Sayfadaki görseller
PDF
ePub

état, chaque individu est souverain et infaillible. Seulement, il n'y a plus de souveraineté ni de so

ciété en cet état.

Quel spectacle de la raison humaine à la raison chrétienne! quelle tragique bouffonnerie! Infai!libilité de M. Gratry, infaillibilité de M. Gambetta, infaillibilité de M. Ollivier, infaillibilité de l'Empereur, infaillibilité du peuple, où se trouvent comprises l'infaillibilité de M. de Rochefort et mon infaillibilité à moi, qui souhaite en vain de n'être pas infaillible! Je demande que le Pape soit infaillible, je le demande en vertu de mon droit de citoyen et de ma foi de chrétien : pas du tout! Moi, je suis infaillible, mais le Pape ne peut pas l'être. Et ce sont les successeurs des ministres de Louis XIV, les théologiens successeurs de Bossuet qui me disent cela, aujourd'hui que Louis XIV et Bossuet voudraient mourir pour racheter leur erreur! Des théologiens libéraux me contestent même le droit de solliciter la proclamation de l'infaillibilité du Pape; des politiques encore plus libéraux me signifient que, si l'infaillibilité du Concile vient à décréter l'infaillibilité du Pape, et que si mon infaillibilité personnelle et constitutionnelle adhère à ce décret, alors on devra prendre « des mesures » afin que je n'aille pas blesser l'infaillible constitution de mon pays!

Mais ce n'est pas encore le triomphe de la déraison. Cette Constitution infaillible et sacrée de mon pays,

que l'on protégera contre mon obéissance religieuse, également infaillible et sacrée, j'ai néanmoins tout droit sur elle par mon infaillibilité politique pareillement infaillible et sacrée. Je peux la décapiter, la dépecer, l'anéantir. Bien plus, je suis invité à le faire. J'y suis invité par mon Empereur infaillible, approuvé du Concile infaillible de mes représentants que je n'ai point nommés pour cela, que même je n'ai point nommés du tout, et qui, la plupart, se sentent beaucoup moins infaillibles que contraints. Tout à l'heure, ces infaillibles discordants vont réunir toutes leurs infaillibilités pour les soumettre à la mienne, non moins discordante. Ils me mettront en main un chiffon imprimé (car je suis en même temps sacré infaillible, et supposé ne savoir point écrire), un journal infaillible guidera ma main, ma main déposera ce chiffon dans une boîte et j'aurai dit Oui ou Non, infailliblement !

Oui ou non infailliblement, sur le présent, sur l'avenir, sur la politique, sur la législation, sur la famille, sur la propriété, sur la religion, sur les destinées de la France et du monde!

Mais je ne peux pas ne peux pas dire que le Pape est infaillible, et le Concile ne peut pas le dire. Si je le dis, le docteur *** me condamne en Sorbonne et le docteur Loyson m'extermine en Concorde. Si le Concile le dit et si je le crois, alors la Constitution est lésée, et M. Daru ou quelque autre monsieur qui sera

ministre prendra « des mesures » pour réprimer ma parole séditieuse, aux applaudissements du docteur *** et du docteur Loyson!

Ma foi! M. Loyson aura beau battre des ailes, et M. *** aura beau pousser ses cuic-cuic étranglés de colère (1); ils pourront bien me faire expulser de l'infaillibilité et de la société, je les défie de me contraindre à admirer ce gâchis incomparable. J'aime mieux me tenir à l'infaillibilité ultramontaine. J'aime mieux sortir de la société politique et rester dans l'Église. L'Église ne me dit pas que je suis infaillible, mais elle respecte ma raison et mon âme; elle ne joue pas aux dés ma destinée en cette vie et en

l'autre.

L'humanité a présentement sous les yeux les deux cités, les deux sagesses, les deux forces de ce monde, agissant chacune à sa manière. De part et d'autre, le genre humain peut voir comment on le considère, comment on prépare ici et là les lois entre lesquelles il devra choisir. Il connaît de part et d'autre, l'esprit, les moyens, le but. D'un côté, la révélation divine, l'Église et le Pape dans leur unanimité légèrement agitée à la surface, mais certaine et invincible; de l'autre, la cohue des prétendues révélations particu

(1) Récemment M. Méric m'a écrit qu'il est obéissant à l'Église. Je n'en ai jamais douté. Il nie son discours en Sorbonne à mon endroit, attesté cependant par un journal non contredit et que dès lors je devais croire. Je le prie d'agréer toutes les réparations qu'il peut estimer que je lui dois.

lières dans leur fondamentale et perpétuelle contradiction. D'un côté, l'étude pieuse de la tradition, l'amour scrupuleux de la loi et de la règle, l'horreur de toute nouveauté, de toute violence et de tout hasard, le respect de tout droit, le zèle de tout bien; de l'autre, l'audace lâche ou impie de toute aventure, la lassitude de tout devoir, le mépris de toute certitude, les convoitises débridées de l'orgueil et des sens. Enfin, d'un côté la prière qui implore une manifestation de l'esprit de Dieu pour établir l'avenir dans la paix de la règle et de la lumière; de l'autre, les empressements de la ruse, les arrogances de la force, le dédain de tout le reste.

Oh! que je me sens, pour mon compte, fixé à jamais! Oh! que ma raison est fière de s'incliner devant l'infaillibilité qui lui sera imposée à Rome, et de se révolter contre l'infaillibilité dont on prétend l'investir à Paris! Combien je me promets d'obéir inébranlablement à l'une, et de lui soumettre inébranlablement l'autre, quelque maître et docteur que cette autre me prétende donner!

Et j'espère qu'ainsi fera prochainement le peuple entier du Christ, saturé des longues injures qu'on lui fait subir. J'espère qu'il reportera au Christ et au vicaire du Christ toute sa mâle obéissance, depuis trop longtemps polluée par de stupides et injurieuses dominations. Domination de doctrines, de politiques et de coutumes corrompues; domination qu'il faut

secouer et abolir, au moins pour notre part, quoi qu'il en puisse coùter! J'espère que ce sera là le prompt résultat du Concile dans le monde entier, il hatera cette Pàque, ce jour du Seigneur où enfin la conscience catholique, abreuvée de trahisons et de hontes, refusera d'en porter davantage. Alors, obéissant à Moïse, nous sortirons. Nous commencerons de tracer le chemin royal par où la croix et la liberté et la raison, ensemble bannies, ensemble rentreront dans le monde. Nous retrouverons notre honneur, cet honneur du baptême et de la foi qui fit ici des miracles encore subsistants. D'ici furent enfin chassés l'infaillible Brutus et l'infaillible César. Ici, le Vicaire du Christ vint à leur place, et tirant l'àme humaine de l'abjection où l'avait jetée le pouvoir de l'homme, il la mit sur un trône dans la lumière de Dieu. Nous sommes retombés à César et à Brutus, qui se disputent cette proie avilie. Il faut que Pierre recommence son travail, nous délivre encore une fois.

PASCE AGNOS! Elève ton sceptre, pasteur du monde, et qu'on le voie de loin! C'est le moment de rassembler le troupeau pour un exode immense. Nous connaitrons ta main, nous connaîtrons tȧ voix, et celui qui ne sera pas avec toi, nous ne le connaitrons plus !

« ÖncekiDevam »