Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Jouffroy passa donc sa vie au milieu de ces irrésolutions, et nous avons lieu de craindre qu'il ne soit mort sceptique. Néanmoins, dans sa dernière maladie, quelques jours seulement avant sa mort, il disait, à l'occasion de quelques philosophies irréligieuses dont on lui parlait Hélas! tous ces systèmes ne mènent à rien; mieux vaut mille et mille fois un bon acte de foi chrétienne.

2o Ce qu'il faut penser de ceux qui prétendent que l'âme est dans
une dépendance absolue des organes.

Nous avons vu les sceptiques méconnaître la nature humaine, en refusant à l'intelligence la certitude rationnelle de certaines vérités; les physionomistes et les phrénologues ne l'ont pas moins méconnue quand ils ont refusé à l'âme la liberté, sous le prétexte d'une dépendance absolue des organes, du cerveau surtout 1. Nous n'avons pas un sentiment moins vif de notre liberté que de la certitude, le défaut de liberté n'anéantirait pas moins pour nous l'ordre moral que ne le ferait un doute universel. Nous devons donc rejeter comme fausse toute théorie sur l'organisation de l'homme qui

Revue indépendante, numéro du 1er novembre 1842. Les dernières paroles que nous allons citer ont été dites par Jouffroy à un ecclésiastique de Paris qui était venu le visiter dans le cours de sa dernière maladie.

1 Il est facile de remarquer, à ce seul exposé, que nous ne blâmons pas indistinctement toutes les théories des phrénologues et des physionomistes, mais celles-là seulement qui sont nées du matérialisme, et qui blessent la liberté humaine; nous ne les envisageons ici qu'à ce point de vue.

tendrait à le mettre sous une dépendance des organes, incompatible avec la liberté.

Jugeons par là des systèmes sur la physionomie, sur le développement de l'angle facial et sur l'état du crâne; car on a voulu déterminer le caractère par la physionomie, la capacité intellectuelle par le développement du front, les inclinations et aptitudes par certaines protubérances observées sur le crâne.

Nous ne contestons pas que les dispositions de l'âme, quand elles sont bien prononcées, ne se réfléchissent au dehors c'est une suite naturelle de l'union de l'âme et du corps. La physionomie de l'homme révèle les pensées de son âme ; ses yeux expriment, dans un langage plein de vivacité, les affections qui le préoccupent: là se peignent la douceur et la majesté, les passions qui l'agitent, comme les vertus, la candeur, l'innocence, qui l'embellissent. Cependant on s'exposerait à de bien graves erreurs si on voulait toujours juger l'homme sur cet extérieur, car souvent il est tout autre qu'il ne paraît. L'expérience dit assez avec quelle circonspection nous devons apprécier les caractères, pour éviter des jugements téméraires.

Cette réserve ne doit pas être moins grande quand on veut mesurer, en quelque sorte, les aptitudes intellectuelles par la seule proéminence du front. On sait que dans les natures cultivées, l'angle facial est généralement plus avancé que chez les peuples sauvages; ce qui fait présumer qu'il y a ordinairement du rapport entre le développement de cette partie et celui des facultés intellectuelles. Mais ce rapport est-il facile à constater relativement à l'individu ? Les phrénologues ont-ils jamais

pu s'accorder dans leurs systèmes? Ces systèmes sont-ils autre chose, sur les points les plus essentiels, que des hypothèses ou des suppositions gratuites? N'est-il pas arrivé souvent que l'on n'a pu assigner de différence sensible entre le front d'un homme ordinaire, ou même idiot, et celui d'un homme distingué par la profondeur et l'étendue de son intelligence?... Donc on ne peut déduire que des conjectures du développement frontal observé dans tel ou tel individu.

Elles seraient plus faibles encore, les conjectures que l'on voudrait établir sur certaines proéminences du crâne pour déterminer les aptitudes spéciales et les inclinations de chacun. Ceux qui ont voulu établir là-dessus un système ont supposé d'abord qu'à chaque faculté et à chaque inclination de l'homme correspond une circonvolution du cerveau; ils ont dit ensuite que cette faculté s'exerce selon le développement de la partie du cerveau qui lui correspond; et, enfin, que cette extension de telles parties du cerveau produit sur les crânes les protubérances qu'on y remarque, de sorte que la conformation extérieure du crâne est parfaitement adaptée à celle du cerveau..... Il ne nous appartient pas de discuter ici avec les savants sur l'anatomie du corps humain. Contentons-nous de dire que comme on ne peut faire d'observations sur le cerveau d'un individu qu'après sa mort, quand, par conséquent, toute opération a cessé, on ne peut aussi déterminer avec certitude les rapports qui existeraient entre les facultés de l'âme et les parties du cerveau. Qui a dit à nos savants qu'une même partie ou circonvolution du cerveau ne sert pas indifféremment aux facultés, et, par suite, aux opérations les plus di

verses? Comment savent-ils qu'il y a dans le cerveau tout autant de parties distinctes, ayant chacune sa destination, qu'il peut y avoir d'aptitudes, d'inclinations, dans les hommes?... Pourraient-ils même prouver que le cerveau n'est pas un organe unique? La science est probablement bien loin encore d'avoir résolu ces doutes, et, jusqu'à ce que solution en ait été donnée, les phrénologues avanceront des assertions arbitraires que nous serons en droit de contester.

Au reste, quoi qu'il en soit de ces assertions ou de ces systèmes, que nous ne devons pas discuter ici, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas un rapport entre telle conformation extérieure de la tête et telle faculté, aptitude ou inclination, nous n'en sommes pas moins certains de la liberté humaine. Nous avons, tous les hommes ont comme, nous la conscience de cette liberté, malgré l'influence que l'organisation de nos corps peut avoir sur nos âmes, et cela nous suffit. Le bon sens ne permet jamais d'abandonner, pour quelques conjectures, une vérité incontestable1.

Bien loin de reconnaître l'asservissement de l'âme aux organes, nous pourrions, d'après les hypothèses des phrénologues, mais en prenant un autre point de départ, dire que c'est par l'exercice des facultés intellectuelles que l'on parvient à modifier et à perfectionner les aptitudes physiques. Une observation faite sur les peuples sauvages est que leur organisation est imparfaite, relativement à celle des peuples civilisés, et que ces défauts de conformation, tels que l'aplatissement de la partie antérieure de la tête, la prédominance de la partie postérieure, etc., diminuent et finissent par disparaître à mesure que leurs mœurs se modifient et qu'ils se forment d'autres habitudes. S'il en est ainsi, comme l'ont assuré plusieurs observateurs, nous demanderons : qui est-ce qui amène un pareil changement? Est-ce par les sens, par les jouissances ma

Sans revenir sur ce que nous avons dit plus haut à ce sujet, que l'on étudie l'expérience: elle tient un langage tout autrement décisif que les théories incertaines de la science sur l'organisation intime de l'homme, que nous connaissons si peu. L'Évangile est prêché parmi nous à des hommes de tout caractère et de tout tempérament; il est annoncé aux peuples les plus différents entre eux par les circonstances du sol et des habitudes; peuples enfants, sur qui les sens et l'imagination paraissent exercer une action si grande, peuples abrutis par les passions, peuples usés quelquefois par la civilisation; n'importe, il est porté à tous sans exception. Eh bien ! parmi nous, comme au milieu de ces peuples, la parole divine, tombée sur des âmes qui paraissaient sans énergie, dominées par des impressions organiques, ou même flétries et corrompues par de mauvaises passions, leur a communiqué une vie nouvelle. Le prêtre, chargé de ce travail de moralisation, ne s'est pas inquiété des obstacles que le tempérament pourrait mettre à son œuvre, il n'a pas examiné la forme ni le volume des crânes de ceux à qui il s'adressait, mais il a eu foi dans la liberté de l'âme et dans l'influence de la grâce et son

térielles, par des soins médicaux, que l'on fait passer un peuple de l'état sauvage à la civilisation? N'est-ce pas, au contraire, par les doctrines qu'on lui enseigne et par les règles morales qu'on lui fait observer?

Donc, au lieu d'attribuer aux conformations du cerveau et du crâne une action nécessitante sur l'âme, nous serions, au contraire, en droit de dire que c'est l'âme qui agit sur le cerveau, qui le modifie et l'agrandit, par l'exercice fréquent des facultés intellectuelles, et pour nous servir de l'heureuse expression d'un écrivain, que l'ame fait son corps.

« ÖncekiDevam »