celte époque, tout empreintes d'une rudesse farouche, ou d'une frivolité licencieuse, ne laissaient point de place, dans ce contraste, aux émotions de la pitié. La punition d'un hérétique satisfaisait les convictions des uns, et n'effleurait pas même l'insensibilité des autres : les droits de l'humanité et de la pensée étaient comme étouffés entre l'indifférence et l'austérité.

Le temps a fait son œuvre, et la répression des croyances religieuses, qui n'eût peut-être pas frappé l'intelligence, en restant dans les limites d'une pénalité modérée, a révolté la conscience et le cœur en allant, même dans une Eglise fille de l'indépendance et de la libre foi, jusqu'à dresser des échafauds. On a reculé devant cet excès de l'erreur, et peu à peu on a reculé devant l'erreur elle-même : ce n'est plus seulement l'impunité des manifestations de la pensée qui nous est garantie, c'est le libre essor des convictions qui a pris place au rang de nos inaliénables priviléges. il faut dire, de nos devoirs les plus sacrés. Pourquoi l'homme est-il ainsi fait, qu'on doive répéter, en voyant à quel prix s'inaugure le règne de la vérité sociale, ce que se disait Auguste pour l'affermissement du sien :

Mais quoi! toujours du sang, et toujours des supplices?

Nous oublions que notre rôle de narrateur aurait dû se terminer avec la vie de Servet. Si nous l'avons outre passé, c'est qu'il fallait bien indiquer à quelle pensée se rattachait pour nous le récit de son procès, et montrer que l'intérêt qui s'associe à sa mémoire peut avoir une autre source que l'inimitié contre la Réforme, ou la haine contre Calvin.

A. RILLIET-DE CANDOLLE.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

I. Extraits des registres du Petit-Conseil de Genève, relatifs à l'affaire de Michel Servet.

Du lundi 14 août 1553.

Nyc. de la fontaine contre
Michiel Servet prisonnier.

Sus la supplication de Nycolas de la fontainne contre ledict Servet, détenu, contenant il soit semmateur de grandes hérésies, jà pour icelles détenus et fuytyfz, et pourtant avoir faict partie contre luy, a supplié iustice. - Arresté quil donnent par escript au seigneur lieutenant les erreurs et passaiges quil prétendt prouver contre luy, affin il en responde pour en après suyvre.

Du mardi 15 août 1553.

Le seigneur lieutenant a présenté les responses de ung nomé Mechiel Servet, chargé de faulse doctrine, dict que il y a plusieurs interrogats contre luy lesqueulx partie instante prétendt prouver par des livres, par lesquels il prétendent que lon le poura trouver criminel: pour cela requiert. Arresté que après (dîner on ira l'interroger).

[Et plus loin]

Icy lon a aoyt le. Grasset, serviteur en levesché sus ce

quil reffusa hier bailler largent du prisonnier Servet és mains du seigneur lieutenant, et aussi sus ce quil sest caiché quand lon la demandé céans. Lequel a dict quil se caichoit pour ce quil navoit peult bailler ledict argent au seigneur lieutenant, daultant que son maistre avoit la clefz à Coursinge. Arresté quil soyt mis céans en ung croton, et quil rende ès mains du thésorier contes tant de cela que daultres choses jà par luy faictes.

M. Calvin contre

Michiel Servet.

Du jeudi 17 août 1553.

Icy est esté aoys Mons. Calvin sus laffaire de Michiel Servet, et a proposé plusieurs faulses erreurs escriptes par ledict Servet, comment ses livres monstrent, et davaintaige a proposé de Philibert Bertellier que il a entendu par le process que il se mesle de parler en excuse et couverte de ceulx que ledict Servet a volu nommer consties de son livre. Item et a proposé quil ne se veult pas excuser dhavoir loé à son serviteur Nycolas de faire partie contre ledict Servet, et de voloir suyvre comment celluy quil veult bien estre contre luy partie.

Sus quoy est déclaré que lon suyve ledict prisonnier, ei affin que myeulx luy puyssent estre remonstrées ses erreurs, Mons. Calvin, et quel il vouldra avecques luy, puyssent assister avecque ledict Nycolas à ses responses, et remonstrer les erreurs et les passaiges pour prouver.

Du lundi 21 août 1553.

Icy est esté parlé de Michiel Servet, détenus pour cas dhérésie: daultant que le cas emporte beaucoup au faict de de la cristienté, arresté que lon suyve à faire son process.

Et cependant que lon escripve à Vienne de scavoir pourquoy il est esté détenu et comment il est sorty, et dempuys, les choses assemblées, que lon en escripve aux seigneurs de Berne, de Basle, de Zurich, de Chaufusce et aultres esglises des Suysses pour les en advertir à plain.

Icy mesme est veue une lettre de Arnollet qui touche que Guill. Guyrod a corrigé le dernier livre dudict Michiel, et puys parlé sus luy. -Et est arresté que l'on répétisse ledict Servet, et luy fault monstrer ladicte lettre si la recognoit, et linterroger sus icelle. Et si lon trouve que Guyrod soit saichant dudict livre, il soit prys et detenu quil en responde.

Michiel Servet.

Du jeudi 24 août 1553.

Est esté vehue sa supplication,. et sus icelle est arresté quil contenue à ses responses et faire son proces, et y soit sadicte supplication insérée.

Du jeudi 31 août 1553.

Le Viguyer ou carcerier

de la ville de Vienne.

Sus ce qui a apporté des lettres du Conseilz et parlement de Vienne, par lesquelles il prie restituer Maistre Michel Servet dict Villeneufve, médicin, lequel est exchappé de leurs prisons, et lequel avoit esté condampné à estre bruslé et ses livres, pour avoir semer faulce doctrine, au contenuz des lettres et sentences qui hont envoyé la copie : lequel st maintenant prisonnier icy pour semblable cas. Et estouyr ledict Viguyer et capitaine, leu et entendu lesdictes lettres et sentences: a esté sus ce ordonné et arresté que

après digné lon alle faire respondre et scavoir sus cella que ledict viguyer a proposé, et que puisse parler à luy; aussi que soit escript une lettres gracieuse comme nous ne le pouvons rendre, mès que en sera faicte bonne justice.

Ledict Viguyer.

Lequel a requis aussi qui plaise à Messieurs de luy faire tant de bien de enquérir avec ledict détenuz pour scavoir si est exchappé par son congé ou aultrement, et de cella donné attestations en forme comme apartient. - Arresté que sa requeste luy soit oultroyée.

Du mardi 5 septembre 1553.

Procexs de Michiel Servetus, detenuz.

Icy a esté mis en avant que le seigneur ministre Calvin a baillié des articles en lattin prins des principalles sentences du livre dudict Servetus, sus lesquelles ledict Servetus a respondu aussi en lattin, et aussi que ledict seigneur Calvin a replicqué dessus, et pour en faire une fin, qui seroit bon de donné charge au seigneur trésorier général de pourter laffaire aux ecclises, pour avoir conseils sus cella. Arresté lon voye le procexs séant dedans, et lesdicts articles et responses, et que M. le trésorier attende ung peult.

que

M. Servetus.

Du vendredi 15 septembre 1553.

Sus la supplication de Michiel Servet se plennant des prisons et des poulz et de luy permettre de advocat: - Est esté arresté que lon luy face faire des chauses et vestimans TOM. III. PART. I.

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