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de Newman ou de forcer l'interprétation de certains textes particulièrement raides ou gênants.

«Si le Christ avait rédigé lui-même un exposé de sa doctrine et un résumé de sa prédication, un traité méthodique de son œuvre, de son rôle, de ses espérances, l'histoire soumettrait cet écrit à l'examen le plus attentif et déterminerait, d'après un témoignage indiscutable, l'essence de l'Evangile. Mais jamais un tel écrit n'a existé, et rien ne peut suppléer à son absence... On ne connaît le Christ que par la tradition, à travers la tradition (1). »

C'est donc celte tradition et ses documents plus ou moins légendaires que les critiques et les théologiens doivent examiner pour connaître exactement l'enseignement du Christ.

Nombre de théologiens entendent par son expression « le royaume de Dieu » un état intérieur et moral. « Le règne de Dieu est au dedans de vous. » « Mon royaume n'est pas de ce monde. » << Le royaume de Dieu est vraiment la domination de Dieu, c'est la domination du Dieu saint dans le cœur des individus, c'est Dieu lui-même avec sa force (2). lls entendent le Notre Père comme une révélation de la paternité de Dieu, alors que cette paternité était la conception générale sémitique (3). Ils veulent interpréter comme une déclaration de la valeur infinie de

(1) Loisy, L'Evangile et L'Eglise, p, XX-XXI.

(2) Harnack, L'Essence, p. 62.

(3) Lagrange, El. sur les relig. sém., 1re édit., p. 109-118, mémoire qu'il faut compléter par celui de Charles, The Testaments of the Twelve Patriarchs.

chaque âme humaine (1) les textes où le Christ persuade aux siens de ne pas le renier et où il leur expose la théorie de la Providence : « Que sert à l'homme de gagner le monde s'il perd son âme!» Ne vend-on pas deux passereaux pour un denier? Et pourtant pas un d'eux ne tombe sur la terre sans la volonté de notre Père; pour vous, les cheveux même de votre tête sont comptés. »

De cette manière, l'essence de l'évangile est un enseignement qui nous est encore et qui sera toujours acceptable. Quant aux éléments de la prédication du Christ qui ne peuvent plus être admis de nos jours, ils n'étaient que secondaires, temporaires, de valeur relative.

De plus, même quand les théologiens qui raisonnent ainsi poussent leur libéralisme jusqu'à nier la divinité de Jésus, ils prétendent, sans doute pour conserver le nom de chrétiens, que son enseignement nous est parfaitement connu, que nous avons toute son histoire, et qu'il a été indubitablement le plus grand de tous les moralistes.

Pour M. Loisy, prendre une telle position, c'est fausser l'histoire, sacrifier à des partis pris confessionnels :

« Si l'on veut déterminer historiquement l'essence de l'Evangile, les règles d'une saine critique ne permettent pas qu'on soit résolu d'avance à considérer comme essentiel ce que l'on est porté maintenant à juger incertain ou inacceptable. Ce qui a été essentiel à l'évangile de Jésus est ce qui tient la première place, et la plus considérable, dans son enseignement authentique, les idées pour lesquelles il a lutté et pour lesquelles il est mort, non celle-là seulement que l'on croit encore vivante aujourd'hui.

(1) L'Essence, p. 70.

De même, si l'on veut définir l'essence du christianisme primitif, on devra chercher quelle était la préoccupation dominante des premiers chrétiens, et ce dont vivait leur religion. En appliquant le même procédé d'analyse à toutes les époques, et en comparant les résultats, on pourra vérifier si le christianisme est resté fidèle à la loi de son origine, si ce qui fait aujourd'hui la base du catholicisme est ce qui soutenait l'Église du moyen âge, celle des premiers siècles, et si cette base est substantiellement identique à l'Évangile de Jésus, ou bien si la clarté de l'Évangile s'est bientôt obscurcie, pour n'être dégagée de ses ténèbres qu'au xvr siècle ou même de nos jours. Si des traits communs se sont conservés et développés depuis l'origine jusqu'à notre temps dans l'Église, ce sont ces traits qui constituent l'essence du christianisme. Du moins l'historien n'en peut pas connaitre d'autres; il n'a pas le droit d'employer une autre méthode que celle qu'il appliquerait à une religion quelconque. Pour fixer l'essence de l'islamisme on ne prendra pas, dans l'enseignement du prophète et dans la tradition musulmane, ce que l'on peut juger vrai et fécond, mais ce qui, pour Mahomet et ses sectateurs, importe le plus en fait de croyance, de morale et de culte. Autrement, avec un peu de bonne volonté, l'on découvrirait que l'essence du Coran est la même que celle de l'Évangile, la foi au Dieu clément et miséricordieux. » (1)

Or le résultat de cet examen, conduit impartialement, scientifiquement, c'est que le Christ s'est donné comme le messager et l'agent du royaume messianique qui devait se réaliser sur terre, et qu'avaient annoncé les prophètes (2). Il n'a rien révélé ; il a déclaré qu'il était venu

(1) L'Ev. et l'Eg., XIV-XVI.

(2) L'Evangile et l'Eglise, 3o édit., p. 47. Sur les principes fondamentaux de l'enseignement de Jésus on lira avec profit le mémoire de

pour accomplir la Loi, non pour la changer. Sa vie ne nous est connue que par une tradition légendaire (1). Autant que nous pouvons le savoir, il a été « beaucoup moins le représentant d'une doctrine que l'initiateur d'un mouvement religieux » (2). « Il ne reste dans les évangiles qu'un écho, nécessairement affaibli et un peu mêlé de sa parole » (3).

Ses premiers disciples attendaient incessamment la venue du royaume. Ils convertirent des Juifs, ils convertirent des païens. La société chrétienne vécut, s'adaptant à tous les milieux dans lesquels elle passa: c'est l'Église. Elle a changé les formules de ses espérances et de ses traditions dans le cours des temps selon les différentes civilisations qu'elle a traversées.

Le terme juif de Messie qui ne disait rien aux Grecs, l'Église le traduisit pour eux et le fondit dans leur conception du Logos. Il y a eu sans cesse évolution et interprétation de l'enseignement de Jésus et des apôtres. Et si, maintenant, il existe une crise religieuse, c'est que l'Église dans les derniers siècles est restée en retard dans l'adaptation de sa doctrine au progrès des sciences modernes.

M. C. Piepenbring dans les Actes du 1er congrès international d'Histoire des Religions (Paris 1900). Ce travail, antérieur à ceux de M. Loisy, a le mérite d'exposer la question plus clairement.

(1) Les divergences des synoptiques entre eux, celle de Jean à l'égard des synoptiques, ont été soigneusement relevées, et l'on a ainsi fixé à l'autorité historique des textes une limite que les croyants ne peuvent s'empêcher de trouver effroyablement étroite ». L'Ev. et l'Eg., p. 14-15. Cf. Autour, p. 87.

(2) Etudes évangéliques, p. XIII.

(3) L'Evangile et l'Eglise, p. XXI.

« Une meilleure et tout autre connaissance de l'univers et du globe terrestre, de l'histoire humaine, de l'homme lui-même, a changé la face de la science, en sorte que l'on peut dire, sans exagération, que le croyant en possession du dogme traditionnel, se trouve à l'égard du monde contemporain, dans la même situation que les premiers apôtres lorsqu'ils apportaient la foi du Messie au monde gréco-romain (1) ».

L'évolution se fera parce qu'elle est nécessaire, et le catholicisme ne cessera de recevoir comme émanant d'une autorité divinement établie l'interprétation que l'Eglise donnera de l'évangile conformément aux besoins nouveaux... (2)

L'apologiste qui a esquissé ce système d'histoire est-il resté dans les lignes de la pensée de Newman, qu'il revendique comme son maître ? Il est difficile d'en décider. Newman était fort subtil et ceux-là même qui se vantent de le comprendre ne peuvent pas prouver qu'il ait appliqué logiquement les principes qu'il a posés. En tous cas, M. Loisy semble l'avoir beaucoup dépassé. Tandis que, par exemple, le maître anglais croyait, en partant de données théologiques, que les développements subis par le dogme avaient été prévus par son auteur, le Christ, le disciple français ne lui reconnaît, d'après les documents

(1) Autour, p. 129.

(2) Cf. Autour, p. 205-206.

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