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en évitant d'y mettre en cause, du moins jusqu'à présent, son infaillibilité.

Déconsidéré du point de vue dogmatique auprès de ses coreligionnaires, sacrifiant lui-même le système apologétique qu'il avait cru pouvoir faire accepter de sa hiérarchie, M. Loisy reste purement et simplement un critique. C'est à tort que des protestants libéraux ont prétendu le reconnaître comme un frère (1). S'il avait esquissé une théologie se rapprochant à beaucoup d'égards de la leur, son système n'était cependant pour lui que provisoire. Il en subordonnait la valeur à l'acceptation de l'Église (2). Du moment qu'il l'abandonne, il cesse d'être théologien et n'est plus qu'un historien, et il faut convenir que, dans la rigueur de sa critique, bien peu d'historiens ont porté de plus rudes coups à la vieille dogmatique, bien peu d'historiens ont défait aussi minutieusement la trame des

(1)« Au fond, la seule raison qui empêche M. Loisy de rompre avec l'Eglise, c'est la peur du subjectivisme et de l'individualisme qui règnent dans le protestantisme libéral et qu'il assimile purement et simplement à l'anarchie.

« Qu'il le veuille ou non, M. Loisy est en réalité un protestant libéral. Il n'a de catholique que le nom. Il fait appel à la raison, à la conscience, à l'autorité spirituelle intérieure. Il aspire à convaincre ses coreligionnaires de la nécessité d'une réforme intérieure de leur Eglise. Il est un réformateur. Ses procédés ne sont pas les nôtres. Elevés dans la liberté protestante, nous comprenons malaisément que l'on puisse, à plusieurs reprises, faire acte de soumission à une autorité spirituelle, puis recommencer le lendemain à enseigner le contraire de ce que cette autorité enseigne. Mais nous sommes persuadé que M. Loisy se croit autorisé par sa conscience à agir de la sorte. Il est de la famille spirituelle des Erasme plutôt que de celle des Luther. » J. Réville, Le Protestant, 31 janvier 1904.

(2) Cette appréciation qui semble contredite par une lettre de M. Loisy (datée du 8 janvier 1904, je la reproduis à l'appendice 2, pièce IV), se fonde sur la ligne de conduite qu'il a tenue depuis sa condamnation.

récits évangéliques. Ses travaux historiques subsistent, tandis que l'insuccès de son apologétique n'est, pour le public, qu'une nouvelle illustration de l'incapacité de plus en plus flagrante qui empêche les théologiens d'élaborer une théorie à la fois orthodoxe et scientifique de la religion.

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A peine M. Loisy était-il condamné par le Saint-Office que, l'abandonnant à son malheureux sort: «<l'apostasie ou le néant »> (1), les théologiens les plus zélés se tournèrent contre les catholiques qui avaient favorisé la critique, à quelque degré que ce fût.

Depuis longtemps déjà on les dénonçait dans les petites revues orthodoxes. Ils protestaient de leur soumission à l'Eglise, de leur fidélité aux directions de Léon XIII et de Pie X, mais leurs déclarations sonnaient faux : ils essayaient manifestement de frayer des chemins nouveaux; ils abandonnaient l'enseignement traditionnel. Les plus avisés d'entre eux blamèrent L'Evangile et l'Eglise dès sa publication, prévoyant qu'il n'échapperait point à une condamnation, et espérant que leurs censures leur donneraient un brevet d'orthodoxie. Ils ne pensaient point qu'après la disparition de M. Loisy, ce serait eux qui recevraient les traits des chasseurs d'hérésie.

(1) Expression de M. Loisy, Vérité française, 6 mars 1904.

Le premier dénoncé fut le P. Lagrange, de l'ordre de Saint Dominique et correspondant de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (1)

Un théologien conservateur, M. l'abbé Dessailly, écrivait (2):

« Désormais, quand on s'occupera d'exégèse, on ne s'occupera plus de M. Loisy : il a prouvé qu'il n'est pas un exégète, mais un théologien ou mieux un écrivain quelconque, prenant prétexte de l'Ecriture pour s'attaquer à la foi catholique. Ce devait

(1) Elu le 18 décembre 1903.

(2) Vérité française, 18 décembre 1903; articles continués les 10, 13, 14, 25 janvier 1904. Sur les antécédents scripturaires de M. Dessailly, voyez Quest. bib. au XIX s,; peut-être suffit-il de rappeler ici qu'avec l'abbé Moigno il a découvert dans la deuxième épître de Pierre : « la théorie moderne qui ramène la composition des corps à l'hydrogène »; il explique << scientifiquement le fait de Jonas priant et vivant dans le sein de la baleine » en comparant sa position « à celle d'un enfant qui vit dans le sein de sa mère » et « à celle des crapauds restés enfouis au sein de pierres très dures et qu'on a vus sortir vivants après des centaines ou des milliers d'années ».

Cette apologétique n'est pas aussi surannée qu'on pourrait croire. Dans son numéro du 1er mars 1906, une des revues les plus en faveur auprès de la hiérarchie catholique et les plus lues par les écclésiastiques, l'Ami du Clergé, donne le renseignement suivant :

« Question. Existe-t-il un ouvrage populaire de réponses aux objections contre l'Ancien Testament, objections dans le genre de celle-ci : « Comment Jonas a-t-il pu rester trois jours dans le ventre d'une baleine ? » et d'autres semblables?

Réponse. Pour réponses populaires, consulter le Résumé complet des Splendeurs de la Foi, de Moigno, 1 vol. in-18, 8 fr., et Les Livres Saints et la Science, leur accord parfait, par Moigno et Dessailly, vol. in-12, 4 fr. 50. Paris, Haton ».

On remarquera qu'il s'agit ici d'apologétique « populaire ». Pour Jonas, comme pour beaucoup d'autres questions, notamment le déluge, il y a un enseignement varié selon les classes (Cf. Quest. bib, au XIX s., ch. XII).

ètre l'aboutissement fatal de sa méthode protestante du libre examen et de la critique indépendante.....

« M. Loisy n'est donc plus le chef en France de la nouvelle école exégétique et il nous semble que sa place va être occupée par le P. Lagrange, dont la situation en exégèse est considérable parce qu'il est le directeur de l'importante Revue biblique. Il est donc indispensable d'étudier l'ouvrage-programme qu'il vient de publier, sous forme de conférences (1).

« Le P. Lagrange ne pratique pas la critique exégétique avec l'indépendance de l'abbé Loisy il s'arrête devant le dogme; mais ce respect très louable pour le dogme lui joue de mauvais tours. Il est obligé de diviser la Genèse en partie légendaire et en partie non légendaire. Elle nous raconte l'histoire de la chute; la chute est un dogme; son récit est donc historique, véridique et fidèle (2). C'est très bien pour un homme chimérique ; c'est très bien pour ménager votre foi; mais la critique, elle, n'y trouve pas son compte, c'est très faux pour elle. La critique examine les faits eux-mêmes, elle les compare entre eux, et tant pis pour le dogme, si ses conclusions ne lui sont pas favo rables.

(1) Le livre intitulé : La méthode historique, surtout à propos de l'Ancien Testament (Paris, Lecoffre, 1903, in-18).

(a) Voici le passage du P. Lagrange :

« Nous n'avons qu'à voir si le péché origine!, qui échappe à une preuve stricte par l'histoire, fait partie ou non de la révélation. Il en fait partie, cela est certain. Il faut donc conclure qu'il a été révélé, et telle est l'importance capitale de ce point et sa connexion nécessaire avec la Rédemption, que cette révélation paraît tout à fait convenable. Si ce dogme lui-même entraîne comme conséquence nécessaire l'unité de l'espèce humaine, il faut raisonner de la même façon. Et vraiment je ne vois pas que nous soyons sur ce point en mauvaise posture. L'histoire est muette, elle ne fait donc pas d'objection. La science naturelle objecte la difference des races. C'était peut-être gênant, c'est encore peut-être gênant pour les tenants des espèces figées. Mais si une évolution modérée tend à prévaloir dans la science, je serais bien étonné qu'elle ne réussît pas à expliquer ce phénomène par ses propres principes. » La Méthode historique, p. 218,

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