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apparemment plus fermés pour le grand public, que ceux qui ont trait à la formation de la première écorce terrestre, à la nature et au sens des mouvements de cette écorce, à la destinée de la terre ferme, à la durée des temps géologiques? Ce sont cependant des questions que de Lapparent a cherché à faire pénétrer dans les couches profondes des lecteurs, sans même leur faire grace des controverses auxquelles elles donnaient lieu. Il osa ainsi défendre devant le public, dans de petits livres vendus à bon compte, l'hypothèse de la nébuleuse primitive terrestre, il y plaida en faveur des soulèvements contre les affaissements du sol, il imprima que la vie avait pu mettre neuf cent mille siècles à se développer sur la terre. Sans doute une partie de ceux qui le lisaient a pu perdre de vue les bases de ses raisonnements, mais tous ont retenu que l'histoire de la terre était de longue durée, qu'elle s'exprimait en termes finis et que l'expression numérique de cette durée n'a pas besoin d'emprunter une unité différente de celle qui sert aux calculs de l'humanité. Cet enseignement fut apprécié de telle sorte que huit éditions de ces livrets furent publiées, enlevées en un temps et en un pays où la foule préfère cependant disserter d'échéances plus prochaines que celles qui absorbent l'attention des géologues.

Dans un livre Science et Apologétique, qui devait être le dernier sorti de sa plume, il voulut défendre ses idées religieuses et s'opposer au prétendu antagonisme des sciences et de la religion: il établit dans ces pages vibrantes que si la vérité religieuse n'est pas susceptible d'une démonstration purement rationnelle, rien dans la science n'est en opposition avec les croyances religieuses. Il sut sauvegarder devant les incrédules l'honneur de sa religion et le fondement de sa croyance, mais en même temps il donna aux croyants une saine appréciation de l'œuvre accomplie et des services

rendus par la science. Le petit livre est remarquable par l'étendue de l'érudition qu'il y déploie la géométrie, la mécanique, la physique, la chimie, les sciences exactes et naturelles viennent témoigner à leur tour. C'est à elles qu'il en appelle, comme aux sources de ses idées philosophiques, et, fort de leur mutuel appui, il fournit de nouveaux arguments en faveur des causes finales et des notions de perfection et d'harmonie qui président à l'ordre du monde.

Dans l'histoire religieuse de ces dernières années le nom de de Lapparent ne fut pas mêlé seulement aux questions d'apologétique, mais aussi, et d'une façon plus personnelle encore, aux questions qui touchent à la politique et à l'économie religieuses. Au lendemain. de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, il était des 23 catholiques éminents qui adressèrent aux évêques une supplique devenue célèbre. Il écrivit aussi, pour les catholiques, un article sur le devoir de la concentration, où il les engageait à concentrer de préférence leurs efforts sur le terrain légal. Les convictions religieuses s'alliaient chez lui à la plus parfaite tolérance. « Ah! qu'il eût aimé à voir régner partout la concorde, pour savourer amplement, à la faveur d'une paix fondée sur une mutuelle indulgence, les plus hautes jouissances de l'esprit et du coeur (1)! »

Il dut goûter une de ces jouissances, le jour où l'antique Université de Cambridge, fondée au temps de la réforme pour lutter contre l'influence des moines, et où les diplômes n'étaient donnés jusqu'en 1858 qu'après profession de fidélité à l'église anglicane, lui décerna le titre de Docteur honoraire. Son coeur dut être agité de sentiments bien divers (2), quand il vit

(1) de Lapparent : Éloge de Fuchs, ANNALES DES MINES, 1890, p. 336. (2) « To day there is in my mind something that you perhaps can hardly realize » (Cambridge, Discours du récipiendaire, QUART. JOURN. GEOL. SOC., 1909, p. 162).

les portes de la vieille citadelle s'abaisser, à leur honneur et au sien, devant le professeur catholique militant, devant le commandeur de l'ordre de St-Grégoire le Grand.

C'était le réconfort d'un souffle libéral, réchauffant, au soir de la vie, et sous ce ciel « where the greatest respect for the past allies itself with a strong love for progress» (1), le savant fatigué déjà, mais dont la valeur, le charme, la sincérité, avaient su se faire apprécier.

Par la droiture de son caractère, autant que par la souplesse de son talent, de Lapparent avait su, au cours d'une vie si diverse et si féconde, gagner la sympathie et provoquer l'admiration de tous, et de ceux-là mêmes qu'éloignaient de lui leurs conceptions religieuses, sociales ou politiques.

Ses pairs l'avaient introduit comme membre d'honneur dans la plupart des Académies et Sociétés savantes : Académie royale de Bruxelles, de Rome, géographique de Berlin, géologique de Londres, etc. Les savants français lui témoignèrent leurs sentiments à son égard, en le faisant entrer en 1897 à l'Académie des sciences. Dix ans plus tard, en 1907, une imposante majorité lui attribuait le poste de Secrétaire perpétuel de cette Académie et le faisait succéder à Berthelot et à son maitre Elie de Beaumont. Hélas, de Lapparent n'a pas assez vécu pour rendre comme Secrétaire perpétuel tous les services que l'Académie attendait de lui; il fit assez cependant pour mériter les regrets unanimes de ses confrères, quand la mort vint le frapper d'une façon si imprévue, moins d'un an après sa nomination. Malgré ses 69 ans, il était resté jeune et alerte, au physique comme au moral, et rien ne pouvait faire présager sa fin. Il ne connut ni les atteintes de la

(1) Discours du récipiendaire, QUART. JOURN. GEOL. Soc., 1909, p. 162.

vieillesse, ni le repos mérité du travail, ni même ce besoin si général à l'homme de réserver dans sa vie une part pour la famille. De Lapparent ne savait se donner à demi; et il s'était donné tout entier aux siens, comme il s'était donné à la science, à son enseignement, à sa foi. Ses amis, accueillis sous son toit hospitalier, se réjouissaient de la douceur de sa vie privée, à un foyer uni et calme, auprès d'une compagne digne de lui, entouré de ses enfants, dont il faisait l'orgueil et le bonheur. Il avait épousé, en 1868, Mademoiselle Adèle Chenest, et de cette union heureuse naquirent neuf enfants, dont trois moururent en bas âge; les autres lui donnèrent de son vivant huit petits-enfants. C'était en famille, au milieu de ses enfants et de ses petits-enfants, qu'il goûtait, au temps des vacances

ses

quand il n'y avait ni congrès, ni réunions joies les plus intimes. Il menait alors une vie patriarcale, à la campagne, au grand air, auprès de la bisaïeule vénérée, dans le vieux bien familial de la Cassine, retiré au fond des collines forestières de l'Argonne qui constituent l'enceinte orientale de l'Ilede-France. Dès l'aube, il partait avec les plus vaillants de la famille. Il parcourait, avec eux, les grands bois qui s'échelonnent au rebord du plateau, ou tantôt, laissant les contreforts boisés, s'aventurait dans les prairies humides des vallées longitudinales, et parfois, quand l'état de l'atmosphère l'y conviait, il montait voir le panorama géologique sur le plateau découvert du faîte de l'Argonne. Dans ces promenades, il recherchait les les arbres connus, quittés l'année précédente, saluait ses chènes préférés et ses vieux hêtres au feuillage toujours sombre. Partisan du reboisement, il eût aimé voir ses bois plus étendus déborder, en les enrichissant, les vallées herbues et les plateaux dénudés, et il prenait la chaîne et le niveau, traçait des chemins d'exploitation parmi les rochers et les pentes boisées, dressait

des plans d'aménagement, plantait des pépinières, ou décidait des coupes de l'hiver. Mais combien étaient courtes, pour de Lapparent, ces villégiatures du forestier, et combien souvent il dut constater que les défilés de l'Argonne, qui avaient arrêté des armées, étaient incapables d'arrêter, dans sa marche, un éditeur chargé d'épreuves à corriger! Jamais cependant il ne demanda grâce; on le trouvait toujours prêt pour l'action.

La superbe activité de de Lapparent s'était développée sans arrêt, pendant cinquante ans.

Travailleur infatigable, son labeur s'est manifesté par une série presque ininterrompue de publications où tour à tour il a abordé les questions spéciales et les problèmes généraux de l'histoire du globe, l'exposé didactique de trois sciences, la discussion des relations de la science et de la religion. Sans jamais chercher à créer une doctrine qui lui fût personnelle, il a néanmoins exercé, en fait, une véritable juridiction parmi les géologues de son temps, d'autant plus efficace et d'autant mieux acceptée, qu'elle n'admettait d'autre souci que la recherche de la vérité, d'autre sanction que celle de l'opinion publique. Personne autant que lui n'a contribué à répandre en France les notions modernes concernant l'histoire de la terre, la connaissance et l'ordonnance des lois qui président à l'évolution du monde inorganique. Il a fait penser beaucoup d'hommes, et non aux choses qui les divisent le moins, leur montrant par son exemple, qu'une noble façon d'aimer son pays et son temps, est de travailler avec ardeur à préparer l'avenir, sans méconnaître le passé. Et il a mérité que son œuvre s'impose à tous, comme un témoignage en faveur de la liberté d'enseigner.

Bonne et utile, sa vie a été belle par son unité. Le cours s'en est déroulé suivant une voie très droite, illuminée par la splendeur de sa foi. De Lapparent était un croyant. Il avait foi en la science, sans la

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