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blaient les contribuables de vexations publiques et secrètes, de visites domiciliaires payées par ceux mêmes qui avaient à les supporter, et leur tendaient des piéges pour les surprendre. Des saisies ruineuses et les galères étaient le résultat de ces manœuvres. La misère pesait surtout sur le peuple proprement dit, car le tiers-état était distingué en bourgeoisie et en peuple.

Nul ordre dans les finances: les ministres ne connaissaient pas le chiffre des recettes et des dépenses; leurs gaspillages avaient occasionné une dette de plus de trois milliards, et un déficit annuel de cent vingt millions'. Cependant ils avaient imaginé tous les moyens d'avoir de l'argent; ils vendaient les charges de la magistrature, de l'armée, de l'administration, les titres de noblesse, et jusqu'au privilége d'exercer les métiers. En achetant ce privilége, les artisans recevaient la permission de regagner sur le peuple le prix qu'il leur avait coûté, soit en ne payant qu'un salaire insuffisant à l'ouvrier, soit en vendant les choses audessus de leur véritable valeur. Les magistrats se remboursaient en vendant souvent la justice; les officiers, en dérobant une partie de la solde des soldats2. De là, cette fatale conséquence, que ni l'intelligence, ni le travail, ne suffisaient au citoyen pour gagner sa

1 Château des Tuileries, ch. XII.

2 Sous le nom de retenue. On verra plus loin les preuves authentiques de ce fait.

vie, s'il n'avait en outre le moyen d'acheter une place ou un métier.

Le roi ne recula pas même devant l'idée d'affamer la France; il vendit le privilége d'accaparer tous les blés à une compagnie, qui les achetait à la récolte pour les revendre plus tard à un prix exorbitant, soit en France, soit à l'étranger; c'est ce que l'on appela le pacte de famine. Les malheureux qui se plaignaient étaient plongés dans les cachots. Un arrêt du conseil défendait de rien imprimer de relatif à cette compagnie. Elle renouvela successivement son bail pendant les règnes de Louis XV et de Louis XVI, et causa douze famines dont quatre désolèrent le règne de ce dernier il y périt des milliers de citoyens.

Lorsqu'il ne resta plus de charges à vendre ni d'impôts à inventer, les besoins du gouvernement croissant sans cesse, on vendit les revenus des années suivantes, ce qu'on appela anticipations. Ce moyen épuisé, on retarda le payement d'une partie des salaires des intérêts dus par l'État; mais cet arriéré ne frappait jamais les courtisans, dont les énormes pensions étaient exactement payées. Le même individu en touchait souvent plusieurs, motivées sur des services imaginaires ou sur des fonctions qu'il n'avait jamais remplies. Les privilégiés, prévoyant que cet état de choses ne pourrait durer, imaginèrent de se

1 Moniteur.- Histoire de la Révolution par deux Amis de la liberté, t. III, p. 200.

faire considérer comme créanciers de l'État, afin d'avoir un titre perpétuel. Quand on ouvrait un emprunt, ils se faisaient inscrire sur un livre rouge, comme ayant fourni un capital qu'ils ne versaient point, mais dont ils avaient le droit d'exiger le remboursement ou de se faire payer la rente à perpétuité'. Ainsi, des priviléges sans nombre désolaient la France. Le roi, les prêtres, les nobles, les bourgeois, les ouvriers, les paysans vivaient sous des lois différentes. Par une vieille habitude féodale, chacun rampait devant son maître, pour pouvoir opprimer son inférieur. Du roi au plus infime de ses agents, c'était une longue chaîne d'oppression et de misère qui s'était transmise de génération en génération.

Les rois avaient jadis consulté, dans les circonstances difficiles, les états-généraux du royaume, c'est-à-dire les députés des trois ordres, par lesquels ils faisaient sanctionner les grandes mesures d'administration et les nouveaux impôts. Ces députés étaient appelés et renvoyés selon le bon plaisir du monarque. Ils délibéraient et votaient, non pas ensemble, mais séparément, par ordre, de sorte qu'il y avait toujours deux voix nécessairement hostiles au tiers-état, ce qui avait rendu toutes ces réunions sans résultat pour les intérêts du peuple 2.

1 C. Desmoulins. Moniteur.

2 Elles avaient pour objet de donner aux impôts une apparence de sanction publique.

La dernière avait eu lieu en 1614; depuis cette époque, les rois n'en voulurent plus, parce qu'ils craignirent le renouvellement des plaintes du tiers-état, qui furent déjà très-vives à cette session, comme les cahiers en font foi. On y voit la description des vices, de l'ambition désolante, de la cupidité de la noblesse, des magistrats et du haut clergé; enfin, on y lit cette éloquente apostrophe : « Partisans altérés d'une soif » excessive qui, au lieu de sucer doucement la viande » pour en nourrir et entretenir tout le corps de l'État, » la ravissez et retirez à vous..... Hommes affamés et » insatiables en la cupidité du bien d'autrui, quand >> serez-vous contents? Jusqu'à quand continuerez>> vous vos infâmes pratiques? Quand est-ce que vous » mettrez fin à vos persécutions? Quand cesseront >> vos monopoles? vos recherches de nouveaux moyens » pour tirer de nouvelles subventions, contributions » et levées ? Quand cesseront les nouveaux sujets de » surcharges et de mécontentements que vous donnez » à tout le peuple de France? Pauvre peuple français, » dépouillé de tes biens, et à qui cette extrême avarice » n'a laissé qu'un juste dépit et indignation, quand » rompras-tu ce silence qui augmente ta misère? » Quand commenceras-tu à te plaindre ? quand à >> mieux espérer ?.....

» Ce pauvre peuple qui n'a pour partage que le » labeur de la terre, le travail de ses bras et la sueur » de son front, accablé de la taille, de l'impôt du

>> sel, doublement retaillé par les recherches impi» toyables et barbares de mille partisans, en suite de » trois années stériles qui ont témoigné l'ire de Dieu >> en plusieurs provinces, a été vu manger l'herbe au » milieu des prés avec les brutes. D'autres, plus im» patients, sont allés par milliers en pays étrangers, » détestant leur terre natale, ingrate de leur avoir » dénié la nourriture; fuyant leurs compatriotes pour >> avoir impiteusement contribué à leur oppression, » en tant qu'ils n'ont pu subvenir à leurs misères.....>>

Pour se débarrasser de ces plaintes, Louis XIII ferma brutalement la salle des états, qui furent obligés de se dissoudre, et il n'en fut plus question.

Au milieu de tant de maux le peuple avait conservé un fond de religion que rien n'avait pu altérer, ni les scandales du haut clergé, ni l'immoralité qui avait commencé à envahir les classes moyennes. Cette religion, fondée par l'Évangile, enseigne que tous les hommes sont nés égaux et libres, et qu'ils ont un droit égal au partage des biens de la terre. Fénelon, Montesquieu, J. J. Rousseau et une foule d'autres écrivains généreux rappelèrent éloquemment ces principes, remontrèrent au peuple qu'il a seul le droit de se donner des lois, et que tant qu'il subira le joug du despotisme, ses misères seront irrémédiables. D'autres, à la tête desquels était Voltaire, attaquaient les abus par la satire et l'ironie, et allaient ainsi au même but, mais en le dépassant souvent, et en jetant au sein des

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