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Un de ces hommes, l'archevêque de Toulouse (1), connu par une réputation de talens et d'ambition, fut mis à sa place. Ce choix fut vivement applaudi. Il ne tint pas ce que sa réputation avait promis : il oublia le rôle qu'il avait joué dans l'Assemblée; il ne sentit pas que l'énormité du mal, la nécessité du remède, l'attention de tous les esprits à la chose publique, demandaient une réforme inévitable dans l'administration, et appelaient les étatsgénéraux. S'il les avait fait convoquer sur-le-champ, en même temps qu'il aurait acquis des droits à la reconnaissance publique, il aurait fait le trait d'un habile politique. Il ne fallait pas laisser le temps aux esprits de réfléchir sur la position où l'on se trouvait, et à la nation de connaître ses besoins, ses droits et ses forces. Les états-généraux alors assemblés auraient fait de grandes réformes; mais ils n'auraient ni osé, ni pu tout changer. On craignit ces réformes, on voulut éviter de réunir une nation qui pouvait se souvenir qu'elle est vraiment souveraine et maîtresse de tout ordonner on essaya des palliatifs qui accrurent le mal au lieu de le guérir; et on laissa au parlement de Paris l'honneur de demander les états-généraux. Cette demande du parlement, quoiqu'il ait pu depuis s'en repentir, ne doit pas être oubliée. Quand on a recouvré la liberté, et fondé le règne de la loi, il est de la justice de se souvenir de tout ce qui a

(1) M. de Loménie-Brienne.

:

pu préparer ce nouvel ordre de choses. L'archevêque hésita pendant plus d'un an sur la tenue des états-généraux, promettant sans cesse et retardant toujours ce que l'état des affaires et la disposition des esprits rendaient indispensable. H laissa deux années entières pour y penser, pour éclairer les citoyens par une multitude d'écrits, pour former des plans,. et pour arriver en force à cette assemblée si redoutable. Il essaya des édits bursaux qui furent refusés; il mit M. le comte d'Artois dans le cas d'être mal accueilli, hué, et presqu'en danger à la cour des aides. Cette scène fut la première lutte du pouvoir physique contre le pouvoir d'opinion, l'essai des forces d'un grand peuple contre la force d'un seul. Enfin M. Necker remplaça M. de Brienne; et soit que les choses fussent si avancées qu'il ne fût plus permis de se les dissimuler, soit plutôt que le génie et les principes de M. Necker seuls l'inspirassent, il s'occupa sérieusement de la convocation des états-généraux. Elle fut annoncée au mois de novembre 1788. M. Necker obtint du roi la double représentation du tiers-état. Elle était de toute justice. Ce n'est pas quand la raison s'éveille qu'il faut alléguer et d'anciens priviléges et des préjugés absurdes. Les préjugés sont destinés à disparaître, les priviléges ne sont que des conventions qui ne peuvent être éternelles dans les sociétés, et des aliénations dans lesquelles une nation toujours mineure a toujours le droit de rentrer. C'était bien le moins que vingt

quatre millions d'hommes contre deux cent mille eussent la moitié des voix; et la postérité éclairée aura peine à croire que cela ait été si difficile à prouver et à établir. Tout cela fut développé dans plusieurs écrits publiés par Target. M. Rabaud de Saint-Étienne fit voir que le tiers-état était la nation moins le clergé, moins la noblesse; M. l'abbé Sieyes, que le tiers-état était la nation même et devait jouir de tous ses droits. C'est ainsi et avec ces armes qu'on se préparait aux états-généraux, et a recouvrer les droits de la nation et du tiersétat. Mais si ces droits ont été recouvrés, il ne faut pas oublier qu'on le doit et à M. Necker et au roi, au ministre qui l'a proposé, et au roi qui y a consenti l'un et l'autre ont donné les moyens de la régénération de l'empire. On l'a quelquefois trop oublié. Le despotisme n'entra point dans le caractère du roi ; il n'a jamais désiré que le bonheur du peuple, c'est le seul moyen qu'on a pu employer pour le séduire; et si jamais on l'a déterminé à des coups d'autorité, on n'y a réussi qu'en lui montrant ou un bien à faire, ou des maux à éviter, et en perspective le soulagemeut de la nation, prospérité de l'empire et le bonheur de tous. Je suis convaincu qu'il n'a jamais considéré son autorité et le soin de la conserver, que comme la caution et la base de la tranquillité et de la paix intérieure. Puisque nous parlons des causes de la régénération, disons que la première est dans le caractère de Louis XVI; un roi moins hon, des

la

ministres plus habiles, et il n'y aurait pas eu de révolution.

Dans l'hiver de 1788 à 89, qui fut si désastreux et si difficile à passer pour la rigueur du froid, la rareté des grains et des farines, qui était la suite de l'affreuse grêle du 13 juillet précédent, et qui commençait déjà à se faire sentir, on se prépara à la convocation des états - généraux. On parlait de ceux qui seraient députés de Paris, on faisait courir des listes, on disait dans le monde, dans le club des Arts surtout où j'avais été admis, que je serais député. Je n'étais cependant pas sur les listes. Ces listes étaient celles des prétentions, et je n'en avais pas. Un homme considérable, et qui avait eu jadis une grande influence, me dit un jour : « On parle de vous pour vous faire député. Désirez-vous de l'être? » Je lui répondis que cet honneur ne devait ni se solliciter, ni se refuser. « Avez-vous, ajouta-t-il, du talent pour la parole?—Non. - En ce cas, je ne vous conseille pas d'accepter. Vous avez une réputation, et il ne vous conviendrait pas d'être aux états - généraux, sans y paraître et sans y jouer un rôle. » J'étais loin d'adopter ce que son opinion avait de flatteur, mais la vérité était que je ne désirais rien à cet égard, et que je craignais autant la difficulté du succès, que je pouvais ambitionner l'honneur du choix. Le même homme m'ajouta un autre jour : « Vous désirez les étatsgénéraux. Vous verrez où ils vous conduiront. » Cette opinion était bien différente de celle de

beaucoup de gens qui, sur l'exemple du passé, disaient que les états - généraux ne feraient rien, et que tout se réduirait à de vaines déclamations et à des demandes de réforme sans succès. Je ne pensais pas cela. Je croyais que, dans un siècle éclairé, des hommes assemblés et pouvant délibérer sur leurs intérêts feraient de grands changemens. Mon homme, exercé dans la politique, et distingué par un excellent jugement, avait la vue plus longue et calculait bien. On permettait la réforme de quelques abus, mais on ne voulait pas que tout fût changé. Et je défie à la vue la plus longue d'avoir alors tout vu. L'abbé Maury, déjà nommé, me disait : « Vous serez député. - Je n'en crois rien.

J'en suis sûr. - Comment cela est-il possible? nul homme ne peut être sûr d'un choix, quand il ne connaît pas même ceux qui le feront? » Il n'avait pas tort. Mais voici en quoi il s'est trompé. Il m'ajouta : « Je viens de louer un appartement à Versailles, et vous aurez tous les jours un couvert chez moi. Nous nous unirons pour faire le bien. » Pour le bien, j'étais son homme, mais il fallait savoir comment il l'entendait, et c'est là que nous n'avons pas été d'accord. Nous avons pris des routes bien différentes. Il s'est montré pour clergé, et moi pour la nation; il faut dire cependant qu'il s'est montré avec courage dans des circonstances difficiles, et qu'en prenant une fausse route, il a marché sans dévier sur la même ligne, ce qu'on ne peut pas dire de tout le monde; il faut

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