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XCVI

7 mai.

Je vous envoie les pièces officielles sur l'affaire des religieux Antoniens. Elles témoignent de la patience et de la miséricorde romaines; les Antoniens ont montré une fois de plus l'entêtement de l'esprit de révolte. Ils savaient bien ce que le visiteur apostolique trouverait dans leur couvent. Lorsqu'ils ont vu que la visite aurait lieu, et qu'il n'y avait plus moyen d'échapper, ayant épuisé toutes leurs intrigues, tous leurs moyens de résistance, et ne voulant pas se réformer, ils ont prononcé et exécuté eux-mêmes contre eux-mêmes la juste sentence qui devait punir leur obstination: ils se sont excommuniés.

En partant, ces religieux ont trouvé le moyen d'adresser au Saint-Père une dernière insulte. Ils ont mis sur leur maison le drapeau de la Turquie et celui de la France. Plutôt le croissant que la tiare! C'est le vieux propos des Grecs; c'était aussi celui de Luther. Le bâton a ses duretés, mais il permet des choses que la croix défend, et ainsi le choix du schisme et de l'hérésie est expliqué. Mais pourquoi le drapeau

de la France? Parce que la France est la protectrice des chrétiens orientaux! Elle les protége aujourd'hui contre le Pape, car nous sommes aujourd'hui la France de M. Bourrée. Hélas! comme nous continuons, aujourd'hui, les gesta Dei per Francos!

Pour finir sur ces Antoniens, ils ne laisseront dans Rome aucun vide. Ils étaient de ces lichens qui poussent sur la pierre, et qu'on y laisse... parce qu'ils y sont. Un certain droit de possession protége ici beaucoup de choses inutiles. On sait parfaitement bien qu'elles sont inutiles, mais on sait parfaitement bien aussi que le respect du droit ne l'est pas. Sauf qu'ils disaient la messe et élevaient quelques clercs pour leur nation, ils ne travaillaient pas, n'étudiaient pas, ne prêchaient pas. Ils étaient là, on les laissait là. On les eût laissés longtemps encore, s'ils n'avaient -pas intrigué. Mais il faut bien s'occuper un peu, et ces bonnes gens s'occupaient d'intrigues orientales. Morts pour l'unité, ils vivaient pour le schisme, et n'étaient plus dans les conditions strictement nécessaires pour dire la messe et pour élever des clercs orientaux. On le voit à leur conduite. Les lichens ont la vie dure. Ils finissent pourtant par mourir. Leurs racines se détachent; le vent que leur folie ingrate appelle contre la pierre vient, souffle et les emporte.

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Il y a de tristes détails dans cette histoire, des détails français. Je ne les rapporte pas, mais ils sont

enregistrés. Je crois, moi, qu'un grand vent ne tardera pas à se lever, et que beaucoup de lichens seront emportés. Les lichens et le vent ne savent pas qu'ils sont faits l'un pour l'autre, et rien de plus. Ils conspirent contre la pierre, ils croient qu'ils en verront la ruine. Ainsi l'un caresse son orgueil, l'autre se console de sa stérilité: Le vent fait rage et emporte la végétation stérile. Prends ce gain, tu n'en auras pas d'autre; et si tu parviens à rouler la pierre, tu seras condamné à la ramener en son lieu.

Pour rester dans ma métaphore, un âpre et terrible vent s'exerce contre le schema de l'infaillibilité, l'éloigne, le ramène, le roule en tous sens... et le polit en tous sens. Sans doute, il faut qu'aucune végétation parasite n'y puisse enfoncer ses racines, et qu'aucune rouille n'y puisse mordre dans la suite des âges. Il aura subi tous les feux, il aura été gratté de toutes les limes, il aura supporté la percussion de tous les marteaux. Quand le verrons-nous? On me disait que ce matin la députation De Fide y avait mis la dernière main. On m'a dit à midi qu'il y aurait encore une délibération et une révision le soir. On assure qu'il sera présenté aux Pères du Concile, la semaine prochaine ou lundi, ou mercredi, ou jeudi... Il faut avouer que nous avons plus tôt fait de casser les œufs constituants, de les battre, de les jeter dans la poêle, et de servir chaudes les omelettes et les Constitutions. Mais nous avons plus tôt fait aussi de n'en laisser rien.

Pas d'autre nouvelle aujourd'hui. J'en tire cette conclusion qu'on ne se presse pas, qu'on ne veut pas se presser, qu'on ne se pressera pas; et à tous ces traits, ceux qui savent voir reconnaîtront le caractère des pensées qui ne reculent pas.

XCVII

9 mai.

J'ai la joie de vous donner des nouvelle du SaintPère. J'en ai à moi d'hier soir, où il a bien voulu recevoir de mes mains cent mille francs provenant de la souscription. Tous les donateurs, et nous-mêmes, heureux intermédiaires, nous avons sa bénédiction très-tendre. Il lit souvent ces listes avec intérêt. Il en aime l'ardeur, l'ingénuité, le solide fond de foi et de science catholique.

Sa santé est parfaite. Il a bonne mine, il est robuste et souriant. Il cause avec autant de finesse que de bonté. Son œil reconnaît toujours ses amis dans la foule, il se souvient de les avoir aperçus en passant çà et là. Sa main, qui porte une si grande part du poids du monde, ne tremble pas. Son oreille entend le cœur ému de respect et d'amour qui lui parle à voix

basse. Il a l'esprit présent à tout, la mémoire de tout, sauf des injures. Il venait de parcourir un mauvais livre qui arrive de Paris: Ce qui se passe au Concile. Il a promptement vu ce que c'était. Dans le cours de la conversation, qui allait à travers le monde, il en a dit quelques mots : « Travailler à abaisser cette autorité-là... On ne l'abaisse pas. Mais ceux qui s'y exercent font de la peine. » Rien de plus. Cette «<autorité-là, » c'est la sienne, l'autorité du Vicaire de Jésus-Christ. Et il est insulté personnellement dans ce mauvais livre. Oh! oui, « cela fait de la peine. » Mais quand cela a fait de la peine, tout ce que cela peut faire est fait.

Il nous a dit aussi : « Voilà que je vais entrer dans ma 79° année. Je la commence le 13 de ce mois. Que peut un pauvre vieillard qui touche à quatre-vingts ans!» Nous l'écoutions sans alarmes. Nous le regardions comme nous venions de regarder le soleil romain qui, en ce moment, descendait à l'horizon, plein encore, majestueux et doux, inondant de clarté la vigueur du printemps nouveau, et l'indestructible beauté de tant de monuments que les siècles ont bâtis.

Nous avons été reçus dans la salle du Consistoire. Le Saint-Père, faisant quelques pas vers nous, pendant que nous étions agenouillés, s'était assis sur un banc de bois. Nous nous tenions en tas auprès de lui, le plus près possible, et nous écoutions sa parole

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