Sayfadaki görseller
PDF
ePub

foy, patience, ardeur, zèle, et intégrité, je me soye souventesfois mis à gémir et souspirer que je n'en approchoye que de bien loing, toutesfois ça esté une chose qui m'a beaucoup servy, de contempler en luy, comme en un miroir, tant les commencemens de ma vocation, que le discours et la continuation de ma charge: à ce que je recognusse plus asseurément que tout ce qu'a souffert et soustenu ce Roy et Prophète tant excellent, m'estoit proposé de Dieu pour exemple afin de l'imiter. Vray est que ma condition est beaucoup moindre et plus basse, et n'est pas besoin que je m'arreste à le monstrer mais comme il fut prins d'après les bestes, et eslevé au souverain degré de dignité royale, ainsi Dieu de mes petis et bas commencemens m'a avancé jusqu'à m'appeler à ceste charge tant honorable de ministre et prescheur de l'Evangile. Dès que j'estoye jeune enfant, mon père m'avoit destiné à la Théologie: mais puis après, d'autant qu'il considéroit que la science des Loix communément enrichit ceux qui la suyvent, ceste espérance luy feit incontinent changer d'avis. Ainsi cela fut cause qu'on me retira de l'estude de Philosophie, et que je fus mis à apprendre les Loix : ausquelles combien que je m'efforçasse de m'employer fidèlement, pour obéir à mon père, Dieu toutesfois par sa providence secrette me feit finalement tourner bride d'un autre costé. Et premièrement, comme ainsi soit que je fusse si obstinément adonné aux superstitions de la Papauté, qu'il estoit bien mal-aisé qu'on me peust tirer de ce bourbier si profond, par une conversion subite il donta et rangea à docilité mon cœur, lequel, en esgard à l'aage estoit par trop endurcy en telles choses. Ayant doncques receu quelque goust et cognoissance de la vraye piété, je fus incontinent enflambé d'un si grand désir de profiter, qu'encore que je ne quittasse pas du tout les autres estudes, je m'y employoye

toutesfois plus laschement. Or je fu tout esbahi que devant que l'an passast, tous ceux qui avoyent quelque désir de la pure doctrine, se rangeoyent à moy pour apprendre, combien que je ne feisse quasi que commencer moy-mesme. De mon costé, d'autant qu'estant d'un naturel un peu sauvage et honteux, j'ay tousjours aimé requoy et tranquillité, je commençay à chercher quelque cachette et moyen de me retirer des gens mais tant s'en faut que je veinsse à bout de mon désir, qu'au contraire toutes retraittes et lieux à l'escart m'estoyent comme escholes publiques. Brief, ce pendant que j'avoye tousjours ce but de vivre en privé sans estre cognu, Dieu m'a tellement proumené et fait tournoyer par divers changemens, que toutesfois il ne m'a jamais laissé de repos en lieu quelconque, jusques à ce que maugré mon naturel il m'a produit en lumière, et fait venir en jeu, comme on dit. Et de faict, laissant le pays de France, je m'en veins en Allemaigne de propos délibéré, afin que là je peusse vivre à requoy en quelque coin incognu, comme j'avoye tousjours désiré mais voyci, pource que pendant que je demeuroye à Basle, estant là comme caché et cognu de peu de gens, on brusla en France plusieurs fidèles et saincts personnages, et que le bruit en estant venu aux nations estranges, ces bruslemens furent trouvez fort mauvais par une grand❜partie des Allemans, tellement qu'ils conceurent un despit contre les autheurs de telle tyrannie: pour l'appaiser, on feit courir certains petis livres mal-heureux et pleins de mensonges, qu'on ne traittoit ainsi cruellement autres qu'Anabaptistes et gens séditieux, qui par leurs resveries et fausses opinions renversoyent non-seulement la religion, mais aussi tout ordre politique. Lors moy voyant que ces prattiqueurs de Cour par leurs desguisements taschoyent de faire non seulement que l'indignité de ceste effusion du sang innocent demeurast

ensevelie par les faux blasmes et calomnies desquelles ils chargeoyent les saincts Martyrs après leur mort, mais aussi que par après il y eust moyen de procéder à toute extrémité de meurtrir les povres fidèles, sans que personne en peust avoir compassion, il me sembla que sinon que je m'y opposasse vertueusement, entant qu'en moy estoit, je ne pouvoye m'excuser qu'en me taisant je ne fusse trouvé lasche et desloyal. Et ce fut la cause qui m'incita à publier mon Institution de la Religion chrestienne : premièrement afin de respondre à ces meschans blasmes que les autres semoyent, et en purger mes frères, desquels la mort estoit précieuse en la présence du Seigneur puis après afin que d'autant que les mesmes cruautez pouvoyent bien tost après estre exercées contre beaucoup de povres personnes, les nations estranges fussent pour le moins touchées de quelque compassion et solicitude pour iceux. Car je ne mis pas lors en lumière le livre tel qu'il est maintenant copieux et de grand labeur, mais c'estoit seulement un petit livret contenant sommairement les principales matières et non à autre intention, sinon qu'on fust adverty quelle foy tenoyent ceux lesquels je voyoye que ces meschands et desloyaux flatteurs diffamoyent vileinement et malheureusement. Or que je n'eusse point ce but de me monstrer et acquérir bruit, je le donnay bien à cognoistre, par ce qu'incontinent après je me retiray de là joinct mesmement que personne ne sceut là que j'en fusse l'autheur: comme aussi par tout ailleurs je n'en ay point fait de semblant, et avoye délibéré de continuer de mesme jusques à ce que finalement maistre Guillaume Farel me reteint à Genève, non pas tant par conseil et exhortation, que par une adjuration espovantable, comme si Dieu eust d'en haut estendu sa main sur moy pour m'arrester. Pource que pour aller à Strasbourg, où je vouloye lors me

retirer, le plus droit chemin estoit fermé par les guerres, j'avoye délibéré de passer par yci légèrement, sans arrester plus d'une nuïet en la ville. Or un peu au paravant la Papauté en avoit esté chassée par le moyen de ce bon personnage que j'ay nommé, et de maistre Pierre Viret : mais les choses n'estoyent point encore dressées en leur forme, et y avoit des divisions et factions mauvaises et dangereuses entre ceux de la ville. Adonc un personnage, lequel maintenant s'est vilenement révolté et retourné vers les Papistes, me descouvrit et feit cognoistre aux autres. Sur cela Farel (comme il brusloit d'un merveilleux zèle d'advancer l'Evangile) feit incontinent tous ses efforts pour me retenir. Et après avoir entendu que j'avoye quelques estudes particulières ausquelles je me vouloye réserver libre, quand il veit qu'il ne gaignoit rien par prières, il veint jusques à une imprécation, qu'il pleust à Dieu de maudire mon repos et la tranquillité d'estudes que je cherchoye, si en une si grande nécessité je me retiroye et refusoye de donner secours et aide. Lequel mot m'espovanta et esbransla tellement, que je me désistay du voyage que j'avoye entreprins: en sorte toutesfois que sentant ma honte et ma timidité, je ne voulus point m'obliger à exercer quelque certaine charge. Après cela à grand' peine se passèrent quatre mois, que d'un costé les Anabaptistes nous veindrent assaillir, et de l'autre un meschant Apostat, lequel estant secrettement soustenu et appuyé du crédit d'aucuns des principaux, nous pouvoit beaucoup faire de fascherie. Ce pendant surveindrent en la ville séditions les unes sur les autres, qui nous affligèrent et proumenèrent d'une façon qui n'estoit point lasche. Ainsi, combien que je me recognoy estre timide, mol, pusillanime de ma nature, il me falut toutesfois dés les premiers commencemens soustenir ces flots tant impétueux : ausquels jà soit

que je ne succombasse pas, si est-ce que je ne me trouvay point garny d'une si grande magnanimité, que quand par le moyen de certains troubles on me chassa, je ne m'en resjouisse plus qu'il ne faloit. Lors par ce moyen estant en liberté et quitte de ma vocation, j'avoye délibéré de vivre en repos sans prendre aucune charge publique, jusques à ce que l'excellent serviteur de Christ Martin Bucer, usant d'une semblable remonstrance et protestation qu'avoit fait Farel au paravant, me rappela à une autre place. Estant donc espovanté par l'exemple de Jonas, lequel il me proposoit, je poursuyvi encore en la charge d'enseigner. Et mesme combien que tousjours je continuasse à estre semblable à moymesme, c'est asçavoir de ne vouloir point apparoistre ou suyvre les grandes assemblées, je ne sçay comment toutesfois on me mena comme par force aux Journées impériales, où bon-gré mal-gré il me falut trouver en la compagnie de beaucoup de gens. Depuis, quand le Seigneur ayant pitié de ceste ville, eut appaisé les esmotions et troubles pernicieux qui y estoyent, et par sa vertu admirable dissipé tant les mal-heureux conseils, que les efforts sanguinaires des perturbateurs de la République, contre mon désir et affection la nécessité me fut imposée de retourner à ma première charge. Car combien que le salut de ceste Eglise me fust en telle recommandation, que pour icelle je n'eusse point fait de difficulté d'abandonner ma vie, ma timidité toutesfois me présentoit beaucoup de raisons de m'excuser, pour ne point reprendre derechef sur mes épaules un fardeau si pesant. Mais à la parfin le regard de mon devoir, que je considéroye avec réverence et conscience, me gaigna, et feit condescendre à retourner vers le troupeau d'avec lequel j'avoye esté comme arraché; ce que je feis avec tristesse, larmes, grande solicitude, et destresse, comme le Seigneur m'en est très-bon tes

« ÖncekiDevam »