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LA VIE DE BAILLY. Saint Alvin Berville.

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UN noble et touchant tableau à présenter à la postérité, est celui d'un homme qui, déjà célèbre dans les sciences, recommandable par toutes les vertus privées, se trouve, presque à son insu, porté par l'estime publique à des fonctions éminentes; conserve sa modestie au sein des plus hautes dignités, sa modération au sein des plus violentes dissensions politiques; traverse une révolution orageuse sans se laisser entraîner par elle; s'associe à toutes ses gloires, en restant pur de tous ses excès; défend la liberté contre le pouvoir et le pouvoir contre la licence, et couronne la vie d'un sage par la mort d'un héros. Tel fut Sylvain Bailly, premier député de Paris aux états-généraux, premier président de l'Assemblée constituante, premier maire de Paris.

Jean-Sylvain BAILLY naquit, le 15 septembre 1736, aux galeries du Louvre. La place de garde des tableaux du roi semblait héréditaire dans sa famille: son père, Jacques Bailly, espérant que son fils pourrait aussi lui succéder un jour dans cet emploi, dirigea son éducation vers la peinture. Le jeune Bailly, chéri de ses parens dont il méritait la tendresse par la douceur et la docilité

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de son caractère, fut élevé dans la maison paternelle. On ne lui enseigna point le latin qu'il n'apprit que dans un âge plus avancé, et qu'il ne connut jamais qu'imparfaitement ses premières études se bornèrent au dessin dont son père lui donnait des leçons. Mais la nature, souvent plus forte que l'éducation, l'appelait vers une autre carrière. Bailly apprit, à la vérité, à juger avec goût des tableaux et des objets d'arts; mais ses progrès dans le dessin furent médiocres.

Bientôt un hasard heureux développa ses dispositions pour les sciences. Un mathématicien, M. de Moncarville, offrit au père de Bailly d'instruire son fils dans la science des calculs, en échange des leçons que le sien recevrait dans l'art du dessin. Bailly avança rapidement dans cette nouvelle étude. En peu de temps il fut digne d'avoir des maîtres plus célèbres; Clairault et l'abbé Lacaille devinrent successivement ses instituteurs.

Cependant l'amour des lettres se manifestait chez leur élève en même temps que l'amour des sciences. Bailly essaya sa muse adolescente en composant deux tragédies: l'une, intitulée Clotaire, renferme, par un hasard remarquable, le tableau d'un maire de Paris massacré par le peuple; triste et singulier rapport entre les premiers sujets de ses travaux littéraires et le sort qui l'attendait dans sa carrière politique! l'autre tragédie avait pour titre Iphigénie en Tauride: c'était le sujet que Guymond de la Touche a traité depuis avec plus de bonheur.

Le jeune poëte consulta, sur ces premiers essais, le comédien Lanoue, homme estimable, connu par quelques succès dramatiques, et bon juge des ouvrages de littérature. Lanoue trouva dans l'une et l'autre pièce

une conduite sage, des conceptions plus raisonnables qu'originales, un style plus correct que brillant. Il engagea l'auteur à quitter la carrière du théâtre pour celle des sciences. Un tel conseil fait honneur au jugement de Lanoue. Bailly s'y montra docile. Il cessa d'écrire pour la scène ; mais, entraîné par son goût vers les études littéraires, il partagea ses travaux entre les lettres et les sciences, et, cherchant un genre plus accessible à son talent, il s'exerça dans les concours académiques, où ses efforts furent couronnés de quelques succès.

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En 1767, l'Académie française mit au concours l'éloge de Charles V: Laharpe obtint le prix; Bailly mérita l'accessit: l'année suivante, il obtint également à l'Académie de Rouen l'accessit de l'éloge de Corneille. Bientôt l'éloge de Molière lui valut un troisième accessit à l'Académie française; la palme fut décernée au discours brillant et spirituel de Chamfort. Cependant ces premiers essais portaient encore les traces de l'inexpérience le style, toujours grave et noble, n'était pas exempt de roideur et d'enflure. Un progrès sensible se manifesta dans l'éloge de Leibnitz, couronné en 1769 par l'Académie de Berlin; l'élève de Clairault était d'ailleurs ici sur son terrain; des notes pleines d'érudition ajoutèrent au mérite de cet éloge, auquel succédèrent ceux de Cook, de Gresset et de l'abbé Lacaille. Aucun de ces derniers écrits n'avait été composé pour les concours des Académies; peut-être n'en valurent-ils que mieux : l'auteur, plus libre dans sa composition, mit plus d'abandon dans son style; les défauts reprochés à ses premiers ouvrages commencèrent à s'effacer le dernier de ces éloges surtout réunit tous les suffrages; c'était un tribut payé à la mémoire d'un

maître chéri, et la reconnaissance inspira le talent.

Mais déjà ces travaux n'étaient plus qu'un délassement à des travaux plus sérieux. Les leçons de l'abbé Lacaillé avaient développé les dispositions de son élève pour les sciences mathématiques, et surtout pour l'astronomie. Dès l'année 1762 Bailly avait présenté à l'Académie des sciences un Mémoire où se trouvaient reéueillies de nombreuses observations calculées sous la direction de cet habile professeur. Ce premier ouvrage donna de son jeune auteur une idée tellement honorable, qu'à la mort de l'abbé Lacaille, arrivée l'année suivante, l'Académie appela le disciple à remplacer le maître. Bailly, à peine âgé de vingt-sept ans, prit place au milieu des juges qui venaient de prononcer sur

ses travaux.

Trois ans après, Bailly fit paraître la Théorie des sátellites de Jupiter. Ces astres secondaires, que l'apparente irrégularité de feurs mouvemens semblait dérober atí calcul, furent ramenés par ses recherches à l'éternelle foi découverte par Newton. Aidé de la théorie de Clairault, de la méthode de Fouchy sur l'emploi du télescope, il calcula leurs perturbations, détermina leur diamètre, la durée de leurs immersions, et traça l'histoire de cette partie de la science astronomique. Ces investigations, qui donnèrent encore lieu à trois Mémoîres, l'occupêrent pendant neuf années, depuis 1762 jusqu'en 1771.

Tout vaste qu'il était, ce travail fut le prélude d'un travail plus vaste encore. L'astronomie attendait un historien: ce titre exigeait, dans celui qui voudrait l'obtenir, la réunion du savoir et du génie, des vues élevées et des connaissances profondes, la patience de l'érudit

et le talent de l'écrivain; nul encore n'avait pu le mériter: Bailly eut le courage d'y aspirer et la gloire de le conquérir. L'Histoire de l'astronomie ancienne, fruit de quatre années de recherches laborieuses, parut en 1775. Quatre années plus tard, l'auteur, encouragé par le succès de cette première partie, publia l'Histoire de l'astronomie moderne. Dès lors, la place de Bailly fut marquée entre les hommes les plus distingués de l'Europe savante : l'Histoire de Tastronomie fut le monument qui devait consacrer sa réputation parmi les contemporains, sa gloire dans la postérité.

Dans l'intervalle de ces deux publications, quelques lettres de Voltaire donnèrent à Bailly l'occasion de composer deux nouveaux ouvrages. On sait que l'illustre auteur de la Philosophie de l'histoire a placé dans l'Inde le berceau des connaissances humaines. Dans l'Histoire de l'astronomie ancienne, Bailly avait émis une opinion différente; c'est dans le Nord qu'il croyait apercevoir l'origine de nos sciences et de nos arts, ouvrages, suivant lui, d'un peuple disparu de la terre. Il fit hommage de son livre au philosophe de Ferney. Voltaire, en répondant à l'auteur, exprima des doutes sur son système, proposa des objections que Bailly essaya de résoudre dans les Lettres sur l'origine des sciences et dans les Lettres sur l' Atlantide de Platon. Le premier de ces ouvrages parut en le second ne fut publié qu'en 1779, après là mort de Voltaire. Cependant Bailly, qui lui avait adressé les Lettres sur l'origine des sciences, lui adressa également les Lettres sur l'Atlantide. L'hommage n'était pas indigne de cette cendre illustre. Ces Lettres eurent beaucoup de succès dans leur nouveauté: on les compara même aux Lettres persanes. C'était faire beaucoup

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