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IX. L'associé commanditaire qui s'immisce dans la gestion de la société, peut-il être déclaré en faillite, si son patrimoine ne suffit pas au payement des dettes sociales?

Par M. DELANGLE, avocat général à la cour de cassation.

L'associé commanditaire qui s'immisce dans la gestion perd, aux termes de l'art. 28 du Code de commerce, les avantages attachés à sa position; il est déclaré débiteur solidaire. Et, il faut bien le remarquer, la solidarité qui lui est infligée n'est pas une peine au profit du créancier seulement, qui, traitant avec le commanditaire, a pu être induit en erreur. Cette solidarité s'étend à tous les engagements de la société, quels qu'en soient la date et l'objet; elle peut être invoquée par tous les créanciers sans distinction, aussi bien ceux que le commanditaire n'a jamais vus, que ceux avec lesquels il a eu des rapports.

Déchu de la qualité que le contrat lui confère, le commanditaire devient associé collectif : qu'importe, s'il en est ainsi, qu'il ait traité directement avec les créanciers? L'associé collectif, par cela seul qu'il est associé collectif, est obligé solidairement au payement des dettes sociales, de celles mêmes dont il n'a point eu connais

sance.

M. Pardessus s'est demandé si ces effets de l'immixtion étaient tellement absolus, que le commanditaire dont le patrimoine ne suffirait pas au payement des dettes sociales, pût être constitué en état de faillite, et voici comment il résout la question. (T. III, no 1037.) Sans doute, dit-il, les obligations du commanditaire envers les créanciers de la société, sont actes de II. 3 SERIE.

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commerce,

., de même que l'obligation limitée qu'il avait contractée de payer jusqu'à concurrence de sa mise; mais ce n'est là qu'un fait isolé qui ne le constitue pas commerçant.

» Ce point est d'une grande importance. Le commanditaire qui s'est immiscé dans la gestion, n'a probablement jamais songé à remplir les obligations spéciales que nous avons vues être imposées aux commerçants pour tenue de livres, publicité de son contrat de mariage, etc., etc. Ses créanciers particuliers, sa femme; n'ont pas dû le considérer comme commerçant. Leur faire subir l'application des dispositions spéciales aux créanciers et aux femmes des commerçants en faillite, ce serait donc tromper la foi publique.

» Les créanciers de la société n'y ont aucun intérêt. La seule différence qui existe entre le cas où le commanditaire n'a point géré, et celui où il a géré, consiste en ce que dans le premier ils ne peuvent pas lui demander plus que sa mise; que, dans le second, ils peuvent lui demander la totalité des dettes, quelque supérieures qu'elles soient à la mise. Or, pourrait-on dire dans le premier cas, que si un commanditaire devant encore à la société tout ou partie de sa mise, était hors d'état de la payer, les créanciers pourraient le faire déclarer en faillite, parce que son engagement est relatif à une société de commerce? Cependant quelle différence y a-t-il entre l'un et l'autre cas, sinon que dans le premier, l'obligation du commanditaire est limitée, et que dans le second elle est indéfinie ! »

Ce système n'est pas conforme au droit. Il est incontestable que la qualité de négociant ne résulte pas d'actes de commerce isolés, accidentels, et que le négociant seul peut être déclaré en faillite.

Mais est-il exact et légalement possible d'assimiler à un non-négociant qui a fait quelques actes de commerce le commanditaire qui a pris part à la gestion de la société dont il est membre ? Un associé collectif est négociant, et, comme tel, sujet à la contrainte par corps, à la faillite; personne n'en doute. La nature de la société s'étend aux personnes qui la composent, elle leur imprime sa qualité propre, elle déteint sur eux, pour ainsi parler. Les membres d'une société commerciale ne peuvent pas ne pas être commerçants. Quand l'objet de la société est de faire le commerce, uniquement, exclusivement, comment les associés, qui sont les agents directs de ce commerce, ne seraient-ils négociants ?

pas

Or, que devient le commanditaire, quand, déchu des priviléges de sa position exceptionnelle, il est soumis au payement indéfini des dettes de la société ? Nous l'avons déjà dit, et nous n'avons fait que répéter les paroles de Regnaud (de Saint-Jean d'Angély) au conseil d'État :

a

« Le commanditaire ne peut gérer sans devenir as» socié pur et simple et solidaire. »

Et c'est pour cela que, placé sur la même ligne que le gérant, il porte le poids de tous les engagements, de ceux mêmes dont la date remonte au delà de l'immixtion dans la gestion; le commanditaire, en ce cas, n'est pas admis à dire que le créancier qui a traité directement avec le gérant n'a pu se déterminer par la confiance que lui inspirait une solvabilité dont la convention sociale ne faisait point son gage: le commanditaire est censé avoir été dès l'origine associé solidaire : sa condition est la même absolument que celle du gérant.

Pourquoi donc, s'il ne paye pas le créancier qui le

poursuit, ne pourrait-il être mis en faillite? Pourquoi obtiendrait-il un privilége que ne peut invoquer le gérant, quand cependant, aux yeux des tiers, il n'est ni plus ni moins engagé? Par l'effet immédiat de la solidarité, le commanditaire est, à l'égard des créanciers, le représentant de la société, il est la société même ; la solidarité réunit et confond toutes les personnes pour n'en faire qu'un débiteur, passible de toutes les actions et de toutes les rigueurs qui s'y rattachent. Par l'immixtion il n'y a plus de commanditaires; il n'y a plus que des associés collectifs : le privilége s'est éteint avec la cause qui l'engendrait.

Admettre le système de M. Pardessus, c'est supposer une chose légalement impossible, l'existence simultanée de deux qualités qui s'excluent, la qualité d'associé collectif et la qualité de commanditaire. Quel motif, en effet, met le commanditaire à l'abri de l'action des tiers, sinon celui-ci qu'il n'est engagé que pour la mise, qu'il n'a traité qu'avec le gérant, que s'il a donné de l'argent pour faire le commerce, il n'est cependant pas commerçant ; qu'il n'est qu'un bailleur de fonds de tout point étranger à l'administration?

Or, quand les tribunaux ont déclaré que, ne respectant pas les exigences de sa position, le commanditaire est sorti de l'inaction qui lui est imposée, qu'il a géré; la société collective, avec toutes ses conséquences, remplace la société en commandite, la qualification originaire cède aux faits d'immixtion. Évidemment donc, dire que l'associé qui a perdu la qualité de commanditaire en conserve encore la prérogative, en ce sens qu'il ne devient pas négociant sujet à la faillite, c'est admettre le concours de qualités contraires. Quand l'art. 28 du Code de comm. déclare que l'associé commanditaire qui s'immisce

dans la gestion est obligé solidairement avec les associés collectifs pour toutes les dettes et engagements de la société, il dit aussi énergiquement qu'il est possible, que la qualité est indivisible, et que désormais c'est l'art. 22 qui régit le sort du commanditaire.

Ce n'est pas tout : M. Pardessus raisonne comme si l'art. 28 du Code de commerce avait été fait uniquement pour le cas où l'associé commanditaire, traitant accidentellement avec un tiers, compromet sa qualité. Or, sans parler du cas où un homme sans consistance a été institué gérant pour laisser à ses prétendus commanditaires la faculté de duper le public, ne peut-il pas arriver que des commanditaires, trop dociles aux conseils de la méfiance, organisent la gestion de telle manière que le gérant ne soit qu'un instrument, une sorte d'automate obéissant à l'impulsion qu'il reçoit, suivant le mouvement qu'on lui communique ?

La jurisprudence et la doctrine ont admis que la responsabilité devait peser sur ceux qui ont eu en réalité la direction de l'entreprise. La solidarité remonte à sa source. Or, en ce cas, y aurait-il possibilité de nier que ces commanditaires de nom, associés collectifs de fait et d'intention, soient commerçants? Oserait-on soutenir que lorsque pendant plusieurs années ils ont fait le commerce, car c'est faire le commerce que de régler les opérations à faire, on ne peut les constituer en faillite; et que la qualité qu'ils ont prise, qualité fictive, les protége contre l'exercice d'un droit que la loi commerciale accorde aux créanciers?

Non, à moins qu'on ne veuille sacrifier le fond à la forme, il faut reconnaître qu'en pareille circonstance toutes les actions dont est passible le commerçant qui ne satisfait pas à ses obligations, la contrainte par corps, la

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