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Comme s'il eût craint pour la foi les conséquences de cette revendication d'un examen libre et total, M. l'abbé Loisy a tenté d'en détourner la raison en la convainquant de l'impuissance de ses recherches sur ces points. « Avant tout examen de récits, dit-il, il est permis de penser que des impressions sensibles ne sont pas le témoignage adéquat d'une réalité purement surnaturelle (1). «N'est-il pas inévitable que toute preuve naturelle d'un fait surnaturel soit incomplète et défaillante (2)?» « Le cas donné (la résurrection de Jésus) ne comporte pas de preuve complète (3) ». « L'entrée d'un mort dans la vie immortelle se dérobe à l'observation (4) ». « L'histoire ne saisit que des phénomènes, avec leur succession et leur enchaînement; elle perçoit la manifestation des idées et leur évolution, elle n'atteint pas le fond des choses (5) ».

La défaillance d'une preuve d'un fait prétendu surnaturel ne peut porter que sur son caractère surnaturel; mais, si fait il y a eu, il peut en subsister une preuve complète. Quand les documents sont suffisants, l'historien peut et doit conclure sur « le fond des choses ». Les témoignages de la naissance virginale ou de la résurrection sont-ils vraiment historiques, il faut accepter ces faits; si ces témoignages sont légendaires, on doit les écarter. S'ils permettent de reconstituer tant bien que mal les étapes

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de l'élaboration d'une fausse croyance, on doit essayer de les mettre en œuvre. On atteint alors ce qui, dans le cas donné, est pour nous le « fond des choses » (1), c'est-à-dire la matérialité des faits que l'on peut vérifier et sur lesquels on conclut sûrement à la négation. L'historien ne peut suspendre son jugement que faute de preuves; mais que peut-on lui demander d'admettre, quand on ne lui en présente point?

Il est donc inutile d'entrer dans la discussion métaphysique de la possibilité de prouver un fait surnaturel par des preuves naturelles. Les seules questions qu'on ait à trancher sont d'ordre positif : A-t-on vu le Christ ressuscitant? L'a-t-on vu ressuscité ? Le récit d'après lequel il a mangé avec ses apôtres et que Thomas a palpé ses blessures est-il recevable? Si ce n'est qu'un conte légendaire, pouvons-nous nous donner la satisfaction de saisir le procédé de son élaboration? (2)

(1) Peut-être, dans la phrase citée, M. Loisy entend-il par cette expression la substance de l'être, la substance de l'histoire dont on ne voit que les modalités extérieures. En tout cas, quand bien même tel serait le sens de cette cinquième citation, les quatre précédentes semblent justifier mon observation.

(2) Je parle ici selon la vieille et commune manière d'entendre la controverse religieuse. Il existe maintenant une école apologétique qui envisage les choses différemment. L'un de ses partisans répondait ainsi à quelqu'un qui défendait la réalité de la résurrection par les récits rapportés dans les évangiles : « Il semble dire que si nous n'étions pas sûrs que Jésus, après sa mort, a mangé et bu en présence de ses disciples, nous n'aurions pas de sûre preuve de sa résurrection. Peut-il y avoir quelque chose de moins satisfaisant que ce raisonnement? Est-ce que les choses physiques qui sont discernées physiquement sont plus réelles que les choses spirituelles qui sont discernées spirituellement ? La vérité spirituelle n'est-elle pas objective pour la vision spirituelle ? La facilité avec laquelle on s'illusionne sur les faits est proverbiale. La réalité objective du spirituel est sûre et digne de

Comment un historien si pénétrant, un psychologue si profond a-t-il pu établir une apologétique sujette à tant d'objections? C'est que, prêtre, il n'a pas vu d'autre moyen de mettre un terme au conflit de la science et de la théologie que de distinguer complètement leur domaine.

<< Dans M. Harnack, remarque un critique, il y a deux hommes : Le savant qui dans son laboratoire applique avec une admirable << maestria » la méthode historique, et le théologien qui, dès qu'il veut formuler les conclusions de ses expériences, se sent gêné et inconsciemment dominé par sa foi personnelle. Chez M. Loisy aussi il y a deux hommes, l'historien et le catholique, mais il constate cette dualité et ne cherche pas à la nier. Comme catholique, il affirme des faits que ses recherches historiques seules ne pourraient pas lui fournir, mais alors il les affirme comme catholique, et se garde bien de les proclamer au nom de la science historique... Il me semble bien qu'il vaudrait mieux ne rien affirmer comme croyant qu'on ne puisse affirmer comme savant ; mais l'essentiel est pourtant de distinguer les deux ordres d'affirmations (1) ».

Les théologiens intransigeants reprochent amèrement son attitude à M. Loisy. Pourtant, quelle est la position la

foi pour ceux dont les facultés spirituelles sont développées... Les vraies preuves historiques de la résurrection sont les vies de ceux qui s'identifient avec son pouvoir, sachant que le Christ vit en eux. La vérité porte sa propre évidence. La croyance n'est pas un résultat, mais une reconnaissance de ce qui est éternellement. Partout où est la Vérité, il y a aussi les signes de sa présence ».

Le Rév. C. R. Shaw-Stewart, Hibb Journal, juill. 1905, p 817.— Il me semble inutile d'insister, ici, sur une argumentation qui rentre dans l'histoire de l'apologétique

(1) Paul Sabatier. Les derniers ouvrages de l'abbé Loisy, p. 10. (Extrait de la Revue chrétienne, janvier 1904).

plus fausse de celui qui prétend que le chrétien doit accepter la croyance à la résurrection bien qu'on ne puisse la démontrer, ou de ceux qui s'obstinent à la prouver avec des légendes suffisantes, peut-être, au moyen-âge, mais inacceptables à l'esprit moderne, qui les accuse d'erreurs et de contradictions?

Après avoir ainsi distingué l'objet de la science de l'objet de la foi qui est la divinité de Jésus-Christ et l'autorité de l'Eglise, pour mettre plus en sûreté ces croyances, M. Loisy les a liées à l'existence de Dieu. Par cette tactique il est rentré pour ainsi dire dans un des grands procédés de l'apologétique moderne.

Lamennais aussi avait dénigré autant que possible la raison pour la forcer d'abdiquer complètement entre les mains de la papauté. Plus érudit et plus subtil, Newman s'est efforcé de montrer, par une série de probabilités, que l'homme trouve le repos et la certitude dans la doctrine romaine ou qu'il doit fatalement tomber dans l'athéisme (1). Un autre apologiste contemporain très vanté pour son orthodoxie, Mgr Turinaz, lie également l'enseigne

(1) Voyez surtout le texte de l'Apologia (p. 200) : « Je dis que j'ai cru en Dieu sur un fondement de probabilité; que j'ai cru au christianisme sur une probabilité; que j'ai cru au catholicisme sur une probabilité; et que ces trois fondements de probabilité distincts l'un de l'autre par leur objet sont néamoins un seul et même (fondement) par la nature de la preuve, étant des probabilités; probabilités d'une espèce particulière ; une probabilité cumulative et transcendante, mais toujours une probabilité: attendu que celui qui nous a faits a ainsi voulu que nous arrivions à la certitude en mathématiques par une démonstration rigoureuse, mais que dans la recherche de la religion nous arrivions à la certitude par des probabilités accumulées. » M. Loisy rappelle ce texte exposant son propre système dans son article, signé Firmin, Les preuves et l'économie de la révélation, Revue du clergé français, 15 mars 1900.

ment du clergé « à l'autorité divine de l'Église, à la divinité de Jésus-Christ, à l'incrédulité absolue, à l'athéisme ». « Si l'Église s'est trompée, dit-il, Jésus-Christ n'est pas Dieu; si Jésus-Christ n'est pas Dieu, il n'y a pas de religion vraie et je pourrais ajouter Dieu n'existe pas» (1).

Terrible argumentation à laquelle seuls peuvent recourir des théologiens inquiets de l'avenir de l'Église. Ils solidarisent la divinité du Christ avec l'existence de Dieu, pensant que la critique n'osera pas insister davantage... Ils transportent leur croyance secondaire dans le temple de la divinité, comme dans un asile suprême et inviolable, en ne s'apercevant même pas que l'Église elle-même condamne cette tactique (2) et que l'audace de la pensée moderne la rend inutile.

(1) Les périls de la foi, p. 25-26.

(2) D'après les propositions que Rome fit souscrire à Bantain et à Bonnetty, et d'après les déclarations du concile du Vatican : « le raisonnement peut prouver avec certitude l'existence de Dieu ».

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