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un autre danger à craindre, la tendance naturelle dans les fonctions qu'ils occupent, à subordonner la question scientifique à la question gouvernementale? Cette préoccupation serait légitime, nous en convenons, pour les chaires de droit constitutionnel, et, à cet égard, il peut y avoir une exception à faire au principe. Mais, pour toute autre chaire, nous ne voyons pas quel avantage présenterait la désignation des candidats par des hommes éminents sans doute, mais qui, étant presque tous étrangers au droit, pourraient se laisser entraîner à leur insu par des considérations étrangères à la science. Ce que nous disons du conseil royal est vrai à plus forte raison du ministre, dont la position est beaucoup moins stable. Son choix entre les trois candidats. proposés serait-il toujours à l'abri des influences parlementaires? La nomination aux chaires vacantes ne deviendrait-elle pas un moyen de raffermir le pouvoir ébranlé, et ne compterait-elle pas bientôt inter instrumenta regni? Ges inconvénients sont trop frappants pour que nous ayons besoin d'y insister davantage.

Terminons par une considération qui domine la matière « L'institution du concours, dit M. Wolowski, » a emprunté un faux vernis de libéralisme. » Ces expressions nous ont étrangement surpris sous la plume d'un écrivain qui a toujours professé des opinions sagement démocratiques. Eh quoi! le système qui repose sur la publicité, sur l'appel aux lumières et à la conscience de tous les juges compétents, serait le faux libéralisme! Et le vrai libéralisme consisterait dans l'invocation occulte des influences politiques et académiques! S'il en était ainsi, il faudrait dire, pour être conséquent, que la publicité de la tribune, la publicité des audiences de nos tribunaux, etc., ne sont que des illuII 3 SERIE.

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sions, et qu'il n'y a de vrai libéralisme que dans les gouvernements où l'on s'abstient de soumettre aucun acte au contrôle de l'opinion publique! C'est au bon sens de tout lecteur raisonnable à faire justice de cette contradiction flagrante.

Dans le cas où, comme je n'en doute pas, Messieurs, vous prendriez le même intérêt que moi à l'institution du concours, vous pouvez compter sur ma collaboration, toutes les fois qu'il s'agira de défendre la science contre les envahissements de la politique et de l'intrigue. Veuillez recevoir l'assurance de la considération distinguée avec laquelle j'ai l'honneur d'être etc.

E. BONNIER.

XLIII. Distribution des prix aux étudiants de la faculté de droit de Paris, le 26 avril 1843.

L'intérêt qui s'attache à ces solennités va croissant chaque année. Les magistrats et les jurisconsultes s'y rendent avec empressement, et donnent par leur présence plus d'éclat et de valeur aux récompenses si honorables que la faculté distribue à ses élèves.

A trois heures M. Blondeau, doyen, est entré dans la salle précédé des appariteurs, et suivi de MM. Demante, Royer-Collard, Pellat, Valette, Oudot, Ortolan et Perreyve, professeurs, et de MM. Macarel, Ferry, Bonnier, Roustain et Colmet-d'Aage, suppléants. M. le doyen a pris la parole pour rendre compte des travaux de l'école pendant l'année 1842.

Il a rappelé la mort prématurée de M. Poncelet et ses titres scientifiques; il a retracé en peu de mots la longue et honorable carrière de M. de Gerando, et payé a ses deux collègues le juste tribut de regrets qui leur est

dû; il a indiqué le changement survenu dans le nombre des élèves, signalé les résultats des examens, et rendu hommage au zèle des professeurs.

Un esprit comme celui de M. Blondeau ne peut longtemps s'arrêter sur des détails de ce genre. Après avoir dit tout ce qui était convenable et utile à cet égard, il jeté un coup d'œil sur les tendances de l'enseignement du droit.

« Notre enseignement, a-t-il dit, considéré dans son ensemble, a été l'objet de nouvelles critiques.

» De même qu'à toutes les époques antérieures, les reproches qu'on nous a adressés ont été contradictoires.

» D'un côté, on a prétendu que nous donnions trop à l'histoire du droit et à ses théories; de l'autre côté, on nous a accusés de négliger les études historiques et philosophiques.

» Les concours de cette année fourniront au professeur chargé de vous en exposer les résultats, l'occasion d'expliquer quelle doit être la part de l'histoire dans les études juridiques, et prouveront que la faculté sait inspirer à ses élèves le goût des recherches historiques, sans détriment pour l'étude des textes en vigueur.

» Mon jeune et savant collègue répondra, en même temps, aux personnes qui trouvent trop forte la part que nous faisons à la philosophie.

Ma tâche se bornera à quelques explications offertes à celles qui voudraient, au contraire, nous engager plus avant dans les spéculations métaphysiques.

» Suivant ces personnes, « Pour les jurisconsultes, la » loi positive en tout; la loi naturelle n'est qu'un pré

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jugé; et ceux qui devraient enseigner le droit se ré» duisent à soutenir que le droit n'est rien, ou qu'il n'y » a pas d'autre droit que la force. »

» Gardons-nous, messieurs, de confondre ce qui est du domaine de la philosophie avec ce qui appartient à la jurisprudence.

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L'objet de la jurisprudence, c'est la connaissance et l'application des règles dont les pouvoirs politiques, établis chez les différents peuples, assurent l'accomplissement, en employant au besoin la force publique contre les réfractaires.

» Indépendamment des vérités ontologiques et psychologiques que la philosophie a mission de reconnaître, indépendamment des principes de logique qu'elle élabore au profit de toutes les sciences, elle fait sortir de l'étude approfondie de nos facultés un second genre de règles pour la conduite humaine.

» Des philosophes ont cru pouvoir appliquer à ces règles le mot loi, qui, selon toute apparence, ne signifiait dans l'origine que les règles émanées des pouvoirs politiques; les mots droit et obligation ont suivi la condition du mot loi.

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Quelques jurisconsultes ont vu des inconvénients dans cette extension des mots techniques qui expriment les notions fondamentales de la jurisprudence, et ils se sont élevés contre les expressions : loi naturelle, droit naturel, obligation naturelle, non pas en les accusant d'être vides de sens, mais en leur reprochant d'être l'occasion d'un sophisme trop fréquent dans presque toutes les sciences, et qui consiste en ce que, sans autre raison que la communauté de nom, on applique à une chose ce qui est établi pour une autre.

>> Ces jurisconsultes n'ont jamais prétendu qu'il n'existât, en dehors des lois positives, aucune règle de conduite humaine.

» Il n'y aurait donc entre eux et les partisans du droit

naturel qu'une simple question de mot, si ces derniers ne se laissaient pas entraîner et ne cherchaient pas à entraîner les autres par le sophisme dont je viens de parler, c'est-à-dire, s'ils n'avaient pas la prétention d'obtenir, pour ce qu'ils appellent la loi naturelle, la même obéissance qu'on accorde à la loi positive chez tous les peuples civilisés.

»

Quelques-uns vont même plus loin.

« Si une loi humaine, dit l'un d'eux, nous ordonne » une chose défendue par la loi naturelle, nous sommes » tenus de transgresser cette loi humaine.

» Il est évident qu'une telle prétention tend à substituer la raison individuelle, avec toutes ses variations, avec toutes ses incertitudes, à la raison commune, au sens commun, dont les législateurs de chaque État ne sont que les interprètes.

» Si le droit naturel ainsi compris est ce qu'on voudrait nous faire accepter comme un bienfait de la philosophie, nous continuerons à refuser ce funeste présent, et nous croirons devoir nous défendre contre les envahissements d'une doctrine qui nous paraît destructive, non pas seulement de toute science juridique, mais de toute organisation sociale.

» Que les philosophes se contentent de recommander l'étude des facultés humaines au législateur, comme devant offrir une base à ses prescriptions, et, au jurisconsulte, comme moyen de perfectionner les théories de l'interprétation des lois et des actes privés, de la preuve des événements légaux et de l'imputabilité des actions humaines; qu'ils nous aident à éviter les faux raisonnements, et nous apprennent à améliorer nos classifications et notre nomenclature; alors, messieurs, il n'est aucun de nous qui ne s'empresse de reconnaître la salu

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