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ques de Lavardin, l'offrait aux jeunes gens comme un remède contre l'amour. D'autres, plus sévères, traitèrent assez rudement cette « encyclopédie de libertinage » ; un Espagnol en changea le titre en Scelestina (du latin scelus). L'Église, consultée, ne se prononça définitivement que de nos jours; jusqu'ici la tragi-comédie avait été permise en Italie et défendue en Espagne. Quoi qu'il en soit, moral ou immoral, le drame espagnol était né.

Quelques-uns ont voulu soutenir la priorité du Portugais Gil Vicente dont la première pièce est de 1502, et qui laissa un recueil d'autos (mystères), de comédies, de pantomimes et même de tragi-comédies. On a prétendu qu'Érasme, le grand contempteur des langues modernes, apprit le portugais pour lire Gil Vicente dans l'original. Mais il ne paraît pas que cet auteur fût de force à défier les siècles; il est aujourd'hui assez difficile de se procurer ses écrits, dont la seule édition complète est de 1561-1562 (1).

(1) Compilação de todas las obras de Gil Vicente; o qual se reparte en cinco livros: o primeiro de todas suas cousas de devoção; o segundo as comedias ; o terceiro as tragicomedias; o quarto as farças; o quinto as obras meudas. Buchon (dans la Biographie universelle) vante fort Gil Vicente : « la richesse prodigieuse de son invention, la vivacité et la vérité de son dialogue, la suavité et l'harmonie poétique de son langage, la beauté de ses allégories, la grâce et la délicatesse comique qui brillent partout dans ses drames et surtout dans ses autos et dans ses farces. >> Mais M. Buchon, qui lui adresse tous ces éloges, regrette le désordre de ses plans et la confusion de ses fables où tous les siècles et tous les cultes se mêlaient naïvement. Quant à M. Ferdinand Denis qui nous a initiés le premier à la littérature portugaise, il confesse qu'il n'a pas lu Gil Vicente : c'est donc là un de ces maîtres plus célèbres que connus, qu'il faut admirer de confiance. Ticknor donne l'analyse de son Auto de la sibyla Cassandra et de sa comédie du Viudo (le Veuf) qui ne nous ont pas transporté d'enthousiasme. En revanche y a des couplets lyriques bien joliment tournés, notamment un can

il

La « Célestine >», en revanche, obtint un succès prodigieux : trente éditions connues, trois traductions italiennes et trois traductions françaises dans le courant du seizième siècle; enfin, consécration suprême, une traduction en latin. Jamais encore le castillan n'avait été parlé avec tant d'aisance et de charme. Le drame espagnol était là tout entier, avec sa langue, son allure, son mépris des règles, sa passion, sa férocité, son extravagance et son réalisme; Lope de Vega, qui naquit un demi-siècle après (en 1562), n'eut plus qu'à le resserrer et à le contenir.

tique à la Vierge terminant l'acte où figurent Cassandre, les Sibylles, Abraham et Salomon :

Muy graciosa es la donzella;
¡Como es bella y hermosa!

Digas, tu, el marinero

Que en las naves vivias,

Si la nave ó la vela ó la estrella
Es tan bella.

Digas, tu, el caballero

Que las armas vestias,

Si el caballo, ó las armas ó la guerra

Es tan bella.

Digas, tu, el pastorcico

Que el ganado guardas,

Si el ganado ó las valles ó la sierra

Es tan bella.

(Pleine de grâce est la Vierge qu'elle est belle, qu'elle est belle! Dis-moi, toi le marinier qui vivais sur les navires,

ou la voile, ou l'étoile

qui revêtais une armure,

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si la nef,

Dis-moi, toi le chevalier

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si belle. Dis-moi, toi le pastoureau - qui menais les brebis paître,

si la brebis, la vallée, ou la montagne

est si belle, etc., etc.)

IV.

Contemporainement, ou peu après, naissait en Italie la tragédie régulière. La Sofonisba du Trissin, représentée en 1515, fut un événement littéraire; on a tort aujourd'hui de le contester. Il n'y avait encore (à part l'Orfeo de Politien, belle étude lyrique) d'autres pièces sérieuses, en langue moderne, que des mystères, où intervenaient le Père éternel, Notre-Seigneur, la Madeleine et ses amoureux. On y voyait Satan bâtonné par Lucifer pour avoir manqué la tentation, la fille de la Cananéenne laissant échapper des gravelures, et l'âme de Judas mourant fort embarrassée parce qu'elle ne pouvait sortir du corps par la bouche qui avait baisé Jésus. C'est en face de ces parades religieuses que nous devons placer la « Sophonisbe >> du Trissin, non en face de la Portia shakspearienne, encore moins de la Phèdre française ou de l'Iphigénie allemande. Cette confrontation suffira pour nous montrer le chemin parcouru d'un seul bond par le poète italien. Chez lui, pour la première fois dans les langues vulgaires, nous trouvons une tragédie bien conduite, animée d'un souffle lyrique, offrant des caractères élevés, distincts, des scènes pathétiques, du charme dans la dignité. Assurément tout n'est pas parfait, mais, chose étrange! ce qu'on reproche le plus, même aujourd'hui, au Trissin, ce sont les simplicités et les naïvetés, les fautes de noblesse; on le chicane sur certaines familiarités de style, par exemple celle-ci :

<< Voici un serviteur du maître qui peut à peine exhaler son souffle, et ceci, paraît-il, soit à cause du long chemin, soit pour tout autre dérangement. >>

On sourit du récit du messager qui annonce à Lælius le mariage de Massinissa avec Sophonisbe (1):

«Alors bien des murmures s'élevèrent dans le monde au sujet de ces noces soudaines, et selon l'esprit de chacun, celui-ci les approuvait, celui-là les frappait de blâme. Si bien qu'un sonneur de clairon, avant qu'on fit silence, dut crier trois fois avec un grand effort : « Écoutez, écoutez! >> Mais le peuple s'étant apaisé, un prêtre s'avança qui dit ces paroles: «O suprême Jupiter, et toi reine du ciel, qu'il vous plaise d'accorder votre faveur à ces noces si belles et si honorées, et concédez-leur à tous deux qu'ils puissent être heureux ensemble dans un glorieux état, jusqu'au dernier jour de leur vie, en laissant au monde une descendance généreuse. » Puis, se tournant vers la reine, il dit : « Reine Sophonisbe, est-ce votre plaisir de prendre Massinissa pour époux? >> Et elle, toute rougissante, répondit que c'était son plaisir. Puis le prêtre demanda si Massinissa était content de prendre Sophonisbe pour légitime épouse, et Massinissa, d'un air joyeux, répondit qu'il était content. Et, s'approchant de la dame, il lui passa au doigt un précieux anneau. »

(1)

Allor molti susurri infra le genti
Nacquer di queste ripentine nozze ;
E secondo la mente di ciascuno,
Chi le lodava e chi lor dava biasmo.
Talchè un trombetta poi con gran fatica
Fece silenzio, e gridò ben tre volte :
Udite, udite, pria che si tacesse.
Ma racchetato il vulgo, un sacerdote
Si fece avanti e disse este parole:
O sommo Giove, o tu del ciel regina,
Siate contenti di donar favore

A queste belle ed onorate nozze ;
E concedete ad ambi lor, oh' insieme
Possan godersi in glorioso stato
Fin a l'ultimo di della sua vita,
Lasciando al mondo generosa prole.
Dipoi, rivolto alla regina, disse :
Sofonisba regina, evvi in piacere

On a dit qu'un officier d'état civil n'eût pas raconté la chose autrement; cela est vrai, mais pourrait-on trouver un langage plus élevé, plus soutenu dans une tragédie de la même époque (1)? D'ailleurs, pour bien juger un auteur, il faut l'étudier sur les meilleures parties de son œuvre nous ne mesurons pas Corneille sur l'Agésilas. Voyons une des belles scènes du Trissin, la mort de l'héroïne. Sophonisbe vient de boire le poison que lui avait envoyé Massinissa. Avant de fermer les yeux, elle a voulu saluer son doux pays et la chère lumière du soleil. Sa suivante, Herminie, voudrait mourir avec elle; Sophonisbe lui ordonne de vivre et lui confie son enfant (2) :

SOPH. Maintenant, au lieu de moi, tu seras sa mère.
HERM. Ainsi ferai-je, puisqu'il sera privé de vous.

Di prender Massinissa per marito,
Massinissa, ch'è qui re de' Massuli?
Ed ella, tutta vermiglia in faccia,
Disse con bassa voce esser contenta.
Poi questi dimandò se Massinissa
Era contento prender Sofonisba
Per leggitima sposa. Ed e' rispose
Ch' era contento, con allegra fronte.
E fattosi alla donna più vicino,

Le pose in dito un prezioso anello.

(1) Que l'on compare l'œuvre du Trissin à une autre Sofonisba de Galeotto del Carreto, marquis de Final, dédiée en 1502 à Isabelle, marquise du Mantoue: c'est une pièce écrite en octaves et partagée en quinze ou vingt actes: un tissu d'absurdités. (Voir Signorelli, Storia critica dei Teatri, V, pag. 28.)

(2) SOF. Ora in vece di me gli sarai madre ERM. Così farò, poichè di voi fia privo.

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