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être le lit, il n'y restera point, ce n'est pas encore la

mer.

LXXXVII

26 avril.

Tandis que vous vous préparez au périlleux divertissement « plébiscitaire, » lequel, d'ici, me semble difficilement devoir être grave, devoir être clair et devoir être divertissant, je continue de suivre le cours des fêtes catholiques et romaines, pleines partout de lumière, de sécurité et de joie.

Je vous ai parlé de la bénédiction, de la coupole enflammée, du feu d'artifice représentant la Jérusalem céleste, de l'illumination prodigieuse allumée par tout le peuple avec le concours de tous les arts en l'honneur du souverain. J'ai sauté par-dessus d'autres fêtes, par exemple les grandes courses à l'instar de la civilisation moderne. Ces courses trèsapplaudies et très-populaires, et qui changent la physionomie de Rome, d'où elles enlèvent toutes les voitures, se font aux environs du tombeau de Cécilia Métella, ce qui ne laisse pas de donner à la civilisation moderne un certain dessous. Où Rome a des

monuments, la circulation moderne a des hangars. On m'assure que les courses ont été brillantes, même au point de vue du cheval. Il y avait des gentlemen-riders, je l'ai lu sur l'affiche en propre anglais. Mon incompétence m'empêche de vous en décrire le mérite. Je n'ai vu en toute ma vie qu'une seule course. C'était à La Guerche-sur-l'Aubois, diocèse de Bourges. Des hommes en sac couraient pour gagner un canard d'honneur. Deux se cassèrent absolument le nez. Le vainqueur fut porté en triomphe. Mais ce souvenir déjà lointain, non plus que celui de quelques hommes très-distingués que j'ai vus courir pour entrer à l'Académie, ne saurait me mettre en état de juger les courses romaines, où d'ailleurs je n'assistais pas. Je me suis fait une idée de Cécilia Métella qui me gênerait au milieu des gentlemenriders. Selon dom Gueranger, sainte Cécile, petitefille des Cécilius, venait souvent dans ce quartier où se tenaient les pauvres chrétiens, pour indiquer aux fidèles la retraite du pape Urbain, errant aux environs. Voyant le tombeau pompeux de son aïeule, Cécile bénissait Dieu en son cœur, parce qu'elle espé

rait

pour elle-même un loculus au fond des catacombes, parmi les martyrs du Christ.

Je reviens aux fètes qui n'ont rien d'anglais ni rien d'étrusque. Car les Étrusques faisaient courir, et j'ai vu un vase de toute antiquité (à moins que le marquis Campana ne l'ait tiré de sa belle imagination pour le

mettre dans sa belle collection) dont la scène semble prise à Epsom ou au bois de Boulogne; ce sont les mêmes hommes et les mêmes bêtes efflanqués. Je suis ici pour vous parler de quelque chose qui soit plus vraiment romain. Il y a des fêtes, il y en a sans relâche, qui sont absolument romaines. La science, l'art, le Concile, surtout le Pape, sont les fêtes de tous les jours dans une perpétuelle fête qui est le printemps. O terre de Dieu, douce pour l'homme, où toujours et partout quelque chose d'aimable et de grand chante aux yeux, à l'oreille, à l'intelligence, au cœur! On y a ses tristesses, et parfois elles sont formidables. L'ennui même s'y fait sentir, cet « incurable ennui » dont parle Bossuet, tellement incurable qu'il se réveille jusque dans ces splendeurs et vient y tourmenter sa débile proie. Mais que de dictames pour le rendormir! On le rendort, on le noie dans l'enchantement de la lumière, de l'art, de l'histoire, dans le flot large de la pensée.

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La fète commence avec le jour. Le chante. coq Est-ce parce que Rome est la ville de saint Pierre ? Mais dans cette grande Rome on entend chanter les coqs.- L'Ave Maria sonne très-noblement, sur un rhythme qui rappelle la saltation de David devant l'arche; les marchands des rues jettent leur annonce chantée, et du ciel bleu il pleut de l'or. C'est le moment d'aller à la messe dans quelque belle grande église. On en a de belles et grandes partout; les très

grandes et très-belles sont fréquentes. J'ai, à deux pas, la Trinité des Monts, Sainte-Marie du Peuple, Sant'-Andrea delle Fratte, où vibre encore le miracle de Ratisbonne, Saint-Charles du Corso, vingt autres, dont chacune a son caractère plus austère ou plus joyeux, son histoire, ses tombeaux, ses peintures, ses statues, ses marbres, ses reliques, les unes trèsvisitées, les autres silencieuses, mais aucune n'est déserte absolument. Les cierges sont allumés, il y a des assistants au saint sacrifice. C'est là que l'on peut voir combien la vie religieuse est abondante et sérieuse dans Rome.

Entre ces maisons de Dieu, brillantes d'ordre, de richesse et d'éclat, antiques et rajeunies, je choisis, quand le travail y consent, la magnifique église de Saint-Ignace du Collége Romain. Je vais jusque-là, séduit par le plaisir d'ètre plus longtemps dans les rues où l'ombre et la lumière luttent si vigoureusement, toutes deux riches et se faisant réciproquement valoir, toutes deux victorieuses. L'église de SaintIgnace est un chef-d'œuvre de proportions, de pompe et de gravité. Je la comparerais à une reine d'Espagne, du temps de l'Espagne et des reines. La décoration est une unité harmonieuse, d'une richesse immense, non pas outrée. D'admirables marbres, de beaux et graves tableaux, d'élégantes statues animent cette architecture faite pour eux. On en peut contester le style général, mais il a son caractère, son

mouvement et sa force qui sont à lui, et cette harmonie est précieuse. La lumière même qui entre dans l'édifice s'y trouve mesurée comme il convient à l'ensemble. Je crois qu'il ne serait pas difficile de lire Saint-Ignace. Un monument que l'on peut lire a déjà son mérite. Tâchez par exemple de lire nos nouvelles églises de Paris, vous sentirez les heurts, les lacunes, les cacophonies et les ignorances dont elles se composent.

Saint-Ignace du Collége Romain est le poëme de la Compagnie de Jésus. C'est un beau poëme, plein d'épisodes grandioses et variés, et parfaitement rattachés au plan général. Beaucoup de contrastes, point de discords; un élan perpétuel dans une règle toujours gardée. On se plaît à ce repos qui ne cesse pas d'être un combat, à ce combat qui ne cesse pas d'être une victoire. Les messes sont nombreuses, les prêtres, presque tous professeurs de ce fameux Collége Romain que le pape Grégoire XIII institua pour le profit de la religion et de tous les arts.

Parmi ces professeurs, tous gens de mérite, il y a de très-savants hommes, en possession d'une grande et juste renommée. Il suffit de citer le P. Perrone, le P. Secchi. Il y a aussi des persécutés, des exilés, des missionnaires revenus par ordre des terres lointaines où les avait envoyés l'obéissance, prêts à repartir pour d'autres lointains et pour d'autres périls, au premier ordre qui leur sera donné. En les voyant cé

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