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tion de la théorie des vibrations de l'éther en optique a conduit à la considération des longueurs d'onde, et des fréquences de vibration de la lumière. C'est ainsi qu'on dit que les longueurs d'onde de la lumière visible sont toutes comprises entre 0,75 micron pour le rouge extrême et 0,4 micron pour le violet, ce qui correspond à 400 et 750 trillions de vibrations par seconde respectivement. Or, bien des personnes se figurent volontiers que ces nombres fantastiques sont de purs jeux d'esprit, dérivant logiquement sans doute de l'hypothèse des vibrations, mais sans lien aucun avec la réalité, si bien que la chute de l'hypothèse les entraînerait avec elle dans le néant. C'est une très grosse erreur. Ces nombres, au contraire, répondent à une propriété bien réelle, si réelle qu'ils résultent de mesures extrêmement nombreuses et précises, dont ils sont déduits par des calculs où l'hypothèse ne joue d'autre rôle que d'en avoir suggéré la forme. En d'autres termes, dans la lumière rouge, il y a bien réellement quelque chose qui varie 400 trillions de fois par seconde, et dans la lumière violette ce même quelque chose subit 700 trillions de variations dans le même temps.

L'hypothèse donne une indication sur la nature de ce quelque chose; mais, cette nature fût-elle tout autre, la forme de la loi de variation n'en serait nullement affectée. Ainsi, dans la théorie de Fresnel, c'est l'éther qui vibre de manière à exécuter 400 trillions de mouvements dans un sens en une seconde et 400 trillions dans le sens opposé. Dans la théorie moderne, dite électromagnétique, c'est le sens d'une tension électromagnétique et d'une tension électrostatique, qui se renverse régulièrement avec la même fréquence. Il y a plus: la théorie de l'émission de Newton, pas plus que les théories ondulatoires, n'échappait à la nécessité d'invoquer une alternance de propriétés de période identique, pour rendre compte des phénomènes d'interférence. Elle y arrivait

au moyen de ce qu'on appelle la théorie des accès : les particules projetées dans son rayon lumineux avaient chacune deux bouts, deux pôles doués de propriétés opposées (l'un ayant un accès facile au miroir, l'autre un accès difficile), et s'avançaient en tourbillonnant sur ellesmêmes. Deux rayons voisins, tels qu'un rayon direct et son rayon réfléchi, interféraient quand leurs particules se croisaient en se présentant leurs pôles de propriétés opposées.

Dans tous les cas, nous avons donc affaire à une alternance périodique de propriétés dans l'espace et dans le temps. Elle peut se représenter par une sinusoïde. Si on se contente de cette loi générale, on obtient une théorie de la lumière indépendante de toute hypothèse. Il conviendrait de lui réserver le nom de théorie ondulatoire. Sans doute, si on veut en faire sortir en même temps les lois des ondes électriques, telles que celles qu'utilise la télégraphie sans fil, il faut donner aux équations une forme plus générale ; mais les nouveaux termes qui s'introduisent ainsi s'annulent sensiblement quand on se limite au cas de la lumière proprement dite.

Concernant la nature de cette propriété dont les variations se représentent par une sinusoïde, les diverses théories ont chacune leur conception particulière, et c'est ainsi que nous nous trouvons en présence d'une théorie de l'émission, d'une théorie des vibrations de l'éther, d'une théorie électromagnétique, etc. Mais cette échappée sur la nature intime du phénomène n'a guère d'influence sur la déduction des lois. C'est pour cela qu'aux yeux de Duhem, elle n'a pas de raison d'être. Au point de vue strictement logique, il a raison, incontestablement. Mais il s'agit d'autre chose pour le moment nous nous demandons si, oui ou non, les hypothèses aident à trouver des vérités nouvelles. Et alors il est incontestable aussi, historiquement parlant, qu'elles ont inspiré, en effet, les recherches qui ont abouti à la découverte d'une

foule de lois, et que, sans elles, les théories eussent été vraisemblablement bien plus lentes à se constituer. Fresnel a donné un ensemble admirable de lois qui sont exactes dans toute théorie ondulatoire, au sens le plus général du mot; mais il n'en reste pas moins vrai que, pour les trouver, il pensait en vibrations de l'éther. Nous avons exposé plus haut comment l'hypothèse de l'attraction unvierselle a été l'amorce de toute une série de découvertes importantes. On pourrait multiplier les exemples indéfiniment. L'utilité serait mince, vu qu'on est assez généralement d'accord sur ce point.

Mais nous en examinerons encore un qui donne, pensons-nous, la clef de l'intransigeance de Duhem. C'est celui de la théorie mécanique de la chaleur, hypothèse qu'il avait tout particulièrement en aversion. On ne peut se défendre de l'impression qu'il se laissait entraîner inconsciemment trop loin par une rivalité de doctrine. L'Énergétique, dont il s'était constitué le champion, coordonne et aurait pu faire prévoir, parmi bien d'autres lois, un bon nombre de celles que suggère aussi la théorie mécanique. Mais, en fait, elle a été plus d'une fois devancée par cette dernière. Sans doute, on peut soutenir qu'elle eût été capable d'en faire autant ou mieux peut-être, mais cela ne saurait prévaloir contre le fait historique que, sur plus d'un point, le progrès a été dû à sa rivale. Duhem le reconnaît, en somme, mais d'assez mauvaise grâce. Ajoutons que les hypothèses mécanistes ont beaucoup contribué, notamment dans les travaux de Joule et de Clausius, à l'avènement de la Thermodynamique, et, par suite, de l'Énergétique ellemême. Les temps sont-ils si lointains où Thermodynamique et Théorie mécanique de la chaleur étaient synonymes ?

L'Énergétique, d'autre part, est une science extrêmement abstraite et il ne faut pas oublier que les Mémoires de W. Gibbs, un de ses principaux fondateurs, sont res

tés enfouis pendant vingt-cinq ans dans les procès-verbaux de l'Académie du Connecticut, avant d'attirer l'attention du monde savant. En somme, il est difficile de ne pas concéder que cette forme particulière de la théorie physique, parfaite au point de vue de la présentation des vérités acquises, est un médiocre outil de découverte; car c'est un fait d'expérience psychologique que l'imagination créatrice s'appuie toujours de préférence, quoi qu'on en dise, sur des données concrètes. Seuls, des génies exceptionnellement doués se jouent dans l'abstrait avec une vue assez perçante pour y découvrir des avenues insoupçonnées. Il serait «< peu économique de réserver le travail d'avancement de la science aux seuls génies exceptionnels.

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Une nouvelle question se pose maintenant. Jusqu'où peut nous mener la méthode de découverte que nous possédons dans la théorie physique ? Est-il possible d'avancer indéfiniment dans l'acquisition de vérités nouvelles? Peut-on espérer, en particulier, pousser jusqu'à la vérification des hypothèses fondamentales elles-mêmes, de manière à conduire les théories jusqu'à la forme achevée que seule, pour le moment, possède l'acoustique ?

Une telle attitude mentale se justifierait aisément, semble-t-il. Il est entendu que la théorie n'est qu'une image de la réalité, mais une image qui se perfectionne sans cesse en accumulant inlassablement de nouveaux éléments de ressemblance avec le prototype. Pourquoi cette conformité sans cesse croissante n'irait-elle pas finalement jusqu'à n'être plus discernable de l'identité ? Pourquoi une solution toujours de plus en plus approchée n'aurait-elle pas la solution vraie pour limite ? L'acoustique a été une théorie hypothétique dans l'esprit des premiers physiciens qui recoururent aux vibrations

pour en débrouiller les lois; elle devint une théorie certaine et objectivement vraie du jour où l'existence des vibrations sonores fut constatée expérimentalement par Galilée, Mersenne et Newton. Qui peut dire si d'autres hypothèses ne deviendront pas quelque jour susceptibles de vérifications inespérées ? Millikan n'a-t-il pas déjà exécuté des mesures à loisir sur un électron isolé ? L'étude du mouvement brownien par Perrin n'a-t-elle pas donné lieu aux plus remarquables confirmations numériques de la théorie atomique et de la théorie mécanique de la chaleur, au point que H. Poincaré et Ostwald n'ont pas craint d'avouer qu'ils étaient fort ébranlés dans leur scepticisme? Il n'est au pouvoir de per-` sonne de dire où s'arrêtera le progrès des techniques expérimentales, et rien ne nous oblige à désespérer de jamais rencontrer un cas où la précision des connaissances acquises nous permettra d'énumérer toutes les hypothèses possibles et de les rejeter toutes, sauf une.

Mais Duhem n'en veut pas entendre parler. Pour lui, la vérité scientifique est une asymptote vers laquelle nos efforts tendent indéfiniment sans l'atteindre jamais. « Nous admettons, dit-il, dans la Notice de 1913 citée plus haut, que la théorie physique peut atteindre une certaine connaissance de la nature des choses; mais cette connaissance purement analogique nous apparaî comme le terme du progrès de la théorie, comme la limite dont elle s'approche sans cesse sans l'atteindre jamais. » Et la raison, c'est que les hypothèses demeureront éternellement invérifiables. Et pas seulement les hypothèses fondamentales, celles qui portent sur les derniers éléments de la matière, mais toutes les hypcthèses, parce qu'il n'est pas possible d'en isoler une pour l'examiner à fond, et qu'en réalité on a toujours affaire à un complexe d'hypothèses. Il ne faut recevoir aucune hypothèse sans la vérifier, dit Poincaré.

Pardon, répond Duhem; chaque hypothèse doit être

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