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gouvernement de l'Amérique, et particulièrement les vices des dispositions faites par Ximenès. La mémoire de Ferdinand étoit odieuse aux Flamands. La vertu et les talens de Ximenès avoient été pour eux des motifs de jalousie. Ils désiroient vivement de trouver des prétextes plausibles pour condamner les mesures du ministre et du défunt monarque, et pour décrier la politique de l'un et de l'autre. Les amis de Don Diego Colomb, aussi bien que les courtisans espagnols qui avoient eu à se plaindre de l'administration du cardinal, se joignirent à Las Casas pour désapprouver la commission des surintendans en Amérique. Cette union de tant de passions et d'intérêts divers devint si puissante, que les Hieronymites et Zuazo furent rappelés. Rodrigue de Figueroa, jurisconsulte estimé, fut nommé premier juge de l'île, et reçut des instructions nouvelles d'après les instances de Las Casas, pour examiner encore avec la plus grande attention la question importante élevée entre cet ecclésiastique et les colons, relativement à la manière dont on devoit traiter les Indiens. Il étoit autorisé, en attendant, à faire tout ce qui seroit possible pour soulager leurs maux et prévenir leur entière destruction (1).

» Ce fut tout ce que le zèle de Las Casas put obtenir alors en faveur des Indiens. L'impossibilité de faire faire aux colonies aucun progrès, à moins que les colons espagnols ne pussent forcer ks

(1) Herrera, decad. 2, lib. II, cap. 16, 19, 21; lib. III, cap. 7, 8.

Américains au travail, étoit une objection insurmontable à l'exécution de son plan de la liberté. Pour écarter cet obstacle, Las Casas proposa d'acheter, dans les établissemens des Portugais à la côte d'Afrique, un nombre suffisant de noirs, et de les transporter en Amérique, où on les emploîroit comme esclaves au travail des mines et à la culture du sol. Les premiers avantages que les Portugais avoient retirés de leurs découvertes en Afrique, leur avoient été procurés par la vente des esclaves. Plusieurs circonstances concouroient à faire revivre cet odieux commerce, aboli depuis long-temps en Europe, et aussi contraire aux sentimens de l'humanité qu'aux principes de la religion. Dès l'an 1503, on avoit envoyé en Amérique un petit nombre d'esclaves nègres (1). En 1511, Ferdinand avoit permis qu'on y en portât en plus grande quantité (2). On trouva que cette espèce d'hommes étoit plus robuste que les Américains, plus capable de résister à une grande fatigue, et plus patiente sous le joug de la servitude. On calculoit que le travail d'un noir équivaloit à celui de quatre Américains (3). Le cardinal Ximenès avoit été pressé de permettre et d'encourager ce commerce, proposition qu'il avoit rejetée avec fermeté, parce qu'il avoit senti combien il étoit injuste de réduire une race d'hommes en esclavage, en délibérant sur les moyens de

(1) Herrera, decad. x, lib. V, cap, 12. (2) Id. ibid. lib. VIII, cap. 9.

(3) Id. ibid. lib. IX, cap. 5.

rendre la liberté à une autre (1). Mais Las Casas, inconséquent comme le sont les esprits qui se portent avec une impétuosité opiniâtre vers une opinion favorite, étoit incapable de faire cette réflexion. Pendant qu'il combattoit avec tant de chaleur pour la liberté des habitans du NouveauMonde, il travailloit à rendre esclaves ceux d'une autre partie; et dans la chaleur de son zèle pour sauver les Américains du joug, il prononçoit sans scrupule qu'il étoit juste et utile d'en imposer un plus pesant encore sur les Africains. Malheureusement pour ces derniers, le plan de Las Casas fut adopté. Charles accorda à un de ses courtisans flamands le privilége exclusif d'importer en Amėrique quatre mille noirs. Celui-ci vendit son privilege pour vingt-cinq mille ducats à des marchands génois, qui les premiers établirent avec une forme régulière en Afrique et en Amérique ce commerce d'hommes, qui a reçu depuis de si grands accroissemens (2).

» Mais les marchands génois, conduisant leurs opérations avec l'avidité ordinaire aux monopoleurs, demandèrent bientôt des prix si exorbitans des noirs qu'ils portoient à Hispaniola, qu'on y en vendit trop peu pour améliorer l'état de la colonie. Las Casas, dont le zèle étoit aussi inventif qu'infatigable, eut recours à un autre expédient pour soulager les Indiens. Il avoit observé que le plus grand nombre

(1) Herrera, decad. 2, lib. II, cap. 8. (2) Id. decad. x, lib. II, cap. 20.

de ceux qui jusque-là s'étoient établis en Amérique, étoient des soldats ou des matelots employés à la découverte ou à la conquête de ces régions, des fils de familles nobles, attirés par l'espoir de s'enrichir promptement, ou des aventuriers sans ressource, et forcés d'abandonner leur patrie par leurs crimes ou leur indigence. A la place de ces hommes avides, sans mœurs, incapables de l'industrie pcrsévérante et de l'économie nécessaire dans l'établissement d'une colonie, il proposa d'envoyer à Hispaniola et dans les autres îles, un nombre suffisant de cultivateurs et d'artisans, à qui on donneroit des encouragemens pour s'y transporter; persuadé que de tels hommes, accoutumés à la fatigue, seroient en état de soutenir des travaux dont les Américains étoient incapables par la foiblesse de leur constitution, et que bientôt ils deviendroient eux-mêmes par la culture, de riches et d'utiles citoyens. Mais quoiqu'on eût grand besoin d'une nouvelle recrue d'habitans à Hispaniola, où la petite vérole venoit de se répandre et d'emporter un nombre considérable d'Indiens, ce projet, quoique favorisé par les ministres flamands, fut traversé par l'évêque de Burgos, que Las Casas trouvoit toujours en son chemin (1).

» Las Casas commença alors à désespérer de faire aucun bien aux Indiens dans les établissemens déjà formés. Le mal étoit trop invétéré pour céder aux remèdes. Mais on faisoit tous les jours des dé

(1) Herrera, decad. 2, lib. II, cap. 21.

couvertes nouvelles dans le continent, qui donnoient de hautes idées de sa population et de son étendue. Dans toutes ces régions, il n'y avoit encore qu'une seule colonie très-foible, et si l'on en exceptoit un petit espace sur l'isthme de Darien, les naturels étoient maîtres de tout le pays. C'étoit là un champ nouveau et plus étendu pour le zèle et l'humanité de Las Casas, qui se flattoit de pouvoir empêcher qu'on n'y introduisît le pernicieux système d'administration qu'il n'avoit pu détruire dans des lieux où il étoit déjà tout établi. Plein de ces espérances, il sollicita une concession de la partie qui s'étend le long de la côte, depuis le golfe de Paria jusqu'à la frontière occidentale de cette province, aujourd'hui connue sous le nom de Sainte-Marthe. Il proposa d'y établir une colonie formée de cultivateurs, d'artisans et d'ecclésiastiques. Il s'engagea à civiliser, dans l'espace de deux ans, dix mille Indiens, et à les instruire assez bien dans les arts utiles pour pouvoir tirer de leurs travaux et de leur insdustrie un revenu de quinze mille ducats au profit de la couronne. Il promettoit aussi qu'en dix ans sa colonie auroit fait assez de progrès pour rendre au gouvernement soixante mille ducats par an. 11 stipula qu'aucun • navigateur ou soldat ne pourroit s'y établir, et qu'aucun Espagnol n'y mettroit les pieds sans sa permission. Il alla même jusqu'à vouloir que les gens qu'il emmèneroit eussent un habillement particulier, différent de celui des Espagnols, afin que les Indiens de ces districts ne les crussent pas de la même race d'hommes qui avoient apporté tant

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