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VIII

Ce qui avait au plus haut degré provoqué l'enthousiasme de Rossetti à la vue des primitifs italiens, c'est l'accent de vérité qui se dégage de leurs œuvres. Disciples conscients ou inconscients de saint François d'Assise, ils aimaient la nature et ils la prirent pour modèle. Ainsi feraient les Préraphaélites anglais. Le sous-titre du Germ, « Thoughts towards Nature in Poetry » et le titre modifié de cette publication Art and Poetry: Being thoughts towards Nature conducted principally by Artists ont l'aspect et la valeur d'un programme. « L'objet que nous avions en vue en écrivant sur l'art », dit John Seward, pseudonyme de Frederick George Stephens, « a été de nous efforcer d'encourager, d'obliger l'artiste à faire acte d'adhésion complète à la simplicité de la nature et aussi d'attirer l'attention, comme moyen auxiliaire, sur le nombre relativement faible des œuvres d'art produites dans cet esprit. » Les Préraphaélites anglais se défendront d'être des imitateurs serviles des primitifs, mais ils prendront pour guides les principes mêmes que les vieux peintres italiens ont suivis, dès qu'ils eurent acquis la simple faculté de représenter un objet fidèlement. « Ces principes, nous les faisons revivre, non d'après eux, bien qu'à leur exemple, mais d'après la nature elle-même. » Arrière donc les modèles sans vie propre. Les Italiens avaient pris des contemporains

pour modèles. Botticelli en effet représenta le vieux Cosmo di Medici sous les traits du plus vieux des rois dans l'Adoration des Mages. Filippino Lippi, dans la scène du jeune homme ressuscité, fit le portrait du peintre Granacci, de Tommaso Loderini, le père du dernier Gonfalonier de la république florentine. Conformément au précepte formulé par la Confrérie des Préraphaélites, Rossetti fit poser sa mère et sa sœur Christina pour son tableau The Girlhood of Mary Virgin. Sainte Anne est figurée par la première.

Miss Siddall, jeune modiste d'une grande beauté qui devint sa femme en 1860 et Mrs William Morris furent ses modèles habituels. La Beata Beatrix nous présente les traits de Mrs Rossetti. En même temps, l'artiste s'installe en plein air avec sa palette et ses pinceaux.

Avant tout, Rossetti et les membres de la Confrérie recherchent le trait expressif en dehors de traditions qui, selon eux, reposent sur la conception d'un idéal de pure convention. Les maîtres de la Renaissance avaient créé un type de beauté angélique régulière et uniforme où flottaient des souvenirs de l'antiquité païenne. Plus tard les anges offrirent l'aspect de jolies poupées joufflues sans bras ni corps. Rossetti leur rend la variété du geste en même temps que le naturel dans le maintien; les dépouillant même parfois de leurs ailes, il fait d'eux les frères des créatures terrestres.

La tradition, depuis la Renaissance, voulait que la Vierge fût le plus souvent dans l'attitude de la prière et de l'adoration. Rossetti, dans l'Ecce Ancilla Domini, nous montre Marie sous les traits d'une jeune fille apeurée, consciente de la grandeur du rôle auguste pour lequel elle a été choisie par Dieu entre toutes les femmes. Volontairement ou involontairement, l'artiste s'est rapproché de la représentation de la Vierge dans la fresque de l'Arena de Padoue. On pourrait croire qu'il s'est inspiré de

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ce passage des Méditations du Pseudo-Bonaventure : « Et comme la Vierge humble et timide, le visage tout confus, surprise par l'ange, comprend enfin la vérité du message qui lui est transmis, voici qu'elle plie les genoux et qu'elle joint les mains en disant : « Fiat mihi secundum verbum tuum !» (Meditationes vitæ Christi. Ed. Peltier, vol. XII. C. Iv.) Il serait possible de constater encore quelque analogie entre l'esprit qui anime Dante Gabriel d'une part, et, d'autre part, Lippo Memmi et Simone Martini dans la scène de l'Annonciation. Les Vierges de Rossetti diffèrent les unes des autres. Selon les circonstances, Marie est rêveuse ou craintive ou angoissée, ou recueillie ou sereine. Par là s'affirme le réalisme de Rossetti. Il s'accentue et le parti-pris de l'artiste de rompre avec la tradition qui remonte à la Renaissance se manifeste avec plus de force encore, quand il nous présente la Vierge vaquant à des occupations manuelles : Marie brode en compagnie de sainte Anne. Les Préraphaélites anglais eurent le constant souci d'interpréter les scènes de l'Écriture sainte dans un esprit de simplicité familière plus conforme, selon eux, à la vérité, exprimée avec tant de candeur par les trécentistes et les quattrocentistes, que les créations solennelles des imitateurs de Raphael. Dans le tableau de Millais Christ among his parents, Jésus se blesse avec des tenailles. C'est cette conception artistique qui excita la colère et l'indignation de Charles Dickens. Dickens déclara que rien ne lui paraissait plus révoltant que l'œuvre de Millais. (Household words, 15 juin 1850.) La simplicité s'allie à l'intensité du sentiment religieux dans le tableau devenu populaire de Holman Hunt The Light of the World, commentaire d'un passage de l'Écriture où le Christ, portant une lanterne, frappe à une porte. Rossetti jette même une note enjouée dans une scène biblique. Dans le vitrail de l'église Saint-Martin de Scarborough, Adam in Paradise before the Fall, Adam, à l'ombre d'un arbre, chatouille

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