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mage si flatteur avait été précédé d'autres hommages : l'Académie française, par l'organe de Marmontel, son secrétaire, avait adressé une lettre de félicitations au président de l'Assemblée nationale : l'Académie des belles-lettres avait fait plus encore; un arrêté pris par elle plaça le buste de Bailly dans la salle de ses séances. Cependant la cour, vaincue le 23 juin, songeait à renouveler le combat des troupes s'approchaient de Paris et de Versailles ; l'Assemblée avait, à plusieurs reprises, demandé leur éloignement sans pouvoir l'obtenir; un ministre cher au peuple, M. Necker, venait d'être exilé; on annonçait des mesures violentes, la dissolution de l'Assemblée, l'arrestation de plusieurs députés. Ces préparatifs menaçans amenèrent la journée du 14 juillet : la Bastille prise et rasée, la création instantanée d'une garde nationale, l'institution d'une municipalité dans la capitale du royaume, signalèrent dans cette journée le triomphe du parti populaire. Les nouveaux ministres n'avaient pas vu qu'en appelant la force militaire contre la représentation nationale, qu'en la réduisant ainsi à chercher à son tour un appui dans la force populaire, ils précipitaient eux-mêmes la France dans les voies irrégulières d'une révolution hostile et violente. Ce fut encore le trône qui paya cette erreur du ministère.

Le lendemain de cet événement, une députation de l'Assemblée nationale se rendit à l'Hôtel-de-Ville de Paris; Bailly et M. de La Fayette en faisaient partie : arrivés à l'Hôtel-de-Ville, une acclamation universelle décerna au premier le titre de maire de Paris, au second celui de commandant-général de la milice parisienne.

A peine sorti de ses premières fonctions, Bailly se trouva donc investi d'une fonction peut-être plus déli

cate et plus périlleuse encore. Assurer, dans un temps de famine, la subsistance d'une capitale insurgée; ré... pondre sur sa tête du succès de ses efforts; diriger une administration aussi vaste qu'importante, dont la marche, dont les attributions, dont les prérogatives étaient encore indéterminées ; maintenir l'ordre public au milieu de l'effervescence universelle; suppléer par la persuasion aux moyens de répression dont l'usage pouvait entraîner les plus grands dangers, tels furent les devoirs qu'il s'imposa. L'histoire dira s'il a su les remplir.

Dès les premiers jours de son administration, tous ses momens furent consacrés à la subsistance de Paris. On verra, dans ses Mémoires, combien de travaux et d'alarmes il eut à dévorer pendant les quatre mois que dura la famine il s'entoura des plus sages conseils, lutta, sans se décourager, contre des difficultés sans cesse renaissantes, et parvint, par des efforts inouïs, à sauver une population de huit cent mille ames des calamités qui la menaçaient.

Ce ne fut pas sans de nombreux dangers que le maire de Paris poursuivit le cours tutélaire de son administration. « Le peuple, qui calomnie toujours les gouverne» mens, quand ils ne lui révèlent pas le secret de leurs » opérations, dit un auteur contemporain, s'amoncelait » aux portes de l'Hôtel-de-Ville, menaçant d'assassiner » son maire, s'il se présentait à ses regards. Dès ce » moment, Bailly, qui croyait à la vertu parce qu'il en >> avait lui-même, se rendit accessible à tout le monde, >> sortait à pied et sans gardes, défiant ses assassins par >> le spectacle de son visage calme, où son innocence » était empreinte, et sauva ainsi ses jours en conservant >> sa gloire. >>

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En même temps qu'il dévouait ses jours à la conservation de ses concitoyens, Bailly épuisait sa fortune personnelle par les dépenses qu'entraînait la place émi nente qu'il avait acceptée. Modeste pour lui-même, portant, dans l'exercice de l'autorité la plus étendue, la première simplicité de ses moeurs, il se montrait pourtant soigneux de sa dignité; il soutenait, par une représentation convenable, par de fréquentes libéralités, l'honneur de ses fonctions. Il n'oubliait pas non plus les sollicitudes de l'humanité, et ce fut pendant la durée de son administration qu'il composa, pour l'Assemblée nationale, un Discours sur les prisonniers, digne, par la philanthropie qui le caractérise, de l'auteur du Rapport sur les hôpitaux.

Bailly trouva long-temps, dans la reconnaissance publique, dans la popularité attachée à son nom, la récompense de ses sacrifices et de ses travaux. Cette récompense était digne de son cœur, et la sagesse ne lui avait pas appris à la dédaigner; mais, dans les temps de révolution, la popularité est fugitive. D'imprudentes résistances avaient donné à la révolution le caractère d'un combat; la faveur populaire avait dû, dès lors, s'attacher, non aux esprits les plus sages, mais aux esprits les plus ardens. Bailly éprouva le sort réservé aux hommes justes et modérés, placés entre des partis qui se combattent. Partisan des idées nouvelles, il devint odieux aux défenseurs de l'ordre ancien; défenseur de l'autorité royale, il devint suspect aux partisans trop passionnés de la révolution. Dès le 17 juillet, les premiers avaient poussé l'injustice jusqu'à lui reprocher, comme un outrage à la dignité royale, ces paroles adressées au descendant de Henri IV : « Il avait conquis son peuple; au

jourd'hui, c'est le peuple qui a reconquis son roi. » Dès le 22, il avait fait un vain essai de son ascendant sur cé peuple, en voulant dérober à la mort le malheureux Foulon, qui fut arraché de ses mains et massacré presque sous ses yeux. Cette scène effroyable l'avait frappé d'un pressentiment sinistre ; et, dans les épanchemens de l'amitié, tandis que les témoignages d'amour et d'enthousiasme éclataient autour de lui, il s'entretenait de l'inconstance des sentimens populaires, et semblait se préparer à la destinée qui l'attendait.

Toutefois Bailly n'avait pas toujours lutté sans succès contre l'effervescence révolutionnaire. L'un de ses biographes nous a transmis à ce sujet une anecdote assez piquante pour être conservée. A la fin d'octobre 1789, le peuple, attroupé sur la place de la maison commune, demandait du pain; des cris effrayans pénétraient jusque dans la salle du conseil que présidait Bailly. Chacun tremblait; Dusaulx, vieillard vénérable, doué d'une belle figure et d'un organe sonore, se lève et propose d'aller se montrer au peuple. Il sort, monte sur une estrade élevée pour les proclamations, et là: Messieurs, dit-il, vous voyez devant vous le traducteur de Juvénal...... A ce nom de Juvenal, tout le peuple de s'écrier : Qu'est-ce que ce Juvénal? un aristocrate, sans doute. A la lanterne M. Juvénal! à la lanterne celui qui vient nous en parler! C'est du pain qu'il nous faut ; M. Juvénal nous en donnera-t-il ? Le pauvre Dusaulx s'agite en vain pour se faire entendre ; les cris à la lanterne couvrent sa voix. Déjà l'on s'emparait de lui, quand Bailly se présente, et, présente, et, d'un ton, calme, dit à ces furieux: Dusaulx est mon ami, je le réclame. A ces simples paroles, tout se calme; le peu

ple s'arrête et Dusaulx est sauvé. Dusaulx, plus tard, reconnut noblement ce bienfait, en cédant à la veuve de son libérateur une pension qu'il tenait du gouver

nement.

Tel était l'ascendant de Bailly dans ces premiers momens; mais cet ascendant salutaire devait décroître, à mesure que la révolution elle-même croissait en violence. Un événement déplorable l'anéantit sans retour.

Entraîné par d'aveugles conseils, Louis XVI avait fui vers la frontière. Son départ, le manifeste laissé à l'Assemblée nationale avaient allumé la colère de la multitude qui, dès lors, crut voir dans le roi l'ennemi de la révolution. Tel fut l'effet de cette funeste imprudence, que les amis de la liberté, qui voulurent défendre le trône, furent abandonnés par l'opinion : la popularité les quitta; elle passa du côté des hommes ardens.qui, en attaquant la royauté, flattèrent les ressentimens du peuple. De ce moment, tous les freins furent brisés : il devint impossible à la sagesse de gouverner la révolution.

Depuis l'arrestation du roi à Varennes et son retour dans la capitale, les partis les plus extrêmes étaient chaque jour mis en discussion, soit dans les clubs, soit dans l'Assemblée elle-même. Les uns demandaient la déchéance du monarque, les autres sa mise en jugement. Cependant les constitutionnels, qui dominaient encore, au moins dans l'Assemblée, venaient d'obtenir un décret favorable à la royauté. Vaincus dans l'Assemblée, leurs adversaires essaient d'appeler à leur secours la puissance des mouvemens populaires. Une pétition est rédigée pour demander la déchéance : elle est portée sur l'autel de la patrie; des attroupemens se forment, et dans le

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