Sayfadaki görseller
PDF
ePub

gile ou la bonne nouvelle relative à l'avénement du Sauveur. Et de même que nous nous sommes habitués à dire : Évangile de Matthieu, au lieu de Evangile du Christ rédigé par Matthieu, de même nous disons: Apocalypse de Jean, au lieu de: Apocalypse du Christ décrite par Jean. Cependant ces façons de parler abrégées ne datent que d'une époque postérieure au siècle apostolique.

Ajoutons encore que ce nom d'Apocalypse, comme titre d'un livre relatif aux choses finales (que ce titre ait été choisi par l'auteur lui-même, ou que l'histoire littéraire ait jugé convenable de l'employer par analogie), n'appartient pas exclusivement à l'ouvrage compris dans le canon des saintes Écritures. Il y a eu un grand nombre de compositions semblables, soit antérieures à l'ère chrétienne, soit d'origine plus récente, qui ont traité le même sujet, et plusieurs des plus remarquables nous ont été conservées. On peut donc parler d'une littérature apocalyptique, comme d'un genre particulier de la littérature prophétique, et la plupart des traits distinctifs que nous aurons à signaler plus loin pour caractériser l'Apocalypse canonique, reviennent à tous les écrits qu'on peut ranger dans cette classe. Nous n'hésiterons pas à les appeler des poëmes didactiques, en ce que, sous une forme relevant essentiellement de l'imagination (celle de la vision), ils exposent des croyances religieuses et poursuivent un but d'édification. Tous ils appartiennent à la sphère du judaïsme des derniers temps, bien que déjà les anciens prophètes en aient pour ainsi dire tracé d'avance le programme. Le livre de Daniel fut le premier modèle du genre, lequel, tout en se mettant plus tard au service des idées chrétiennes, conserva toujours les traces de son origine, et ne fut en vogue qu'aussi longtemps que les tendances ou les conceptions judaïques prévalȧient plus ou moinst dans l'Église. L'affaiblissement progressif de ces tendances, insensiblement écartées par l'ascendant d'une théologie plus philosophique, nous explique aussi et le revirement de l'opinion à l'égard de notre Apocalypse, et l'incertitude croissante concernant son vrai sens.

II.

L'avenir, les destinées prochaines du peuple des élus et de l'humanité en général, la révolution à la fois terrible et merveilleuse qui devait changer la face du monde, voilà quelle était la grande préoccupation de beaucoup de Juifs à l'époque où commençait la prédication de l'évangile1. Cette préoccupation fut pour un grand nombre d'entre eux le principal mobile qui les conduisit vers le Christ prêché par les apôtres, et imprima une teinte particulière aux croyances de la communauté. Celle-ci, plus ou moins dominée par ce courant d'idées, risqua de perdre en sens pratique et en lucidité d'intelligence ce qu'elle pouvait gagner en enthousiasme et en force morale en face de la persécution. Pour bien comprendre la nature et surtout l'énergie de cette évolution de la pensée religieuse, il faut remonter jusqu'aux anciens prophètes d'Israël. La Providence les avait placés au milieu d'un peuple sorti à peine de la barbarie, imbu de notions. encore grossières relativement à tout ce qui dépassait la sphère des besoins matériels, souffrant en même temps de tous les maux inséparables d'une mauvaise administration et d'un état d'hostilité permanente avec les voisins, enfin sans cesse exposé aux calamités nées d'un sol en partie ingrat, ou d'une nature non encore domptée par le génie de l'homme. Leur tâche était ardue, immense elle aurait été au-dessus des forces humaines, sans cette foi inébranlable en un avenir meilleur qui les soutenait, sans cette conviction profonde que le bien voulu par un Dieu juste et tout-puissant finirait par triompher, et qu'à la suite de ce triomphe l'état social se consoliderait, une paix durable réparerait tous les maux, et la nature elle-même se renouvellerait de manière à faire disparaître toutes ses imperfections actuelles. Oui, ils attendaient tout de l'avenir, c'est-à-dire, de Dieu même. Moins l'actualité répondait à leur idéal, plus le changement désiré se présentait à leur imagination comme quelque chose de miraculeux, d'instantané. Dans le passé ils ne trouvaient point d'époque à mettre en parallèle avec la nouvelle ère qu'ils appelaient de

1 Voyez pour plus de détails l'Histoire de la Théologie chrétienne au siècle apostolique, Livre I, chap. 10, et Livre IV, chap. 3.

leurs vœux les plus ardents, et il n'y avait guère que la figure radieuse du roi David, couvrant la nation, unie pour la première et seule fois, d'une égide de gloire et de prospérité, et grandissant encore en raison de la distance, qui leur fournissait un nom et des couleurs pour donner des contours un peu plus fermes à leurs tableaux. Car si dans leur perspective la restauration politique marchait de front avec la renaissance religieuse et morale d'Israël, si les aspirations les plus pures et les plus saintes s'alliaient chez eux aux élans patriotiques les plus ambitieux, on ne peut pas dire pourtant que leurs conceptions aient pris une forme bien arrêtée, et soient sorties du clair-obscur d'un vague pressentiment, ou d'un désir plus généreux que réfléchi. Ils ne calculaient pas avec des faits positifs; le cœur seul les inspirait, et la froide raison n'avait pas de réserves à faire là où le ciel pouvait intervenir à tout moment.

L'effroyable catastrophe qui réduisit en cendres Jérusalem et son temple, loin d'abattre leur courage ou de laisser leur foi défaillir, paraît au contraire avoir exalté l'un et l'autre. Du moins. les prophètes contemporains de l'exil se distinguent entre tous. par l'énergie de leurs espérances et la brillante vivacité de leurs peintures de l'avenir. C'est que la première partie des prédications de leurs devanciers s'était tristement accomplie. Les ruines de Sion attestaient la vérité des oracles d'autrefois à l'égard de ce qu'ils avaient eu de menaçant. Pourquoi ne seraient-ils pas également vrais en ce qui concernait la restauration promise? Ce sont les promesses de ces oracles qui, après un demi-siècle, mirent en mouvement une notable portion des déportés, et les ramenèrent en Palestine, pleins de grandes résolutions et d'illusions plus grandes encore. Des réalités à la fois douloureuses et mesquines eurent bientôt dissipé ces illusions. Tout de même la terrible leçon avait profité au peuple, et si les splendeurs du trône de David ne rayonnaient pas aux abords du nouveau temple, du moins il n'était plus besoin de prophètes pour châtier des velléités de polythéisme chez une nation désormais fidèle à son Dieu, et décidée à ne plus se confondre avec celles du dehors, mais à se rendre digne des priviléges assurés conditionnellement. à ses pères. Les idées d'avenir, sans s'effacer complétement, sommeillèrent pendant quelques siècles. Les intérêts du moment, l'organisation sociale, les tendances hiérarchiques, le besoin de légalité, en détournèrent les regards.

Cependant il arriva un temps où l'on revint à la lecture des anciens. L'étude des textes fit sur bien des esprits une impression plus puissante que ne l'avaient produite autrefois les paroles chaleureuses des orateurs. Les espérances nationales redevinrent un élément important dans la vie religieuse et politique des Juifs. Elles furent d'autant plus énergiques que l'antagonisme radical entre le judaïsme et le monde païen était de jour en jour plus prononcé et mieux apprécié. La persécution religieuse, qui jamais. auparavant ne s'était montrée avec un caractère aussi odieusement cruel que sous le gouvernement du tyran macédonien, ne manqua pas de donner un aliment abondant au feu qui couvait sous la cendre, et à le faire éclater avec une force bientôt irrésistible. L'indépendance fut reconquise pour un temps malheureusement bien court, trop court pour permettre à ce feu de s'éteindre tout à fait, et le joug romain, avec ses étreintes plus dures et ses froissements plus incessants, ne put que le raviver avec plus d'énergie encore. Si chez quelques-uns les espérances nationales se tempéraient par une pieuse résignation, et se manifestaient par un courage passif, par une vie d'abnégation et de patiente confiance, chez d'autres, au contraire, elles poussaient au fanatisme, et se traduisaient en rêves de vengeance et de domination. Cependant chez les uns et les autres le fond des idées s'était modifié et enrichi de nouveaux éléments. La figure du roi de l'avenir, du second David, se dessinait avec des traits de plus en plus surhumains; les anciens prophètes, ces héros de la théocratie, réapparaissent sur la scène pour lui faire cortége, ou plutôt pour annoncer sa venue prochaine et ratifier ainsi leurs brillantes prédictions d'autrefois. Le désolateur, qui avait inondé de sang les rues de Jérusalem, et placé les insignes de son culte d'abomination sur l'autel même de Jéhova, fut immortalisé à son tour par le rôle qui lui fut assigné dans le drame final et dut servir de type à tout ce que le monde païen opposerait de forces et d'horreurs à l'Oint du Seigneur. L'attente febrile du dénouement, la haine de l'oppression, cette haine qui n'était pas satisfaite par la perspective d'une revanche momentanée et passagère, la conviction surtout que la justice éternelle ne pouvait pas laisser succomber sans aucune compensation les innombrables victimes mortes pour leur Dieu et leur foi, toutes ces causes finirent par faire surgir la croyance à la résurrection. des morts et à un jugement d'outre-tombe, croyance inconnue

aux générations précédentes qui n'en avaient pas senti le besoin, ou qui du moins n'étaient pas parvenues à l'élever au-dessus d'une vague aspiration. Cette idée féconde ne tarda pas à devenir le centre et le pivot d'une théologie conjecturale et divinatoire, qui de l'école passa dans les masses. Elle servit puissamment à donner à cette théologie des formes plus précises, à en coordonner les éléments, à les systématiser. Plus l'imagination revêtait l'avenir de couleurs brillantes, plus l'impatience des croyants en rapprochait le terme. On se mit à calculer les distances qui pouvaient encore séparer le moment présent du jour suprême, et à défaut de chiffres certains, on énumérait la série des signes précurseurs de l'avénement du Messie pour mesurer les temps intermédiaires d'une manière au moins approximative.

Tout cet ensemble de croyances généreuses et de folles espérances vivait dans le peuple juif, préoccupant et travaillant les esprits, à l'époque où Jésus parut. Sa personne, ses miracles, son enseignement même, qui, sans confirmer d'une manière directe les opinions populaires, leur empruntait cependant quelquefois des formes et des images, faisaient sur le public une impression extraordinaire, et l'opposition même qu'il rencontra chez les uns paraît lui avoir fait gagner la faveur d'autant plus enthousiaste des autres. Plus d'une fois la foule allait le proclamer comme celui qu'on attendait, et sa déclaration solennelle que son royaume n'était pas de ce monde, porta un coup fatal aux convictions de plus d'un de ceux qui avaient été ses plus chauds partisans.

Nous n'avons pas besoin de poursuivre ici ce résumé historique. On sait comment la foi en la messianité de Jésus sortit victorieuse de son tombeau, plus ou moins judaïsante chez les uns, plus ou moins spiritualisée chez les autres; comment cette foi se purifia insensiblement sous l'action de l'expérience et sous la direction de l'esprit qui avait dicté l'évangile, et comment, par des modifications successives et un travail séculaire, elle est arrivée à se dégager de l'alliage que lui avait légué la synagogue. Nous verrons tout à l'heure, en examinant de plus près le livre auquel est consacrée cette étude, que nous n'assistons encore qu'au premier début de cette lente transformation.

« ÖncekiDevam »