarre); desquelles le roi très chrétien François Ier de ce nom, monseigneur le Dauphin, madame la Dauphine et madame Marguerite ont fait tant de cas, que si Boccace, du lieu où il étoit, les eût pu ouir, il eût dû ressusciter à la louange de telles personnes. A l'heure j'ouïs les deux dames dessus nommées avec plusieurs autres qui se deliberoient d'en faire autant, sinon en une chose différente de Boccace, c'est de n'écrire nouvelle que ne fût véritablement histoire. » Quant au roi lui-même, il ne s'éleva pas jusqu'à Dante. « Que je n'entende plus parler, dit-il un jour, de ce ridicule auteur; > mais il rima une épitaphe pour le tombeau de Laure; ce huitain si souvent cité prouve qu'il suivait les Italiens jusque dans leurs défauts.

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En petit bien compris, vous pouvez voir
Ce qui comprend beaucoup par renommée :
Plume, labeur, la langue et le devoir
Furent vaincus par l'amant de l'aimée.
O gentille âme étant tant estimée,
Qui te pourra louer qu'en se taisant?
Car la parole est toujours réprimée
Quand le sujet surmonte le disant.

Enfin François Ier eut son poète italien qui, forcé de quitter Florence pour échapper aux Médicis, montra le chemin du refuge à quantité d'autres écrivains persécutés que l'hospitalité française a recueillis jusqu'à nos jours. Luigi Alamanni (1495-1556) fut comblé des faveurs du roi qui lui confia plusieurs embassades. C'était un poète élégant, qui s'essaya dans la tragédie, dans la comédie et dans l'épopée son « Giron le courtois » exhuma les

chevaliers de la Table ronde, et sa Coltivazione, imitée de Virgile et de Columelle, donna un fatal exemple aux descriptifs qui allaient pulluler. Grâce à lui et à Jean Ruccellai, le poète des « Abeilles », le genre didactique devint à la mode: c'est toujours en poésie un signe de fatigue et de refroidissement: l'automne arrive. Il y a pourtant progrès dans la versification: le vers blanc (verso sciolto), encore un peu paresseux, mais moins porté que l'octave au lyrisme, entre dans l'art où il fera son chemin. Avant Ruccellai, le Trissin l'avait introduit au théâtre. C'est là une innovation dont Annibal Caro, Milton, William Cowper, Parini et beaucoup d'autres maîtres, sans compter les tragiques, feront leur profit. Chez Alamanni, le verso sciolto est encore trop régulier, quasi monotone; cet accent qui tombe toujours sur la sixième syllabe finit par fatiguer l'attention. Mais il sera beaucoup pardonné à l'auteur de la Coltivazione, parce qu'il ne fut point ingrat, il aima beaucoup la France :

« Qu'en vous pour bien agir le genre humain, ô glorieux François, cherche un exemple; il verra qu'aucune heure, aucun moment ne passe inoccupé dans vos journées ; que porté soit aux armes, soit aux muses, votre royal esprit est toujours prêt. Tantôt, selon les temps, selon les lieux, vous ramenez au bien les lois tordues, tantôt vous raisonnez des morts illustres et, par des arguments doctes et forts, vous jugez le procès des anciens sages. Ainsi le temps s'en va moins lourdement; ainsi quand vient la mort on reste en vie; ainsi plus cher à Dieu l'on rentre au ciel (1). »

(1)

Prende al suo ben oprar la gente umana,
Glorioso Francesco, in voi l' esempio;

III.

Quant à Charles-Quint, s'il protégea les lettres et les arts, ce fut moins par goût que par gloriole. Politique avant tout, il lisait Machiavel, Guichardin et causait longuement avec ce dernier, mais sa faveur s'adressait plutôt aux Arétin qu'aux Arioste. S'il ramassait le pinceau de Titien en lui disant qu'un artiste pouvait bien être servi par un empereur, c'est qu'il savait à quel point l'empereur était servi par l'artiste. Ses libéralités tombaient plus volontiers sur ceux qu'il croyait utiles à sa célébrité, qui ne l'empêchait pas de crier contre les flatteurs, mais il faudrait nous dire où la flatterie commence; les hommes qu'on loue, surtout quand ils portent le sceptre, n'en ont jamais rien su. En ce temps-là Charles-Quint était le maître; le pape lui-même fut son prisonnier ; l'Italie que entière, politiquement, appartenait à l'Espagne. En revanche, littérairement, l'Espagne était en Italie. L'empereur préférait les écrivains de Toscane à ceux de Castille.

E vedrà come in vano ora o momento
Non lasciate fuggir de' vostri giorni:
Ch' ora all' armi volgete, ora alle Muse
L'intelletto real ch' a tutto è presto;
Ora al santo addrizzar le torte leggi,
Come più si conviene a 'l tempo e 'l loco;
Ora al bel ragionar di quei che furo
Più d' altri in pregio; e terminar le liti,
Con dotto argomentar, de' saggi antichi.
Cosi meno a passar n' aggreva il tempo,
Cosi dopo il morir si resta in vita,
E più caro al Fattor si torna in cielo.

ce

pres

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