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VI

(Août-Décembre 1903)

LES DÉBUTS DU PONTIFICAT DE PIE X

Fin du pontificat de Léon XIII. - Election de Pie X. Nouvelles publications de M. Loisy. Décrets de l'Index et de l'Inquisition.

La mort de Léon XIII changea le cours des débats scripturaires.

Le peu de sympathie, qu'étant cardinal, il avait témoigné pour l'entourage et pour certaines idées de Pie IX lui valut la réputation de libéral. Comme dans la langue du siècle cette qualification était flatteuse, il s'en montra très fier et s'efforça de la conserver. En réalité, il resta fidèle aux principes traditionnels de la curie romaine. Seulement l'application qu'il en fit le distingua de son prédécesseur. Tandis que celui-ci les affirma toujours énergiquement en face de la société moderne qui se sécularisait de plus en plus, tandis qu'il en réclama instamment l'application, Léon XIII, sentant qu'elle était impossible, se préoccupa sans cesse d'agir en douceur et de temporiser.

Pressé de se prononcer sur la question biblique, il refusa autant que possible. Son grand sens politique percevait que l'affaire était grave et qu'il serait bon de laisser aux apologistes et aux exégètes une certaine liberté de travailler et même de se tromper quelquefois. Il voulut

ménager les personnes, même quand l'Index condamnait les ouvrages.

Lorsqu'il crut nécessaire d'intervenir, il publia l'encyclique Providentissimus (18 novembre 1893). Comme tous les documents de son pontificat, cet acte est littéraire et oratoire, d'une banalité majestueuse. Il manque d'autant plus de précision qu'à Rome on ne se rendait certainement encore point compte de la situation exégétique. On n'était guère plus renseigné qu'au moment du concile du Vatican (1). La manière dont l'encyclique parle de la haute critique est naïve sous sa solennité. On ne comprend pas très bien ce dont il s'agit, et si l'on n'en condamne pas davantage, c'est qu'on n'en connaît pas plus.

Les exégètes progressistes eurent bientôt tourné l'enseignement pontifical. Quatre ans plus tard, les intransigeants eurent l'idée de leur barrer le chemin en faisant défendre de nier l'authenticité du verset des Trois témoins célestes (2). Au point de vue conservateur, c'était un coup de maître le pape était sorti du terrain des principes pour entrer dans les applications. Malheureusement le fait sur lequel on l'avait forcé de se prononcer est un de ceux qui établissent le plus clairement le conflit biblique de la science et de la théologie. L'inauthenticité du verset est absolument démontrée.

Ce décret constituait une bévue si solennelle que Rome sentit bientôt le besoin de laisser donner des explications.

(1) Voyez Question biblique au XIXe siècle, ch. VI.

(2) Voyez le texte du décret, ibid., 2o éd., p. 237. Cf. Das Kom ma Johanneum, von Dr. Karl Künstle; Freiburg i. B., Herder, 1905.

Des apologistes officieux affirmèrent que le sens de la décision était théologique et non point critique.

Très humilié de cete affaire, Léon XIII se refusa dès lors à régler les points particuliers et à juger des personnalités. Il se contenta d'affirmer vigoureusement les principes dans sa lettre au ministre général des Frères mineurs (25 novembre 1898) et dans l'encyclique au clergé de France (8 septembre 1899). Enfin harcelé par ceux qui demandaient la condamnation de M. Loisy, il établit «< une commission pour le progrès des études de la Sainte Ecriture »> (30 octobre 1902).

Personne, sembla-t-il généralement (1), ne pouvait assez louer une semblable initiative. Jusqu'alors c'étaient des théologiens qui avaient eu à se prononcer sur toutes les questions spéciales évoquées au tribunal du souverain pontife. Leur éducation et leurs occupations habituelles les rendaient incompétents. Aussi avaient-ils condamné l'astronomie dans la personne de Galilée, et la critique textuelle dans l'affaire des Trois témoins célestes. Pour la première fois depuis que l'esprit humain émancipé des

(1) Des catholiques intransigeants se scandalisèrent de la condescendance du pape envers les critiques. L'expression la plus pittoresque de leurs sentiments me paraît avoir été fournie par M. Léon Bloy. A la date du 17 janvier 1902, il écrivait dans son journal (Quatre ans de captivité): « J'apprends avec stupéfaction que Léon XIII vient d'instituer une commission chargée d'étudier la Question de l'inspiration divine dans les Livres Saints. Pourquoi pas la Question de la divinité du Christianisme ? Les trois reniements de Pierre, préalables au chant du Coq, c'est-à-dire à la Rédemption, durent préfigurer les trois reniements de la Papauté, qui sont l'histoire non divulguée de l'Eglise militante jusqu'à l'avènement final de l'Esprit-Saint. Je me suis demandé souvent si nous n'étions pas arrivés au troisième Reniement et si le Coq de France n'allait pas chanter !... »

enseignements traditionnels a fondé les sciences, pour la première fois, des spécialistes étaient appelés à renseigner le Saint-Siège.

Dès que la commission biblique fut instituée, Léon XIII donna l'ordre à plusieurs de ces consulteurs d'étudier l'affaire des Trois témoins célestes. L'auteur du rapport conclut à l'inauthenticité. Le pape jugea que la commission ne pouvait débuter par une capitulation qui mettrait en question deux décisions du concile de Trente sur la valeur de la Vulgate et l'authenticité de toutes ses parties. Les conclusions du rapporteur n'ont pas été publiées.

La question biblique devint une obsession pour Léon XIII. Elle le troubla durant sa dernière maladie. Il en parlait dans son délire comme dans ses moments de lucidité. Un mois avant d'expirer, il refusa de signer un décret de l'Index portant condamnation des Etudes évangéliques de l'abbé Loisy. Il laissait à son successeur le règlement des difficultés.

Rien ne montrait que le cardinal Sarto, élu pape le 4 août 1903, sous le nom de Pix X, fùt particulièrement préparé à la solution d'une question si grave. Quelquesuns de ses actes de patriarche de Venise tendraient même à prouver qu'il ne s'en préoccupait guère. Il avait élaboré pour son séminaire un règlement qui en réduisait presque tout l'enseignement à la théologie dogmatique et morale. Les autres matières, y compris l'Ecriture sainte, étaient réunies dans un seul petit cours, auquel il attribuait deux heures par semaine. Ce règlement, que plusieurs points rendaient impraticable, fut abandonné presque aussitôt après avoir été imposé.

Une lettre pastorale du patriarche montre également qu'il conservait à la Bible non seulement son commentaire traditionnel mais encore tous ses développements légendaires (1).

Dès sa première encyclique, qui publia pour ainsi dire le programme de son pontificat, Pie X tint à déclarer la fermeté de son intervention dans les controverses qui troublent les consciences catholiques :

« Nous veillerons, dit-il, avec le plus grand soin, à ce que les membres du clergé ne se laissent point surprendre aux manœuvres insidieuses d'une certaine science nouvelle qui se pare du masque de la vérité et où l'on ne respire pas le parfum de Jésus-Christ, science menteuse qui, à la faveur d'argumentations fallacieuses et perfides, s'efforce de frayer le chemin aux erreurs du rationalisme ou du semi-rationalisme et contre laquelle l'Apôtre avertissait déjà Timothée de se prémunir lorsqu'il lui écrivait : « Garde le dépôt, évitant les nouveautés profanes dans le langage aussi bien que les objections d'une science fausse dont les partisans, avec toutes leurs promesses, ont défailli dans la foi ». (2)

(1) « Narra il Vangelo, che, essendo nato Gesù in Betlemme di Giuda, TRE Magi, avendo vista la sua stella... » Omaggio a Nostro Signor Gesù Cristo. Lettera dell' Eminentissimo Cardinale Giuseppe Sarto (Venezia, Tipografia Patriarcale ex Cordella, 1899), p. 6.

(2) Encyclique E Supremi apostolatus cathedra, 4 octobre 1903. Naturellement cette déclaration du pape éveilla de nombreux échos dans l'épiscopat et parmi les apologistes orthodoxes. En voici un exemple :

« Comment les prêtres seraient ils capables de maintenir au sein du peuple chrétiea l'intégrité de la foi, si eux-mêmes la laissaient entamer et atténuer par la prétendue science dont les adeptes professent explicitement le goût des méthodes les plus aventureuses; de cette science qui se proclame indépendante et intangible dans le domaine où elle revendique le droit de régner en souveraine et de ne relever que d'elle-même, sans souci ni

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