espère encore, tandis que l'autre, M. Houtin, n'espère plus ou espère bien peu. Tous les deux sont également loyaux, mais non pas également logiques. En voyant fonctionner le gouvernement doctrinal et disciplinaire de l'Église catholique romaine, tel que nous le montre M. Houtin, non par des déclamations passionnées, mais par le calme et impartial récit des faits, on se demande si c'est là une institution de vérité et de justice que des hommes bien renseignés puissent accepter ou même respecter. On se demande si c'est là, comme on le dit souvent, « une discipline des âmes >> dont on ait le droit de faire remonter la responsabilité jusqu'à Dieu, sans blasphème. Le péché contre le Fils de l'Homme sera pardonné, a dit Jésus lui-même, mais celui qui prêche contre l'Esprit n'a rien à espérer ni en cette vie ni en l'autre. Les conflits qui se préparent au sein de l'Église seront d'une autre nature et d'une autre portée que ceux qui se sont produits dans le passé et qui ont enfanté les hérésies et les schismes. Terribles en eux-mêmes, ils seront, je l'espère, consolants dans leurs résultats. En cherchant à lire dans les lignes plus hardies, mais toujours prudentes, de la Question biblique, j'ai cru deviner quelque chose du travail qui s'opère dans les consciences, dans les consciences des prêtres en particulier, et je me suis souvenu des paroles d'un homme qui ne fut malheureusement pas un croyant, mais qui fut quelquefois un prophète, Ernest Renan : « L'horizon du catholicisme, aujourd'hui si fermé, pourra s'ouvrir et laisser entrevoir des profondeurs inconnues ». Studi religiosi, mai-juin, pages 369-371. Conclusion: Nous avons le devoir d'avertir les lecteurs que le livre de M. Houtin est dangereux, surtout pour les jeunes gens. Malgré ce très grave défaut, il peut cependant être utile pour d'autres personnes. Il y en a d'autres en effet, si fermes dans la foi, que, pour son amour, elles vont jusqu'à méconnaître les droits les plus clairs de la science. Tels, notamment, nos adversaires. Ce ne sont pas seulement ces Pères Fouettards (1) qui font de l'apologétique pour rire, ni ces Hommes Simples (2) qui nous reprochent d'ignorer la scolastique, ce sont aussi beaucoup d'autres gens qui se donnent l'air de profonds érudits et traitent ex professo de critique évangélique. Que ceux qui nous sont opposés parce qu'ils ne nous ont pas compris, que tous ceux qui suivent ceux qui nous condamnent sans nous connaître, lisent le livre de l'abbé Houtin. Qu'ils nous disent sincèrement, à la fin du chapitre XIII, si les plaisanteries, si les syllogismes abstraits, si la vulgaire pseudo-critique peuvent donner une réponse rassurante aux graves difficultés qu'au nom de la critique on oppose aux principes dogmatiques les plus sacrés de la vie chrétienne. A tous ceux qui se renferment dans la vieille forteresse de la scolastique et qui, de là, nous méprisent et cherchent à étouffer notre œuvre, nous opposons cette bombe meutrière qui les réveillera de leur orgueilleux isolement. Pendant que le ver du rationalisme s'avance pour ronger la racine de l'arbre chrétien, mal inspirés sont ceux qui veulent se borner à en arroser les feuilles fanées ou à cueillir le peu de fruits qui y restent. Il faut creuser le sol, aller au mal et l'extirper, si l'on veut que l'arbre vive. (1) Allusion à une publication du P. Guido Gherardi, des Frères mineurs, intitulée Le tentazioni del secolo, di Fra Frustino, Gênes (1906). (2) Allusion à une publication du P. Barbieri, S. J., intitulée Attraverso agli scritti del Padre Giovanni Semeria. Osservationi di un Uomo Semplice, Modène (1906). Univers Israélite, 18 mai, 1" et 15 juin, analyse de l'ouvrage par M. Louis LÉVY. Conclusion: En terminant, j'exprimerai un regret j'aurais voulu que M. Houtin consacrât quelques pages aux critiques que L'Essence du Christianisme, de Harnack, provoqua du côté juif. Des remarques du plus haut intérêt ont été publiées à ce sujet par Léo Baeck, Félix Perles, Joseph Eschelbacher, en Allemagne, par A. Wolf en Angleterre, par Mayer Lambert en France (voir Univers israélite, août-décembre 1902). M. Houtin trouvera sur ce point d'utiles renseignements dans la Revue des Études juives |