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de la substance de Dieu, et que toutes choses sont pleines de dieux infinis. - «< « Moy,» poursuit Calvin, «< estant fasché d'une absurdité si lourde, repliquay à l'encontre : Comment? poure homme, si quelqu'un frappoit ce pavé ici avec le pied, et qu'il dist qu'il foulle ton Dieu, n'aurois-tu point horreur d'avoir assubjetti la maiesté de Dieu à tel opprobre?-Alors il dit, le ne fay nulle doute que ce banc et ce buffet, et tout ce qu'on pourra monstrer ne soit la substance de Dieu.-Derechef, quand il luy fut obiecté que donques à son compte le diable seroit substantiellement Dieu. En se riant il respondit bien hardiment: En doutez-vous? Quant à moy ie tien ceci pour une maxime générale, que toutes choses sont une partie et portion de Dieu, et que toute nature est son Esprit substantiel (1). >>

Enfin, quant aux griefs personnels, les accusateurs produisirent pour preuve, outre les épîtres adressées à Calvin et contenues dans la Christianismi restitutio, un exemplaire de l'Institution chrétienne de Calvin, aux marges duquel Servet avait écrit des notes blessantes pour le réformateur. Ils déposèrent également une lettre latine, envoyée par lui à Abel Popin, ministre de l'Eglise de Genève, et dans laquelle les plus vives attaques étaient dirigées contre les doctrines du clergé de cette ville. Servet reconnut les notes et la lettre : celle-ci demeura annexée aux pièces du procès.

On a vu plus haut que de la Fontaine, dans sa requête du 15 août, avait demandé à être mis hors de cause, comme ayant suffisamment prouvé la justice de sa poursuite contre Servet. Colladon réitéra cette demande, en requérant « estre deschargé et libéré de ladstrainte ont (où) le dict Nycolas, ensemble sa fiance, sont, avec condemnation ès despens et interetz en la prison suportez. » Sur quoi le tribunal, faisant droit à sa requête, et trouvant « par les provez et pro

(1) Déclaration, p. 1353.

duictes faictes de la part de partie instante, que assez appert icelluy (Servet) estre criminel, » arrêta de libérer immédiatement de la Fontaine et Antoine Calvin sa caution. Quant aux dommages et intérêts réclamés par le plaignant, ils furent << laissez en fin de cause. »

Avant de lever l'audience, on adressa encore à Servet de nouvelles questions ayant trait à sa fuite des prisons de Vienne, et à son livre. Il expliqua sur le premier point, qu'il s'était échappé en escaladant une muraille, qu'il avait ensuite cherché à gagner l'Espagne, puis était revenu en arrière, crainte des gendarmes. Quant à son livre, il déclara qu'on en avait tiré mille exemplaires, dont l'imprimeur avait envoyé un certain nombre à Francfort. Calvin n'oublia pas ce dernier renseignement, qui fut corroboré par une lettre de l'imprimeur lui-même, et peu de jours après (le 27 août), il écrivit à l'Eglise de Francfort, pour lui en donner avis, et pour solliciter le séquestre et la destruction de cet envoi. Ce fut, à ce qu'il paraît, un commis de Robert Estienne qui reçut le soin de transmettre la demande de Calvin et de veiller à son exécution (1). Mais il est probable que les devants avaient été pris par le fondé de pouvoirs que l'imprimeur de Vienne avait déjà chargé un mois auparavant de se rendre à Francfort pour « faire perdre secrettement les livres, et quil ne s'en treuve iamais fueillet ny demy (2). » Quoi qu'il en soit, presque totale disparition de la Christianismi restitutio prouve que les exemplaires arrivés à Francfort n'avaient pas encore été exposés en vente, et qu'ils furent tous détruits. L'audience se termina par la mise en liberté de Nicolas de la Fontaine et de « sa fiance. >>

la

Le premier acte du procès était fini.

(1) Historia de morte Serveti, dans Mosheim, p. 449.

(2) Lettre de B. Arnoullet, imprimeur, à P. Bertet, libraire, du 14 juillet 1553, en extrait dans les Pièces justificatives.

Le résultat n'en était pas favorable à Servet; l'intervention de Berthelier lui avait été plutôt nuisible, en faisant descendre Calvin dans l'arène, et en le rendant d'autant plus ardent à poursuivre la lutte, qu'elle était ainsi devenue pour lui doublement importante. Cette vive opposition du réformateur enleva momentanément à Servet des auxiliaires qui ne voulaient pas entreprendre contre Calvin une joûte douteuse. Abandonné à ses seules ressources, en face d'un adversaire puissant, le prisonnier comprit qu'il devait changer son système de défense, et quitter la position d'agresseur. Son rôle n'est plus de tenir tête à Calvin, mais avant tout de protéger sa vie. A la violence succède la modération; la finesse remplace l'arrogance, et Servet va mettre tout son esprit à se montrer inoffensif.

§ 3. Le Conseil évoque à lui l'affaire de Servet.

Pendant les derniers jours de la semaine, au début de laquelle Servet avait été incarcéré, le procès demeura suspendu, et il ne fut repris que le lundi 21 août. Il est probable que dans cet intervalle Calvin n'avait pas cessé d'insister avec force auprès des juges, pour les affermir dans le dessein de constater la culpabilité de Servet ; et il avait dépeint celui-ci moins comme son adversaire théologique que comme un ennemi de la foi chrétienne, déjà mis en cause, pour ce seul motif, par les catholiques eux-mêmes. Fallait-il se montrer plus indifférent que ces derniers à défendre l'honneur de Dieu ? La Seigneurie prit donc le 21 août, en Conseil, la résolution suivante: « Daultant que le cas dhérésie de Michiel Servet emporte beaucoup au faict de la Crestienté, arresté que lon suyve à faire son procès. Et cependant que lon escripve à Vienne de sçavoir pourquoy il est esté détenu et comment iT

est sorty, et dempuys, les choses assemblées, que lon en escripve aux Sgn's de Berne, de Basle, de Zurich, de Chaufusce et aultres Esglises des Suysses pour les en advertir à plain.

Le Conseil voulait, on le voit, tout en suivant les instigations de Calvin, ne pas s'en rapporter seulement à son dire, et ne prendre une décision finale que lorsqu'il pourrait l'asseoir sur l'opinion des Eglises étrangères, dont l'autorité résultait de leur position impartiale dans le débat. Le Conseil se rappelait que lors de la discussion avec Bolsec (1551), sur la culpabilité duquel Calvin insistait fortement, les Eglises de Suisse consultées avaient émis des avis de modération et de prudence qui n'avaient pas satisfait le réformateur, et que le Petit-Conseil de Berne s'était fortement exprimé contre l'emploi de toute punition corporelle. On comprend dès lors que la confiance de la Seigneurie pour Calvin ne pouvait plus être implicite, indépendamment des motifs d'opposition qui les séparaient. Mais avant de recourir aux experts étrangers, le Conseil désira pousser plus avant l'instruction du procès de Servet, et celle-ci fut reprise le même jour dans l'après-midi.

Le procureur-général, Claude Rigot, auquel par suite de la mise hors de cause de la partie instante, et en vertu des édits criminels (1), était dévolu le droit de poursuivre, n'étant pas encore, à ce qu'il paraît, prêt à présenter le nouvel acte d'accusation, la première partie de l'audience fut consacrée à interroger Servet au sujet d'une lettre, qui avait été lue le matin en Conseil, et dont nous avons déjà parlé. Elle était adressée par Balth. Arnoullet, imprimeur de la Christianismi restitutio, à un de ses amis, nommé Bertet, habitant Chastillon. Dans cette lettre (2), datée du 14 juillet,

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(1) Ordonn. de 1543. Que en toutes causes qui apartiendront au bien et profit de la ville, le procureur général soit instant, même aux causes criminelles qui en dépendent quil soit adjoinct au lieutenant. » (2) Le texte avec des éclaircissements aux Pièces justificatives.

Arnoullet donnait divers détails sur les rapports qui avaient existé entre Servet et le prote Guéroult, desquels il résultait que celui-ci seul avait été en relation avec l'auteur, et avait eu pleine connaissance du contenu de son ouvrage. Cette lettre, montrée à Servet, il répondit qu'il ne la pouvait reconnaître comme étant d'Arnoullet, vu que son écriture lui était inconnue; mais il convint que cet imprimeur était en effet celui de son livre, et qu'il avait été emprisonné à Vienne en même temps que lui.

Après cet interrogatoire spécial, la seconde partie de l'audience fut occupée par un débat entre l'accusé et Calvin, qui avait été introduit avec les ministres ses collègues « pour maintenir, dit le procès-verbal, le contraire de ce quil (Servet) avoit allégué les autheurs.» En effet, Calvin interpréta les passages des Pères cités par Servet à l'appui de sa thèse, d'une manière toute différente du sens que celui-ci leur donnait; et il mentionna entre autres Justin Martyr, afin d'établir, en réfutation de Servet, que le mot de Trinité avait été employé dans l'Eglise, antérieurement au concile de Nicée. A ce sujet, Calvin rapporte un trait qui ne se trouve pas contenu au procès-verbal, et qu'il n'a cependant pas pu gratuitement prêter à Servet, puisque tous les assistants (et Berthelier en était) l'auraient facilement démenti. Il raconte donc qu'ayant fait apporter le texte de Justin, il montra à Servet les passages où cet auteur soutient, à l'endroit de la Trinité, la doctrine orthodoxe.

«Or, ajoute Calvin, cest habile homme de Servet qui se glorifioit partout d'avoir le don des langues, seut presque aussi bien lire en grec, qu'un enfant qui seroit à l'a, b, c. Se voyant prins au trebuschet avec grande confusion demanda en colère la translation latine. Ie respondi qu'il n'en y avoit point, et que iamais homme n'en avoit imprimé. Sur quoy ie prins occasion de luy reprocher son impudence. Que veut dire cecy? Le livre n'a point esté translaté en latin, TOM. III, PART. I.

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