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La carte fut appréciée de bonne heure à sa vɛleur vraie. Cassini lui-même, dans la relation de son Voyage en Allemagne, publiée en 1775, ayant vu l'année précédente l'entreprise, alors en pleine activité, du général Ferraris, ne ménage point « son admiration » et déclare que « ces cartes des Pays-Bas, par l'exactitude et la représentation du pays, surpassent tout ce qui a paru » en ce genre »> (1). Les officiers français de cette époque parlent de même et trouvent l'œuvre belge supérieure à la Carte de France, par la beauté de l'exécution. L'œuvre constituait donc véritablement l'un des plus beaux monuments de la science et de l'art belges, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, et, il faut le dire, de l'influence scientifique et artistique française en nos régions pendant cette période.

A l'heure présente, si l'atlas de Ferraris, devenu par malheur une rareté bibliographique, du moins en son édition originale, a perdu sa première valeur militaire, il conserve une inestimable valeur historique et, au surplus, une très haute valeur topographique. Il reste un inappréciable outil de travail pour celui qui se livre à l'étude de quelque événement du XVIIe siècle, ou mème d'un siècle plus éloigné l'atlas ne manque guère de lui apporter une aide en son labeur et des lumières en ses problèmes. Que de fois il a permis, à ceux que passionnent les recherches historiques, de retrouver, par exemple, les traces des anciennes limites de nos vieux « pays », ces dérivés des antiques pagi, qui étaient (comme s'exprime un de ces chercheurs) si vivants et si prospères, avant que les Ducs de Bourgogne, puis la Révolution, puis le régime napoléonien eussent tout centralisé, tout égalisé, tout transformé en nos Provinces Belgiques. Nous

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(1) La page entière de Cassini mériterait d'être reproduite ; Nerenburger l'a donnée dans les BULL. DE L'ACAD. ROY., 1856, t. I, pp. 438-439 : elle est tirée du Discours préliminaire du Voyage en Allemagne.

renvoyons volontiers à la magistrale Étude précitée du général Hennequin, le lecteur désireux d'une analyse scientifique des mérites de l'œuvre de Ferraris. Il y verra la place exacte de cette œuvre dans l'évolution de la cartographie belge. Il aimera, de plus, d'y voir rappeler que les travaux de l'infatigable cartographe belge Ph. Van der Maelen (1795-1869), aujourd'hui trop oubliés des uns, trop peu estimés des autres, furent le trait d'union entre la cartographie du xvIe siècle, personnifiée en Ferraris, et la cartographic officielle, digne de toute admiration, des officiers de l'armée belge.

Marie-Thérèse dut être satisfaite de la façon dont le général Ferraris et ses élèves de l'École de Mathématiques avaient réalisé son désir. Du reste, les Belges avaient le droit d'être exigeants et, si l'officier de Marie-Thérèse voulait doter leurs provinces d'une carte chorographique, ils pouvaient la demander presque parfaite. Nos PaysBas n'étaient-ils pas, en effet, la terre classique, j'allais dire la patrie, de la cartographie et de la géographie scientifiques, basées sur des principes rationnels et mathématiques et sur des faits positifs, résurrections de deux sciences chères aux Grecs de l'antiquité, mais trop oubliées ? Le plus illustre devancier de Ferraris fut notre compatriote Mercator (Gérard De Cremer, né à Rupelmonde, 1512-1594), « père de la géographie moderne », au témoignage de Maltebrun, et auteur de la plus ancienne des cartes topographiques, c'est-à-dire à grande échelle, de notre pays la merveilleuse Exactissima Flandriae descriptio. Savant et habile disciple du professeur de cosmographie de l'Université de Louvain, Gemma Frisius, dont il utilisa, pour certains levers partiels, les méthodes de triangulation, Mercator dressa et dessina en trois ans à peine, à la sollicitation des marchands flamands, cette carte monumentale de la Flandre, telle que l'avait délimitée la paix de Cambrai de la mer du Nord à la Scarpe et de Calais à Anvers. Dédiée à

l'empereur Charles-Quint, elle parut simultanément à Anvers, à Gand et à Louvain, en 1540. On la croyait perdue, mais un heureux exemplaire fut retrouvé fortuitement à Malines en 1876 et acquis par la ville d'Anvers, qui le déposa religieusement au Musée Plantin-Moretus : il est composé de quatre feuilles et mesure 1m,10 sur Om,81 dans l'intérieur du cadre; la ville d'Anvers en fit exécuter en 1882 des copies phototypiques. Elle est à fort peu près à l'échelle du 166 000me, échelle bien voisine de celle de la carte de Belgique de l'Institut cartographique militaire gravée en 1859 au 160 000me et si souvent rééditée depuis lors.

Les origines et les progrès de la cartographie beige constituent un intéressant et glorieux chapitre de l'histoire scientifique de notre pays. Ce chapitre a été écrit, il y a vingt-cinq ans, en ce qui concerne le siècle de Mercator, par le général Wauwermans c'est le beau livre intitulé Histoire de l'École cartographique belge et anversoise du XVIe siècle (1). Sous les yeux du lecteur se succèdent nous ne citons que des noms qui dominent tous les autres Gemma Frisius, le savant professeur de notre Université, « grand médecin et plus >> excellent mathématicien », comme s'exprime de Guicciardin (2); Jacques de Deventer, qui se fixa à Malines

(1) Bruxelles, 1895, deux volumes in-4o.

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(2) Éclipsé par son incomparable élève Gérard Mercator, Gemma Frisius (1508-1555) présente cependant à l'admiration de la postérité deux titres incontestables, << deux traits de génie qui font » époque », écrivait naguère ici-même le P. H. Bosmans. L'un est la solution du problème de la détermination des longitudes en mer, problème qui tourmentait tous les navigateurs : sa méthode publiée en 1530 et qui a définitivement prévalu, consiste dans l'emploi des montres portatives, qui conservent sur le vaisseau l'heure du port d'embarquement. Le second est le procédé, qu'il indiqua en 1533, pour lever la carte d'un pays on couvre le pays d'un réseau de vastes triangles, ayant pour sommets les flèches de hautes églises ou des sommités très en vue; Snellius, en son Eratosthènes Batavus (Leyde, 1617), perfectionnera le procédé en y ajoutant la mesure directe d'une base, mais « l'idée-mère de toutes les trianIVe SÉRIE. T. I. 9

et mourut en 1575, en achevant de publier, en trois volumes, sa collection de 250 plans de villes des PaysBas; le grand Mercator, qui débuta à Louvain en y ouvrant une officine de géographie: les élèves de l'Université admirèrent son habileté manuelle dans le double métier de fabricant d'instruments de Mathématiques et de graveur de cartes ; Abraham Ortelius, dont le Theatrum orbis terrarum, dédié à Philippe II, parut en 1570 et eut dès le vivant de l'auteur vingt-cinq éditions malgré son coût élevé ; - Gérard de Jode (Gerardus de Iudaeis), que nous trouvons inscrit en 1547 à la gilde de Saint-Luc, à Anver, en qualité de « graveur et mar» chand d'estampes », en la même année où Ortelius y était irscrit comme « enlumineur de cartes », et qui forma en son fils aîné, Corneille de Jode, un graveur de cartes et de mappemondes inoublié au xvre siècle, les géographes et cartographes belges étaient souvent aussi renommés dans l'art de la gravure que dans la science; enfin Simon Stevin (1548-1635), la gloire scientifique de la ville de Bruges, illustre par sa science si personnelle à la fois et si érudite, si vaste et souvent si profonde : de nombreux passages de sa Cosmographie en six livres intéressent vivement l'histoire de la géographie.

>> gulations modernes » est bien de Gemma. Le professeur Ferd. van Ortroy a réussi à dresser la Bio-Bibliographie de Gemma Frisius (MÉM. DE L'ACAD. ROY. DE BELGIQUE, in-8o, 1920, 418 pp.), analysée dans la présente Revue, en avril 1921, par le P. H. Bosmans. Ami d'André Vésale, Gemma professait la médecine à l'Université de Louvain et contribua à y réorganiser cet enseignement; une lettre de Gemma (à Ditiscus, 1541), publiée par F. van Ortroy, le montre soucieux de prodiguer aux pauvres et aux humbles une science et une habileté hautement estimées des riches et des grands. Mathématicien, il ouvrit en 1543 un cours de Géométrie et d'Astronomie, cours privé, donné sans doute en sa maison; en 1563, les États de Brabant fondèrent à l'Université de Louvain, illustrée par ces leçons privées, une chaire publique de Mathématiques, où Stadius, Adrien Romain et Sturmius apportèrent l'éclat de leur enseignement.

Mais il est temps de revenir à Ferraris et à sa carte des Pays-Bas autrichiens. Nous dirons donc que la carte de Flandre de Merc tor, en 1540, et la carte chorographique de Ferraris, en 1777, constituent les deux plus remarquables précurseurs des splendides et très exɛ cte cartes officielles, toujours plus parfaites, que le Dépôt de la Guerr, créé à Bruxelles dès 1831, et l'Institut cartographique militaire, créé en 1878 pour continuer ce labeur (1), ne cessent de nous fournir.

Reprenons, pour l'achever, l'histoire de l'œuvre de Ferraris.

Une pièce de nos Archives générales du Royaume (2), signée par le « Comte Ferraris, Lieutenant-Général », à lɛ date du 17 août 1780, nous offre cet État des cartes et documents remis par lui au Gouvernement général à Bruxelles : « 275 feuilles de Cabinet, formant la carte topographique complète des Pays-Bas Autrichiens, y compris les principautés de Liége et de Stavelot; plus » quinze petits Tableaux servans à former l'arrangement >> de ces 275 feuilles; plus douze Mémoires [manuscrits] » relatifs aux dites feuilles; plus sept Tableaux historiques >> et chronologiques des camps, batailles, sièges et autres >> faits militaires qui ont eu lieu sur le terrein représenté » par les mêmes 275 feuilles. » Le comte de Nény fit déposer ces objets en 1783 dans un des locaux de la Jointe des terres contestées, après avoir fait confectionner des caisses où les cartes et documents furent placés dans l'ordre indiqué par Ferraris. Il y eut sept caisses, en bois de chêne, avec serrures et munies de manottes de fer en vue des cas de transport; chacune portait, en grands caractères à l'encre de Chine, l'indication des cartes ou documents qu'elle contenait. Une huitième caisse reçut les

(1) Le Dépôt de la guerre a été créé à Bruxelles par arrêté du Gouvernement provisoire du 26 janvier 1831; l'Institut cartographique militaire a été créé par décret du 30 juillet 1878. (2) Secrétairerie d'État et de Guerre, no 2273.

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