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XV. De la propriété des îles du Rhin.

Par M. BONJEAN, avocat à la cour de cassation.

1. Avant le traité du 5 avril 1840, la propriété des communes sur les îles du Rhin était-elle réglée diplomatiquement par une limite particulière, distincte de la limite de souveraineté?

2. En supposant que cette limite de propriété existât, quel en était le véritable caractère ?- Cette limite étaitelle notamment un obstacle à ce que les communes ou les particuliers, propriétaires d'îles ou de portions d'îles placées de l'un des côtés de cette ligne, pussent acquérir, par prescription, des îles ou portions d'îles placées de l'autre côté de cette même ligne?

3. Dans tous les cas, quel sera, quel sera, dans l'avenir, sur la propriété et la prescriptibilité des îles du Rhin, l'influence du traité conclu entre la France et le grandduché de Bade, le 5 avril 1840 ? Ce traité ne devraitil pas être soumis à la ratification du pouvoir législatif?

I. Ces questions, qui intéressent à un si haut degré les communes et les propriétaires des deux rives du Rhin, se sont présentées récemment à l'occasion d'un procès entre la commune française de Marckolsheim et les propriétaires de la seigneurie de Limbourg, située sur la rive droite du Rhin.

La cour de Colmar avait jugé 1° qu'indépendamment de la limite de souveraineté, déterminée par le thalweg ' du fleuve, il existait, depuis 1781, une autre

1 Thalweg (chemin du vallon) est une expression consacrée pour désigner la voie la plus propre à la navigation descendante, durant les basses eaux : c'est la ligue déterminée par la partie du courant qui donne les sondes les plus profondes.

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limite, distincte de la première, et dont l'objet était de régler la propriété des îles nées et à naître dans le Rhin. 2° Que cette seconde limite, dite ligne de propriété, ou ligne Noblat, du nom du commissaire français qui y avait travaillé, formait une limite infranchissable; de telle manière que les propriétaires de fonds situés de l'un des côtés de cette limite ne pouvaient rien acquérir de l'autre côté.

La cour de cassation, sans s'expliquer catégoriquement sur l'existence de cette ligne Noblat, a cassé l'arrêt de la cour de Colmar, en se fondant sur ce motif, que les traités relatifs à la ligne Noblat avaient laissé la propriété des îles du Rhin, sous l'empire des principes ordinaires du droit civil '.

Comme cet arrêt est fort laconique, cela a inspiré la pensée de soumettre à un nouvel examen les questions d'histoire et de droit résumées en tête de ce travail.

1r0 Question. Avant le traité du 5 avril 1840, la propriété des communes sur les îles du Rhin, étaitelle réglée diplomatiquement par une limite particulière, distincte de la limite de souveraineté ?

II. Il serait plus curieux qu'utile de rechercher quel était l'état de propriété des îles du Rhin antérieurement à la paix de Westphalie', c'est-à-dire à une époque

1 On peut voir le texte de ces arrêts dans le recueil de Villeneuve, année 1842, p. 379, et dans celui de Dalloz, année 1842, p. 104.

2 Il paraît certain que les dispositions du droit romain sur l'attribution aux riverains des îles nées dans un fleuve, n'étaient point observées dans l'ancien droit germanique à l'égard des îles du Rhin; et que la propriété de ces îles appartenait, comme droit

où les deux rives du fleuve appartenaient également au saint Empire romain. Il nous importe peu en effet de savoir quelles étaient à cet égard les dispositions de l'ancien droit germanique, puisque ce droit devint évidemment sans application du jour que la rive gauche passa sous la domination de la France.

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Il faut donc prendre les choses à l'année 1648, époque de la réunion de l'Alsace à la France. Voici en quels termes cette réunion fut prononcée par les §§ 73 et 74 du traité signé à Munster, le 16 octobre 1648.

73. En troisième lieu, l'empereur, tant en son ⚫ propre nom qu'en celui de la sérénissime maison d'Autriche, comme aussi l'Empire, cèdent tous les droits, ▸ propriétés, domaines, possessions et juridictions qui

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regalien, à l'empereur, aux électeurs ou autres souverains exerçant le droit de haute régale.

Dans une constitution de l'empereur Adolphe, de l'année 1293, on lit : « Quod si insula nata est in Rheno, vel alio flumine in co» mitatu alicujus comitis, qui in ipso flumine recipit teolonja et conductus, habetque comitatum eumdem teolonia et conductum ab imperio in flumine prædicto, eadem insula spectat potius ad imperium et ad ipsum comitem quam ad alium dominum, cujus districtus protenditur ad rivam fluminis prælebati. » (Goldast., Collect. Const. imper.)

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Cette constitution est, à vrai dire, assez obscure. Klock est plus explicite: Insulæ in Rheno natæ, ex antiquissima Palatinatus consuetudine, palatino, non vicinorum prædiorum dominis > cedunt.» (De Ærar., lib. 11, chap. 63, no 13.)

V. en outre, sur ce point: Besold., Thes. practicus, 1, p. 486; Lauterbach, Dissert. academ., disp. 49; Struv., De jure publ. german,, cap. 30, De sup. terril. Carpzow, part. 3, Cons. 181, defin. 12; Wernher, obs. V, 138, Puffendorf, obs. IV, 239.

Mais il paraît aussi que cette propriété, attribuée au souverain, ne constituait qu'une sorte de domaine éminent; et que la propriété utile des îles appartenait aux communes placées sur les deux rives du fleuve.

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jusqu'ici ont appartenu, tant à lui qu'à l'Empire et à » la maison d'Autriche, sur la ville de Brissac, le land» graviat de la Haute et Basse-Alsace, le Sundgau et la préfecture provinciale des dix villes impériales situées » en Alsace, savoir : Haguenau, Colmar, Schlestadt, Wissembourg, Landau, Oberenheim, Rosheim, » Munster-au-Val-St-Grégoire, Kaysersberg, Turck – >> heim, et tous les villages et tous autres endroits qui dépendent de ladite préfecture, et les transportent tous et un chacun d'iceux au roi très-chrétien et au > royaume de France, en sorte que la ville de Brissac » avec les villages de Hochstat, Niederimsing, Harten » et Acharren, appartenant à la communauté de la ville » de Brissac avec tout le territoire et la banlieue, selon » son ancienne étendue, appartiendront à l'avenir à la » couronne de France, sans préjudice néanmoins des priviléges et immunités accordés autrefois à ladite » ville par la maison d'Autriche. »

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74.« Item, ledit landgraviat de l'une et l'autre Alsace, » le Sundgau, comme aussi la préfecture provinciale sur » lesdites dix villes et lieux en dépendant; item, tous les » vassaux, habitants, sujets, hommes, villes, bourgs, » châteaux, métairies, forteresses, bois, forêts, mi» nières d'or et d'argent et d'autres métaux; rivières, » ruisseaux, pâturages, tous les droits régaliens et tous » les autres droits et appartenances, sans réserve au» cune, appartiendront dorénavant et à perpétuité au » roi très-chrétien, et à la couronne de France, et se>> ront incorporés à ladite couronne, avec toute sorte » de juridiction et souveraineté, sans que l'empereur, » l'Empire, la maison d'Autriche, ni aucun autre y puissent apporter aucune contradiction, de manière qu'aucun empereur, ni aucun prince de la maison

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» d'Autriche, ne pourra ni ne devra jamais usurper ni » même prétendre aucun droit et puissance sur lesdits » pays, tant au delà qu'en deçà du Rhin. »

III. On sait à combien de difficultés donna lieu cette rédaction vague et indécise du traité de Munster. On n'était d'accord ni sur l'étendue des cessions faites à la France, ni sur les limites, ni sur l'espèce de souveraineté acquise par le roi de France sur les pays cédés, ni sur la position des princes allemands qui avaient conservé des domaines dans les provinces détachées de l'empire.

Louis XIV chercha à trancher une partie de ces difficultés, par les arrêts des chambres de réunion, établies à Besançon, Metz et Brissach; mais tous les àrrêts émanés de ces chambres furent cassés par l'article 4 du traité de Rysvick (1697).

Pour abréger, il suffit de rappeler que, dans tous les traités intervenus entre la France et l'Empire dans la dernière moitié du XVIIe siècle, et la plus grande partie du XVIII., il y eut des stipulations relatives à cette question des limites, sans que jamais on parvint à s'entendre: comme si les deux parties n'eussent pas été fâchées de laisser pour l'avenir des germes de guerre qui leur permissent de revenir sur le passé.

En 1790, ces difficultés n'étaient point entièrement terminées; puisque, ainsi que chacun sait, la position équivoque des princes allemands possessionnés en Alsace et en Lorraine, fournit le premier prétexte de la grande guerre de 1792.

IV. En ce qui concerne spécialement les îles du Rhin, les traités contiennent peu de renseignements; mais i est certain que, dès 1648, la propriété de ces îles fut réglée conformément aux principes du droit romain; c'està-dire, que toutes les îles, nées et à naître en deçà de la

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