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CHAPITRE XI.

Politique et Gouvernement.

LA coutumé qui accordoit le premier rang au clergé dans les assemblées des nations modernes, tenoit au grand principe religieux que l'antiquité entière regardoit comme le fondement de l'existence politique. « Je ne sais, dit Cicéron, si anéantir la piété envers les dieux, ce ne seroit point aussi anéantir la bonne foi, la société du genre humain, et la plus excellente des vertus, la justice (1). › Haud scio an, pietate ad versùs deos sublatâ, fides etiam, et societas humani generis, et una excellentissima virtus, justitia, tollatur.

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Puisqu'on avoit cru jusqu'à nos jours que la religion est la base de la société civile, ne faisons pas un crime à nos pères d'avoir pensé comme Platon, Aristote Cicéron, Plutarque, et d'avoir mis l'autel et ses ministres au degré le plus éminent de l'ordre social.

(1) De Nat. Deor. I, 2.

Mais si personne ne nous conteste sur ce point l'influence de l'Eglise dans le corps politique, on soutiendra peut-être que cette influence a été funeste au bonheur public et à la liberté. Nous ne ferons qu'une réflexion sur ce vaste et profond sujet : remontons un instant aux principes généraux d'où il faut toujours partir quand on veut atteindre à quelque vérité.

La nature, au moral et au physique, semble n'employer qu'un seul moyen de création; c'est de mêler, pour produire, la force à la douceur. Son énergie paroît résider dans la loi générale des contrastes. Si elle joint la violence à la violence, ou la foiblesse à la foiblesse, loin de former quelque chose, elle détruit par excès ou par défaut. Toutes les législations de l'antiquité offrent ce système d'opposition, qui enfante le corps politique.

Cette vérite une fois reconnue, il faut chercher les points d'opposition: il nous semble que les deux principaux résident, l'un dans les mœurs du peuple, l'autre dans les institutions à donner à ce peuple. S'il est d'un caractère timide et foible, que sa constitution soit hardie et robuste; s'il est

fier, impétueux, inconstant, que son gouvernement soit doux, modéré, invariable. Ainsi, la théocratie ne fut pas bonne aux Egyptiens; elle les asservit sans leur donner les vertus qui leur manquoient : c'étoit une nation pacifique; il lui falloit des institutions militaires.

L'influence sacerdotale, au contraire, produisit à Rome des effets admirables : cette reine du monde dut sa grandeur à Numa, qui sut placer la religion au premier rang chez un peuple de guerriers : qui ne craint pas les hommes, doit craindre les dieux.

Ce que nous venons de dire du Romain s'applique au Français. Il n'a pas besoin d'être excité, mais d'être retenu. On parle du danger de la théocratie; mais chez quelle nation belliqueuse un prêtre a-t-il conduit l'homme à la servitude?

C'est donc de ce grand principe général qu'il faut partir, pour considérer l'influence du clergé dans notre ancienne constitution, et non pas de quelques détails particuliers, locaux et accidentels. Toutes ces déclamations contre la richesse de l'Eglise, contre son ambition, sont de petites vues d'un sujet immense; c'est considérer à peine la

surface des objets, et ne pas jeter un coup d'œil ferme dans leurs profondeurs. Le christianisme étoit, dans notre corps politique, comme ces instrumens religieux dont les Spartiates se servoient dans les batailles, moins pour animer le soldat, que pour modérer son ardeur.

Si l'on consulte l'histoire de nos étatsgénéraux, on verra que le clergé a toujours rempli ce beau rôle de modérateur. Il calmoit, il adoucissoit les esprits; il prévenoit les résolutions extrêmes. L'Eglise avoit seule de l'instruction et de l'expérience, quand des barons hautains et d'ignorantes communes ne connoissoient que les factions et une obéissance absolue; elle seule, par l'habitude des synodes et des conciles, savoit parler et délibérer; elle seule avoit de la dignité, lorsque tout en manquoit autour d'elle. Nous la voyons tour à tour s'opposer aux excès du peuple, présenter de libres remontrances aux rois, et braver la colère des nobles. La supériorité de ses lumières, son génie conciliant, sa mission de paix, la nature même de ses intérêts, devoient lui donner en politique des idées généreuses, qui manquoient aux deux autres ordres. Placée entre ceux-ci,

elle avoit tout à craindre des grands, et rien des communes, dont elle devenoit, par cette seule raison, le défenseur naturel. Aussi la voit-on, dans les momens de troubles, voter de préférence avec les dernières. La chose la plus vénérable qu'offroient nos anciens états-généraux, étoit ce banc de vieux évêques qui, la mitre en tête et la crosse à la main, plaidoient tour à tour la cause du peuple contre les grands, et celle du souverain contre des seigneurs factieux.

Ces prélats furent souvent la victime de leur dévouement. La haine des nobles contre le clergé fut si grande au commencement du treizième siècle, que saint Dominique se vit contraint de prêcher une espèce de croisade, pour arracher les biens de l'Eglise aux barons, qui les avoient envahis. Plusieurs évêques furent massacrés par les nobles, ou emprisonnés par la cour. Ils subissoient tour à tour les vengeances monarchiques, aristocratiques et populaires.

Si vous voulez considérer plus en grand l'influence du christianisme sur l'existence politique des peuples de l'Europe, vous verrez qu'il prévenoit les famines, et sauvoit nos ancêtres de leurs propres fureurs, en

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