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(N° 15 )

LETTRE PASTORALE

DE MONSEIGNEUR LOUIS-NAZAIRE BEGIN,

ARCHEVÊQUE DE QUÉBEC,

ORDONNANT UN TRIDUUM SOLENNEL EN L'HONNEUR DE

SAINT JEAN-BAPTISTE DE LA SALLE,

FONDATEUR DE L'INSTITUT DES FRÈRES DES ECOLES CHRÉTIENNES

LOUIS-NAZAIRE BEGIN, PAR LA GRACE DE DIEU ET DU SIÈGE APOSTOLIQUE, ArchevÊQUE DE QUÉBEC.

Au Clergé Séculier et Régulier, aux Communautés Religieuses et á tous les Fidèles de notre diocèse, Salut et Bénédiction en Notre-Seigneur.

Nos Très Chers Frères,

Douze ans à peine se sont écoulés depuis que l'Eglise, pleinement instruite de l'héroïcité des vertus et de la sainteté de vie du Vénérable Fondateur de l'Institut des Frères des Ecoles Chrétiennes, inscrivait son nom au catalogue des Bienheureux. Notre église cathédrale retentit encore des voix éloquentes qui

ont exalté l'humble prêtre et rendu grâces à Dieu, auteur et rémunérateur de toute sainteté, d'avoir couronné son serviteur.

Depuis cette date mémorable, ce même Dieu, magnifique dans ses dons, a daigné ratifier le jugement de son Eglise sur la terre. Par l'intercession du Bienheureux Jean-Baptiste de la Salle, les miracles, preuves indéniables de son crédit auprès de Dieu, se sont multipliés, et le Vicaire de Jésus-Christ, cédant aux vœux de la catholicité, a voulu que, avant de laisser notre siècle disparaître, un astre de plus brillât au firmament de la sainte Eglise.

Le jour fixé pour ce glorieux événement fut le 24 mai 1900, jour solennel pour le monde catholique, et en particulier pour l'Institut né de l'inspiration et du zèle du saint Fondateur, jour de pieuse allégresse pour l'Eglise de Québec qui doit tant au dévouement des fils de Jean-Baptiste de la Salle.

Dans la canonisation d'un Saint, Nos Très Chers Frères, il faut voir, sans doute, la plus haute sanction de la vertu et du mérite. L'Eglise, par son décret solennel, affirme d'une manière pratique, une de ses notes essentielles et distinctives. Elle se montre vraiment Sainte, puisque, avant de déclarer Saint un de ses enfants, elle a dû, par la grâce dont elle est la dépositaire, l'engendrer à la sainteté et le conduire comme par la main jusqu'au seuil du paradis.

Mais il est une autre de ses prérogatives qu'elle a voulu proclamer dans la canonisation du Bienheureux Jean-Baptiste de la Salle c'est son magistère suprême et universel, ce droit d'enseigner dont l'a investie son divin Chef et Fondateur, quand il dit à ses Apôtres : «Allez, enseignez toutes les nations. » Droit inaliénable, devoir sacré dont l'Eglise ne saurait jamais être frustrée, puisque Jésus-Christ est avec elle jusqu'à la consommation des siècles.

Ce magistère regarde, sans doute, premièrement la foi et les mours; il regarde aussi, par conséquent, la vie chrétienne tout entière, dans son éclosion, son évolution et sa perfection. Or, l'éducation et l'instruction en sont les instruments indispensables

et inséparables. Ceux qui élèvent l'enfant pour la vie chrétienne, le dressent en même temps pour ses devoirs sociaux; car il n'y a pas en lui deux hommes, le chrétien et le citoyen, mais un seul, destiné à être simultanément membre de deux sociétés, toutes deux voulues de Dieu et également obligées de lui obéir et de le servir pour atteindre leur fin. Une éducation indépendante de Dieu et de l'Eglise serait une monstruosité, digne fruit de la Révolution, mère des erreurs qui sont le fléau de notre siècle et le plus redoutable danger des temps modernes.

C'est donc l'éducation chrétienne que l'Eglise a voulu honorer dans la personne du glorieux Fondateur des Ecoles Chrétiennes. Il suffit de lire sa vie pour se convaincre qu'il a réalisé,

plus de deux siècles, le rêve le plus ardent de nos soidisant réformateurs de l'enseignement. Emule de son saint patron, qui est aussi celui de notre bien-aimé pays, il a été vraiment un précurseur dans la noble et sainte carrière de l'enseignement populaire. Le problème de l'instruction gratuite, dans le seul vrai sens du mot, qui mieux que lui l'a compris et résolu? La gratuité de ses écoles, voilà précisément ce qui a été le prétexte des violentes persécutions qui l'ont abreuvé d'amertume en attendant qu'elles servissent de motifs pour sa béatification.-L'enseignement pratique, tant prôné de nos jours par des publicistes qui seraient parfois fort en peine de le définir, il avait deviné et mis à exécution dès le dix-septième siècle, et ses successeurs, en cela comme dans tout le reste, n'ont eu, pour réussir, qu'à suivre la voie lumineuse qu'il leur a tracée. Les voix les plus autorisées, cemme les moins suspectes de partialité, leur en ont rendu le témoignage, non seulement en France, berceau de l'Institut, mais encore sur toutes les plages de l'univers.

Nulle part, disait naguère un illustre académicien français, on n'apprend à lire, à écrire et à compter aussi bien que chez les Frères; nulle part on ne forme de meilleurs citoyens, plus dévoués à leur pays; nulle part, enfin, on n'apprend mieux à l'enfant ses devoirs envers lui-même et envers Dieu (1). »

(1) Le Comte d'Haussonville,

Aussi les fils de Jean-Baptiste de la Salle se réjouissent-ils avec raison de la gloire de leur Père et de l'hommage rendu à l'efficacité de l'œuvre qu'il a fondée et qu'il couvre toujours de sa protection. Mais ils n'en tirent pas vanité; ils n'en concluent pas non plus qu'ils doivent rester stationnaires, sans chercher à répondre aux besoins de notre temps et du pays où ils exercent leur apostolat; ils y trouvent, au contraire, un stimulant à plus de dévouement encore et à des progrès nouveaux. Ils savent, en effet, que l'instruction, quoique invariable dans ses principes comme la vérité qui en est l'objet et la nature humaine qu'il s'agit d'élever jusqu'à Dieu, n'en est pas moins éminemment perfectible. Aussi leurs programmes s'adaptent-ils à toutes les exigences légitimes de la société où ils vivent, et recueillent-ils dans toutes les grandes expositions scolaires des palmes méritées.

Notre diocèse, Nos Très Chers Frères, ne saurait rester indifférent à l'honneur décerné par l'Eglise au saint éducateur de la jeunesse. Clergé et fidèles sont trop redevables aux Chers Frères de leur coopération efficace à l'œuvre de l'éducation chrétienne, pour être tentés de l'oublier et de ne pas s'associer à leur légitime et filiale allégresse.

-

Il n'y a pas de pays au monde, Nos Très Chers Frères, où l'Eglise ait fait faire de plus grands et de plus rapides progrès à l'instruction publique que dans notre Canada. Nulle part les prêtres ne se sont plus dévoués pour faire de vos enfants des citoyens intègres, des chrétiens solides et éclairés. Nulle contrée de l'univers ne compte eu égard au chiffre restreint de notre population catholique autant de belles institutions. consacrées à la formation intellectuelle et morale des nombreux enfants, qui sont la bénédiction et la joie de nos honnêtes et vertueuses familles canadiennes. Et tout cela, vous le savez, puissiez-vous ne jamais l'oublier!-c'est le fruit du zèle apostolique, des épargnes péniblement faites et de la générosité sans bornes de vos pasteurs. Ils ont vécu, d'ordinaire, pauvrement et se sont imposés toute espèce de sacrifices pour fonder dans nos paroisses rurales, aussi bien que dans les villes, des

collèges et des couvents où les Chers Frères et d'excellentes Religieuses cultivent l'esprit et le cœur de notre jeunesse avec un dévouement et une habileté dignes de tous éloges.

Ils ont compris cette parole d'un illustre chrétien: «Je ne sais s'il y a rien de plus grand et de plus agréable à Dieu que de cultiver ces jeunes plantes du jardin du Seigneur, et de les arroser des eaux salutaires de la doctrine céleste. >>

Ces belles paroles, proférées au commencement du xv siècle par l'illustre Gerson, chancelier de l'Université de Paris, -on les citait récemment en faisant l'éloge de saint Jean Baptiste de la Salle. Toutes les âmes vouées à l'éducation chrétienne, religieux et religieuses des Congrégations enseignantes, humbles instituteurs et institutrices laïques de nos villes et de nos campagnes, se sont également pénétrées de la sublimité de leur rôle si admirablement mis en relief dans la sentence du pieux chancelier. C'est là le secret de leur dévouement à l'œuvre si belle, mais si laborieuse de l'éducation.

Parents chrétiens, comprenez-vous aussi, la grandeur de votre mission. C'est vous, d'abord et surtout, que la divine Providence a établis pour élever vos enfants, pour les instruire dans la connaissance et l'amour de Dieu, pour leur donner des principes solides et chrétiens, pour en faire des catholiques sincères, d'excellents citoyens, des hommes vraiment vertueux et fidèles à tous leurs devoirs. Regardez ceux qui les instruiront plus tard comme d'autres vous-mêmes, chargés de continuer et de consommer l'œuvre sainte que vous avez commencée au sein de la famille. Facilitez donc leur tâche, souvent ingrate, en les secondant de votre autorité, en les respectant, en les soutenant, en bénissant leur zèle et leur dévouement pour une œuvre dont vos enfants et vous-mêmes êtes les premiers à bénéficier.

Ecoutez les sublimes paroles par lesquelles l'Esprit-Saint apprécie la dignité de leur profession : « Ceux qui enseignent la justice à la multitude brilleront comme des étoiles durant toute l'éternité (I). »

(1) Qui ad justitiam erudiunt multos fulgebunt quasi stellæ in perpetuas æternitates. Dan. XII, 3.

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