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XLVII. LIBERTÉ PROVINCIALE.

De l'administration provinciale en Belgique.

Par M. Thibault LEFEBVRE, avocat à la cour royale de Paris.

Les temps attendus par les socialistes modernes sont loin encore. Les dissemblances des législations les plus rapprochées des peuples les plus semblables, le prouveraient de reste s'il en était besoin. De tous les peuples, aucuns peut-être ne se touchent par des points de contact plus nombreux que le Belge et le Français : même langue, mêmes lois, mœurs presque identiques, climat peu différent, intérêts longtemps confondus; presque tout les rapproche. Longtemps membres d'un même empire, nés tous deux à la même liberté, dans un même temps, à l'aide d'une révolution contemporaine, ils ont établi une même division des pouvoirs, un même système judiciaire, financier, militaire : je le répète, presque tout les assimile. Eh bien! comparez ensemble les lois faites sur les mêmes objets, dans les mêmes vues, presque au même moment, chez les deux peuples, et si des affinités nombreuses vous frappent d'abord, bientôt l'étude fait jaillir des dissemblances dont le nombre vous éblouit et la contrariété vous surprend.

L'article 69 de la Charte de 1830 promit à la France des institutions départementales fondées sur un système électif : les lois du 22 juin 1833 et du 10 mai 1838, ont réalisé cette promesse'. La constitution belge, par son

'L'auteur de cet article a expliqué ces deux lois dans un volume intitulé : Constitution et Pouvoirs des conseils généraux et des conseils d'arrondissement, publié en 1843.

article 108, promit à la Belgique des institutions provinciales basées sur l'élection directe, la publicité des séances, la publication des budgets et des comptes, et l'attribution aux conseils provinciaux de tout ce qui est d'intérêt provincial: une loi, en date du 30 avril 1836, a réalisé cette promesse.

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Dans tout acte administratif il y a deux opérations intellectuelles, deux idées philosophiques à considérer: la délibération dans laquelle on l'arrête, l'action par laquelle on l'exécute. Lorsque le législateur français organisa l'administration départementale, il ne nia pas la première, mais il la jeta dans l'ombre et se préoccupa surtout de la seconde. Administrer, selon lui, c'est agir or l'action exige une unité de vue, une homogénéité de volonté, une spontanéité de mouvements qui est le propre d'un seul. Un seul fut chargé de l'administration: ce fut le préfet. Le législateur belge s'arrêta à la première idée. L'action ne lui apparut que la conséquence, la suite de la délibération; selon lui, c'est au moment où l'on résout, où l'on arrête l'acte, qu'on administre bien plutôt qu'au moment où on l'exécute. L'exécution est une opération matérielle et secondaire : la résolution, la pensée qui la précède, est la partie saillante de l'acte. Or la délibération suppose un débat, un examen, une comparaison possible seulement à plusieurs. Le législateur belge plaça l'administration dans un corps délibérant l'agent actif, le gouverneur, ne fut plus que le passif exécuteur des ordres du corps. délibérant, du conseil provincial.

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Nous avons dit ailleurs (V. Constitution et Pouvoirs des conseils généraux et des conseils d'arrondissement) comment la loi française a réalisé ses théories; voyons comment le législateur belge a développé sa pensée.

La Belgique est divisée en neuf provinces, savoir : celle d'Anvers, de Brabant, de la Flandre occidentale et orientale, de Hainaut, de Liége, de Limbourg, de Luxembourg et de Namur. Dans chaque province il y a un conseil provincial, élu par les électeurs désignés par la loi, et un commissaire du gouvernement qui, le nom de gouverneur, est nommé et révoqué par

SOUS

le roi.

Tout Belge âgé de vingt-cinq ans accomplis, et qui paye la contribution directe voulue par la loi, est électeur. En France, pays d'unité, sans se préoccuper de la différence de richesse, d'aisance, de produits des divers départements, on a fixé un chiffre unique et invariable. La loi a dit : Quiconque, réunissant d'ailleurs les autres conditions légales, payera, dans quelque département que ce soit, deux cents francs de contributions directes, sera électeur. En Belgique on a varié le chiffre du cens contributif là où variaient l'aisance et la population. Le cens gradué sur cette double échelle monte ou descend, non-seulement de pro

1 Ce n'est pas sans motifs que nous soulignons le mot payer. La loi électorale du 3 mars 1831 portait que, pour être électeur, il fallait verser au trésor la somme déterminée. On en a conclu, en se cramponnant judaïquement à ce mot, qu'il n'était pas nécessaire de payer cette somme pour acquitter des contributions dues, mais qu'il suffisait de les verser au trésor. Un homme était donc électeur dans sa province, par exemple dans celle de Namur, si propriétaire ou non, censitaire ou non, il allait porter au percepteur 20 florins. Des tribunaux ont ainsi entendu la loi ; des hommes d'État se sont rencontrés qui ont soutenu un tel non sens politique. Une loi discutée en 1843 décide qu'il ne suffit pas de payer la somme fixée pour étre électeur, qu'il faut encore la payer en acquit de ses contributions.

vince à province, mais dans la même province de la campagne aux villes. Identique pour tous les citoyens des campagnes d'une même province, il est plus ou moins élevé dans les différentes villes de la même province, selon que la ville est plus ou moins peuplée. A l'exception du Limbourg, du Luxembourg, de Namur, dans lesquelles le cens s'abaisse, dans la première à vingt-cinq, dans les deux dernières à vingt florins, les électeurs des campagnes dans tout le royaume acquittent une contribution directe de trente florins au moins. Le chiffre du cens dans les villes d'une même province est bien plus varié. Prenez pour exemple la province d'Anvers; vous le verrez, de 35 florins à Turnhout et à Lierre, passer à 40 à Malines, et s'élever à 80 à Anvers. Ce dernier chiffre est le plus élevé qu'atteint dans toute la Belgique la cote contributive exigée: nulle part il n'est dépassé; on ne l'exige qu'à Anvers, à Bruxelles et à Gand. La modicité du cens qui descend, avons-nous dit, dans les campagnes de Luxembourg et de Namur, jusqu'à 20 florins, et peut, lorsque le chiffre des électeurs d'un canton est inférieur à 70, s'abaisser aux 475 du cens ordinaire (16 flor.), même aux 375 (12 flor.), quand le nombre ne dépasse pas 40, donne un chiffre d'électeurs tellement considérable, que le total des listes électorales de toute la Belgique surpasse celui des listes électorales de toute la France.

Les listes électorales dressées en France par les préfets, le sont en Belgique par les députations provinciales. La différence des attributions tient à la différence des systèmes. En France, le pouvoir a sur les élections départementales une influence légale fort étendue. Il compose les listes, connaît de la validité des élections vérifie les pouvoirs. L'autorité n'a sur les élections belges

qu'une action tellement affaiblie, qu'elle est tantôt insignifiante, tantôt complétement nulle. Elle est insignifiante, en ce qu'elle ne consiste qu'en des mesures préparatoires ou d'exécution pure; elle est nulle, en ce qu'elle ne porte ni sur la composition du corps électoral, ni sur les opérations auxquelles il se livre, ni sur les résultats auxquels il arrive. Le gouvernement, non plus que ses agents, ne connaissent ni de la formation des listes, ni de la validité des élections, ni de la vérification des pouvoirs. Ces soins sont confiés aux députations et aux conseils provinciaux.

La loi se réserve de régler par elle-même les opérations électorales, dont l'importance lui paraît plus grande. Ainsi les électeurs n'attendent pas comme en France une convocation du pouvoir pour se réunir et procéder aux élections des conseillers provinciaux. La loi, qui détermine agit beaucoup plus que le gouvernement, elle-même le jour de la réunion. Le quatrième lundi du mois de mai est le jour invariablement fixé. Tous les électeurs inscrits sur les listes s'assemblent au chef-lieu du canton électoral, sous la présidence du juge de paix ou du président du tribunal. Dans la ville chef-lieu, les quatre membres les moins âgés de la régence, partout ailleurs les quatre membres les moins âgés du conseil communal, sont nommés scrutateurs.

L'éligible qui obtient au moins la moitié plus un des suffrages exprimés, est élu. Tout Belge domicilié dans la province, et qui n'est ni en état de faillite ou d'interdiction judiciaire, ni sous le poids d'une condamnation à des peines afflictives ou infamantes, est éligible. Aucune condition de cens n'est exigée; pourtant on ne peut élire les employés du gouvernement de la province ou des arrondissements, les agents comptables de l'État ou de

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