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aucune part à ce qui s'y passait. Mais j'étais alors dans la grande salle de l'Hôtel-de-Ville où j'entrais, je crois, pour la première fois, et je considérais avec intérêt cette masse de citoyens librement élus, chargés des pouvoirs du peuple, destinés à faire des choix importans : ce spectacle était aussi nouveau pour le lieu que le lieu pour moi; je ne prévoyais pas les grandes scènes et les révolutions dont il allait devenir le théâtre, ni le rôle que je devais jouer dans ce lieu même.

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Jeudi, 23 avril. Ce jour fut l'ouverture de l'assemblée des électeurs de la ville de Paris. Les trois ordres se réunirent dans la grande salle de l'archevêché. Elle fut d'abord présidée par le prévôt de Paris, assisté du lieutenant civil et du procureur du roi du Châtelet. M. le prévôt de Paris et M. le lieutenant civil ouvrirent l'assemblée, chacun par un discours. M. le procureur du roi parla après eux, et il fit l'éloge de chacun des trois ordres, en les louant sur ce qui pouvait leur être particulier. On remarqua que celui du tiers fut vivement applaudi par la noblesse, et peu par le clergé ; cependant, quelque temps après et vers le soir, un membre de la noblesse ayant voulu adresser des complimens au tiers-état, et, disait-il, au nom de son ordre, fut désavoué par plusieurs, assez maltraité personnellement ce qui me fit quelque peine à cause de la division et de la mésintelligence que cela paraissait annoncer. Cela n'eut cependant pas de suite, et il en résulta seu

lement un moment de tumulte. Après les discours d'ouverture, la première question fut celle de la vérification des pouvoirs et de la manière dont on y procéderait. Il fut décidé que cette vérification les trois ordres et en commun par

et la

se ferait raison fut que dans des opérations dont le dernier résultat, la formation des états-généraux, intéressait la nation entière, chaque ordre avait droit de connaître ce qui était fait ou admis dans les deux autres, et de s'assurer que tout s'était passé suivant la loi. En conséquence il fut réglé qu'on se diviserait en plusieurs bureaux, pour la prompte expédition; qu'il y aurait à chacun un magistrat du Châtelet, un électeur de la noblesse et du clergé, et, conformément à la loi faite par le roi, pour les nouveaux états-généraux, deux électeurs du tiers-état. Je fus nommé un des commissaires pour cette vérification: elle fut assez promptement terminée, et les trois ordres se réunirent sur-le-champ dans la grande salle de l'archevêché; on y rendit compte de l'opération qui venait de se faire et de la validité des pouvoirs. M. le lieutenant civil annonça que l'assemblée des électeurs extra muros devant se tenir le lendemain et le surlendemain, et le lieu de ses séances étant cette salle même, l'assemblée des électeurs intra muros devait être remise au dimanche 26. L'assemblée ainsi dissoute commençait à défiler, lorsqu'un membre du tiers-état observa que, les pouvoirs étant vérifiés, rien n'empêchait que l'on

ne prêtât le serment, et demanda qu'il fût prêté. Les opérations étaient en effet très-pressées; nous étions au 23 avril, et l'ouverture des états-généraux devait se faire à Versailles, le 4 mai. Quoiqu'on n'eût pas une idée bien précise du temps nécessaire à ces opérations, on voyait bien qu'il en restait trop peu pour l'élection des députés et la confection des cahiers; et comme la défiance germait déjà dans les esprits, on pensait que ce court intervalle, et la précipitation qui en devait résulter, avaient été préparés à dessein, pour ne pas laisser à la ville de Paris tout l'avantage qu'elle pouvait tirer de sa députation. Quant à moi, j'avoue qu'éloigné de la défiance par mon caractère, et que même en consultant ma raison bien avertie par ces impressions, je ne pouvais me persuader que le ministère, qui avait accordé au tiers-état la double députation, voulût tendre un piége à la ville de Paris, et lui faire faire une mauvaise députation et de mauvais cahiers. Qu'en aurait-il résulté? Les députations des provinces n'en auraient pas été moins bien choisies, et leurs vœux moins fortement exprimés. Or, dans ces premiers temps, on devait calculer sur une grande énergie dans les provinces, et peut-être sur la mollesse de la ville de Paris. C'était là l'idée et la prévention du royaume entier, et j'ai eu plusieurs occasions de le reconnaître en arrivant à l'Assemblée nationale. Quoi qu'il en soit, M. le lieutenant civil se refusa à la prestation du serment; je ne m'en rappelle pas bien la rai–

son, mais je présume que ce fut sur ce que plusieurs membres s'étant déjà retirés, l'assemblée n'était plus complète; et lui-même se retira malgré les instances qu'on lui fit pour rester. Sa retraite excita quelque mouvement. On fit des motions, et entre autres celle de dresser une protestation et une plainte de son refus. Quelques personnes se réunirent pour la dresser, mais il était alors dix heures et demie, on continuait à se retirer, l'assemblée diminuait sans cesse. Les gens sages pensaient que cette protestation n'était ni légale, ni à propos; j'avais attendu pour connaître le vœu de la majorité et des esprits modérés ; quand je vis l'assemblée réduite à un assez petit nombre, je fis comme les autres et je me retirai.

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Une chose que je ne dois pas négliger de remarquer pour faire connaître la disposition des esprits, et qui m'a été rappelée par un électeur présent c'est que ce jour-là même, et dès le premier moment où l'on se vit ainsi réuni en assemblée, on murmurait dans les bancs: Point de clergé, point de clergé ! On ne voulait pas dire qu'il fallût supprimer l'état, mais l'ordre ecclésiastique. On pensait alors que le clergé ne devait pas faire un ordre; on pensait qu'il fallait réunir les évêques et le premier clergé à la noblesse, et le clergé du second ordre au tiers-état. Cet arrangement était précisément celui des deux chambres que Mounier a proposées depuis, et qui ont été rejetées.

Dimanche 26 avril (1). — Les trois ordres se réunirent le dimanche au matin en la même grande salle de l'archevêché; le serment commun et universel fut prêté par l'assemblée; et chaque ordre s'étant retiré dans la salle qui lui était destinée, le tiers-état resta dans la grande salle, lieu assigné pour ses séances particulières, suivant, m'a-t-on dit, l'usage des étatsgénéraux où le tiers - état occupait toujours la salle des assemblées générales. Je remarque avec soin cette circonstance, parce que les plus petites choses conduisent aux plus grandes, et que cette disposition nous a été extrêmement favorable à Versailles. Les deux ordres retirés, M. le lieutenant civil fit procéder à l'appel nominal de tous les électeurs du tiers - état. Cela fait, il fut question d'organiser l'assemblée, et de nommer un président et un secrétaire. Je dois dire le vœu général était, comme dans tous les districts, et particulièrement pour parler de ce qu m'est personnellement connu, dans celui des Feuillans, de se constituer librement, et de n'agréer que des officiers du choix de l'assemblée, non délégués par aucune autorité, ou fondés sur des droits anciens qu'on ne reconnaissait plus. Mais ce vœu

que

(1) C'est ici que commence le procès-verbal des séances de l'assemblée des électeurs de Paris. Ce procès-verbal fut rédigé, depuis le 26 avril jusqu'au 21 mai, par Bailly; il le fut, depuis le 22 mai jusqu'au 30 juillet, par M. Duveyrier.

(Note des nouv. édit.)

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