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X

23 août 1871.

Voilà que Pie IX a rempli les années, les mois et les jours de Pierre et double glorieusement, toutes voiles dehors, à travers tous les orages, ce cap de la durée, que la barque éternelle n'avait jamais franchi. Dieu nous fait bonne mesure de gràce et de miracle. Certes, nous avons de justes sujets d'alarmes ; mais il me semble que nous n'espérons pas autant que Dieu lui-même nous y engage. Dieu pose sous nos yeux quelque chose de plus grand que tout ce qu'il laisse crouler.

Aux négations universelles du siècle révolutionnaire, l'Église, par la grâce de Dieu, a opposé l'acte de foi le plus grand, le plus absolu, je dirais volontiers le plus audacieux qui ait été fait parmi les hommes. Depuis le Tu es Christus de Pierre, rien de si haut n'a été dit par la divinité du Christ que le Tu es Petrus du Vatican. Par cette affirmation triomphante de la foi, toute négation contraire est abolie. Les rois, les républiques, les peuples, les césars et

les soudards peuvent dire ce qu'ils voudront; les volcans peuvent s'ouvrir, les laves peuvent couler: c'est la parole de foi qui prévaudra dans le genre humain. Quoi qu'il arrive, la montagne d'erreur obéira à la parole de foi; elle se déplacera d'ellemême et se jettera dans la mer. Jésus est le Christ fils de Dieu, et Pierre est le vicaire du Christ. Le vicaire du Christ demeure et demeurera le vainqueur et le roi du monde.

A cette parole une autre a répondu, des entrailles et des hauteurs du monde, une parole royale, un Amen retentissant. Il y a dans le monde un prince selon le cœur de Dieu, et ce prince, s'unissant à la foi de l'Église, a confessé la royauté suprême du

vicaire du Christ.

Il existe donc un Pape et un Roi. Ce sont les deux mains dont Dieu se sert pour régir, gouverner et au besoin refaire le monde, et ces deux mains sont d'accord. C'est tout ce qu'il faut pour que l'ordre soit rétabli dans la société humaine.

Sans doute, il y a des difficultés. Il y a M. de Bismark, il y a M. Thiers, il y a M. de La Bédollière, que je n'inscris pas ici pour rire. On sait que j'ai toujours considéré M. de La Bédollière pour beaucoup. Il est la grosse difficulté. Il est la pièce sans laquelle M. de Bismark et M. Thiers pèseraient fort peu et ne poseraient sur rien.

Mais il y a aussi l'Internationale, qui arrangera

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cette difficulté-là. L'Internationale dissoudra M. de La Bédollière.

Il importe fort peu que le roi soit aujourd'hui sans couronne et sans épée, comme le Pape est sans territoire. Aujourd'hui comme toujours la force véritable est dans le droit qui reconnaît et confesse le principe. Le besoin de vivre fait le reste.

Il n'y a pas de société révoltée à qui le besoin de vivre ne fasse accepter un chef, et nous le savons tous très-bien.

Et le chef qui se fera longtemps obéir sera celui qui voudra et saura lui-même obéir à Dieu. Vir obediens loquetur victoriam. Voilà le secret de la royauté. La royauté l'avait perdu; Henri de Bourbon le retrouvera et le réapprendra au monde.

XI

14 juin.

Mgr Delalle, évêque de Rodez, est mort. La perte est cruelle pour ce diocèse, pour toute l'Église de France et pour nous. C'était un prélat de grande foi, de grande doctrine et de grande piété, d'un cœur ferme et doux, d'un esprit cultivé, soudain, plein de grâce.

Il voyait et parlait juste. Dans les affaires de l'Église, sa droiture courageuse ne s'embarrassait d'aucune considération humaine. Alors, au besoin, il ne se contentait pas de parler et d'écrire juste; suivant sa propre expression, il parlait et il écrivait dru. Les lecteurs de l'Univers peuvent s'en souvenir. Il y eut diverses occasions où il se fit connaître pour un de ceux qui ont le beau privilége de s'indigner devant le mensonge.

A Rome, en 1870, on le remarqua beaucoup, encore qu'il ne fit rien pour se montrer. Il était du cœur de cette majorité savante, résolue et paisible, autour de laquelle, dès le premier jour, se livra tout le combat, et que rien ne put ni ne pouvait entamer. Si, dans cette réunion éminente, il y avait un noyau d'évêques que l'on pùt appeler par excellence la conscience du Concile, Mgr Delalle en faisait partie. Souriant et grave, il menait cette vie de privations, dure et plus qu'austère, à laquelle les Pères se trouvèrent soumis et qui a tant édifié les témoins. Combien le regretteront ceux qui l'ont entouré de plus près dans cet humble et vaillant séminaire français qui était comme l'un des forts détachés et presque le MontValérien du Vatican! Il avait là sa petite et obscure cellule avec Mgr l'évêque de Nîmes, avec Mgr l'évêque de Quimper, que le Saint-Père appelait son sergent, avec les vénérables et doux évêques de Beauvais, de Séez, de Meaux, réservés aux terribles

épreuves de l'invasion, avee le R. P. d'Alzon, l'abbé Chesnel, théologien du Pape, l'abbé de Ladoue, digne élève et digne ami de Gerbet et de Salinis. Ajoutons-y à titre de quasi-commensal et d'habitué l'ami et le théologien de Mgr l'évêque de Quimper, ce savant et aimable abbé Darras, qui n'a pas craint de recommencer après Rohrbacher une Histoire universelle de l'Église catholique, et qui creuse plus avant cet admirable sillon que le progrès des études historiques lui permet souvent de rectifier.

C'est au séminaire français auprès de ces évêques et de leur entourage érudit et pieux qu'on allait chercher des nouvelles, des arguments, des secours, de l'espérance et de la patience lorsqu'il en fallait, et c'était assez souvent, mais il y en avait toujours. On trouvait là des hommes qui sont des livres ou plutôt des bibliothèques vastes et variées, d'où sort sans recherches la date, le fait, la lumière que l'on demande. Que de fois, depuis un an, je suis rentré en esprit dans ces cellules si mal meublées et si riches de trésors véritables, où j'étais assuré d'un accueil si obligeant! La théologie est chez le R. P. Freydt, supérieur du séminaire; Rome antique, de la cabane d'Amulius et du Forum aux Catacombes, demeure chez le R. P. Daüm; Rome moderne est tout entière dans les poches du R. P. Brichet. Mgr Delalle était la joie de ce centre sérieux, actif et avenant. C'était fète quand il se prenait avec Mgr

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